"Tant que des gens seront chez eux en danger de mort, ils en partiront. Et nous en ferions autant", affirment Marie-Françoise Colombani et Damien Roudeau, auteurs du petit livre illustré, Bienvenue à Calais à paraître mercredi.
Publié par Actes Sud, la maison d'édition qui a remporté l'an dernier le Goncourt et le Nobel de littérature, ce petit livre de 56 pages n'est pas un livre militant mais, en s'efforçant de raconter "sur le vif" la situation des migrants dans la "jungle" de Calais, l'ouvrage permet de donner à un problème politique et social, des noms, des visages, des souffrances et aussi des rêves.
Marie-Françoise Colombani, éditorialiste au magazine Elle, et le dessinateur Damien Roudeau, connu notamment pour son reportage graphique "De bric et de broc" sur les compagnons d'Emmaüs, se sont immergés dans le "no man's land" que constitue la "jungle" de Calais dont l'Etat français vient d'annoncer qu'il souhaitait accélérer le démantèlement.
Quelque 4.000 migrants sont actuellement installés dans le camp. "Aux politiques d'oeuvrer pour que la sécurité revienne dans les pays dévastés
(d'où sont originaires les migrants) et même, si nécessaire, de réguler les arrivées", admettent les coauteurs de "Bienvenue à Calais". "Mais, ajoutent-ils, aux citoyens que nous sommes d'exiger que l'on fasse un accueil honorable à tous ces hommes, femmes et enfants".
Si des conteneurs "chauffés et éclairés" ont été installés pour accueillir des familles avec enfants, le camp ressemble encore à "un immense cloaque".
"Aucune loi de la République ne s'exerce dans cet enfer pour protéger les plus faibles", déplorent les coauteurs en évoquant des cas de racket, de prostitution, de viols ou encore de "disparitions de mineurs isolés".
"Dougar" pour traverser l'autoroute
Les incidents entre migrants sont légions, relèvent-ils en notant que le centre de santé de Médecins du Monde a été "totalement vandalisé"."Parfois on entend crier 'Dougar' (ralentissement ou embouteillage en soudanais), et des dizaines et des dizaines de migrants se ruent alors vers l'autoroute" au risque parfois d'y laisser leur vie comme Sara, une Erythréenne de 16 ans, percutée par un poids-lourd. "Après avoir parcouru plus de 11.000 km, Sara est morte à 30 km de son but", l'Angleterre.
Si le Royaume-Uni demeure l'Eldorado rêvé, d'autres migrants se sont sédentarisés dans le camp faute de pouvoir rejoindre l'Angleterre. Damien Roudeau dessine ainsi la "boulangerie" d'Ajhab Khan un Afghan dont le pain est, paraît-il, "délicieux".
Le livre regorge aussi de portraits de bénévoles sans qui "le camp serait mortifère" et distille quelques "éclats de vie", tous déchirants, de migrants ayant échoué à Calais.
Les bénéfices et droits d'auteur du livre doivent être reversés à l'association "L'Auberge des migrants" qui apporte une aide humanitaire d'urgence "aux désespérés" de Calais.