Le régime indemnitaire de la police municipale évolue pour la première fois depuis 20 ans et c'est aux collectivités de décider des primes accordées à leurs policiers. Les choix de la mairie de Beauvais provoquent le mécontentement des agents, en grève illimitée depuis ce mercredi 27 novembre 2024.
Les policiers municipaux de Beauvais battent le pavé devant leurs locaux. Sous le barnum rouge de la CGT, certains tentent de se réchauffer en buvant un café dans le matin froid de ce vendredi 29 novembre 2024. C'est le troisième jour d'une grève qu'ils veulent illimitée, tant que la mairie n'aura pas cédé en augmentant la prime liée à leur nouveau régime d'indemnisation.
Des messages de colère s'affichent sur leurs gilets jaunes et quelques pancartes en carton qui résistent comme elles peuvent à l'humidité de l'hiver. Même le chien du commissariat a enfilé son gilet de grève, où l'on peut lire "des sous pour mes croquettes". Des messages directement adressés à la mairie.
"Ces négociations ne répondent pas à nos attentes"
Depuis le mois de juin, le régime indemnitaire de la police municipale a évolué. À la place des multiples primes que les agents percevaient auparavant selon les spécificités de leurs postes, une prime unique : l'indemnité spéciale de fonction et d'engagement. Son montant est fixé par la municipalité.
Cette prime est composée d'une part fixe qui représente maximum 30 % du salaire de l'agent, une fois déduits les 11 % de cotisation pour sa pension. Pour cette part, les policiers municipaux de Beauvais ont déjà obtenu satisfaction, alors que la mairie proposait initialement 24 %. "On a été reçus par M. Pia [ndlr : Franck Pia, maire UDI de Beauvais] dès la première journée de grève, il nous a accordé les 30 % pour la part fixe. Là où il y a des discussions, c'est par rapport à la part variable. Et ces négociations ne répondent pas à nos attentes" souligne l'une des policières mobilisées.
La part variable est une prime au mérite, dont le montant est défini par la mairie, avec un plafond à 5 000 euros. À Beauvais, la mairie a opté pour un montant de 1 500 euros pour tous les agents, avec des primes supplémentaires de 500 euros pour le travail de terrain, 500 euros pour les encadrants et 1 500 € pour les travailleurs de nuit.
"Un encadrant de nuit part de 1 500 €, auxquels s'ajoutent 500 € pour la prime de voie publique, 500 € du fait d'être encadrant et 1 500 € du fait de la nuit. Soit un total de 4 000 € pour les encadrants de nuit, avec une majoration possible de 20 selon la manière de servir, ce qui peut amener à 4 800 €" indique le cabinet du maire à titre d'exemple.
"Une telle revalorisation est inédite et permet de ces femmes et de ses hommes de la commune" ajoute la municipalité dans un communiqué, qui souligne aussi l'importance d'être équitable avec les autres agents municipaux et la difficulté à dépenser plus dans un contexte de coupes budgétaires. La nouvelle prime représenterait en effet un budget supplémentaire de 97 250 euros pour les finances de la commune.
La police municipale a le blues
Si la municipalité indique que ce nouveau régime indemnitaire représente un gain moyen annuel de plus de 2 000 € pour les agents, Dominique Lignier-Becart, déléguée CGT des agents territoriaux de Beauvais, nuance en affirmant que dans certains cas, cela représente "une différence 150 €, pas plus". Les agents de nuit et les jeunes agents territoriaux seraient les plus lésés.
Dans un contexte de recrutement difficile, les mairies sont en compétition pour attirer des agents. "J'ai beaucoup de collègues qui ont dit au maire qu'ils allaient partir, cela n'a pas l'air de le déranger beaucoup. 11 000 postes ne sont pas pourvus, donc beaucoup de municipalités paient leurs agents au maximum pour les garder" souligne l'une des policières grévistes.
Ce qui transpire aussi de cette mobilisation, c'est une grogne sur des conditions de travail plus exigeantes qu'avant, sans contreparties perçues comme suffisantes. "Nous sommes à 90 % les primo-intervenants par rapport à la police nationale, qui se décharge beaucoup sur nous pour effectuer des interventions comme les nuisances sonores, les stationnements gênants, même les rixes et les découvertes de cadavres, explique l'un des policiers municipaux, en fonction depuis 25 ans, dont 20 de nuit. Au Beauvau de la police municipale, en cours depuis novembre, on parle encore de beaucoup de nouvelles prérogatives, mais rien au plan social...Par rapport à la police nationale où ils ont la bonification d'un an tous les cinq ans, ils peuvent aussi partir en retraite plus tôt, ils ont d'autres choses que nous n'avons pas..."
94 % des effectifs de la police municipale de Beauvais sont en grève. Le nouveau régime indemnitaire sera appliqué à partir du 1ᵉʳ janvier, les négociations doivent être achevées d'ici là. "Tout le monde est très motivé pour continuer" prévient la déléguée CGT. Lors des négociations de ce nouveau régime indemnitaire, ce syndicat n'avait pas participé aux négociations, la Cfdt s'était également refusée à le faire, le nouveau régime est par contre salué par Force Ouvrière et le SA-FPT.
Avec Elsa TEITON / FTV