Ces 25 et 26 janvier, c'est le moment de prendre une heure pour compter les oiseaux des parcs, jardins et balcons. L'objectif est de collecter des données qui seront utilisées par les scientifiques du Muséum national d'histoire naturelle et du CNRS pour mieux comprendre l'évolution des populations d'oiseaux communs.
Ils se baladent sur les branches dénudées, viennent picorer dans les mangeoires ou sautiller sur les rambardes des balcons : c'est pendant l'hiver qu'il est le plus facile d'observer les oiseaux. Alors, chaque année, en janvier, une grande opération de science participative est menée dans toute la France afin de les recenser.
Le principe est simple, tous les participants sont invités à observer leur jardin, balcon ou le parc le plus proche pendant une heure. Il faut compter les oiseaux qui se posent et tenter de les identifier ou, à défaut, les prendre en photo pour qu'ils soient reconnus par des experts. L'étape suivante est de rentrer toutes ces précieuses données sur le site https://www.oiseauxdesjardins.fr.
Les observations sont ensuite transmises aux scientifiques du CNRS, du Muséum national d'histoire naturelle (MNHN) et de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), les trois organismes qui organisent ce recensement. Plus il y a de participants, plus les chercheurs peuvent suivre l'évolution de ces populations à plumes, dont certaines espèces sont menacées par la dégradation de leur environnement.
Se mobiliser pour la recherche
Prendre une heure pour compter les volatiles, cela semble anodin et pourtant, ces comptages annuels sont un véritable enjeu. "Les organismes publics comme le CNRS et le Muséum national d’histoire naturelle ont une baisse du personnel dédié au comptage, constate Olivier Robert, délégué de la LPO dans l'Oise. Donc, on a besoin du soutien de la population."
Le comptage a lieu deux fois par an, le dernier week-end de janvier et le dernier week-end de mai, "à la période de reproduction, pour observer les différences avec l'hiver et les oiseaux nicheurs", précise Olivier Robert. En complément de cette campagne, la LPO propose d'ailleurs régulièrement des cours d'ornithologie, pour aider tout un chacun à identifier les oiseaux qui s'aventurent dans nos jardins.
Ces comptages sont également une façon très empirique de comprendre les enjeux environnementaux. "Les sciences participatives, c’est le meilleur moyen d’impliquer le public et que le public prenne conscience de la perte de la biodiversité" espère le délégué de la LPO. En 2023, le nombre de jardins participants a atteint son record, 28 196 foyers s'étaient prêtés au jeu. En 2024, la participation était en baisse, à 17 561, la LPO espère bien inverser la tendance cette année.
Dans les Hauts-de-France l'an dernier, 1043 jardins ont été observés en janvier, dont 422 dans le Nord, 248 dans le Pas-de-Calais, 157 dans l'Oise, 140 dans la Somme et seulement 76 dans l'Aisne. L'association de sauvegarde des oiseaux souligne que plus le comptage est suivi dans le temps, c'est-à-dire sur plusieurs années consécutives, plus les données sont intéressantes, car elles permettent de suivre l'évolution des espèces. Avec les modifications de leur environnement, certaines changent en effet leurs habitudes, voient leur population diminuer ou au contraire, prospérer.
Les populations d'oiseaux changent
C'est l'un des enseignements de ces comptages, dont un bilan regroupant dix ans d'observations a été publié en 2022. La Fauvette à tête noire, par exemple, est de plus en plus observée dans les jardins de l'ouest et de la vallée du Rhône : 70 % d'observation supplémentaires en 2022, comparé à 2012. Un phénomène également observé outre-manche.
"Sous l’essor du nourrissage proposé en hiver, le comportement de migration de l’espèce aurait même changé en Europe. Les individus d’Europe centrale, qui traditionnellement hivernaient dans le bassin méditerranéen notamment l’Espagne, ont dans les années 1960 commencé à passer l’hiver dans l’ouest de la Grande-Bretagne, profitant d’hivers de plus en plus doux et de l’augmentation de l’offre d’alimentation à la mangeoire" peut-on lire dans le rapport.
#Communiqué 🗞 Des scientifiques ont quantifié pour la 1re fois l’impact direct de différentes activités humaines sur les oiseaux 🪺 à l’échelle de l'Europe : les données montrent une perte de près d’un 1/4 du nombre d’oiseaux en près de 40 ans.
— CNRS 🌍 (@CNRS) May 16, 2023
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D'autres espèces sont mal en point, comme le Verdier d'Europe, au plumage jaune mordoré, dont les observations ont diminué de 46 % en dix ans. "Parmi les raisons pouvant expliquer ce déclin la diminution de ses ressources alimentaires sous l’effet de l’intensification des pratiques agricoles, avec un usage massif d’herbicides et de pesticides et la régression des prairies naturelles" indique le rapport.
Les oiseaux des plaines agricoles ont en effet les plus touchées par la diminution de leurs populations. "Les passereaux sont la population d’oiseaux qui a le plus diminué en France notamment en raison de l'agriculture, avec l'utilisation d'insecticides et donc la disparition des insectes, regrette Olivier Robert. Les oiseaux généralistes s'en sortent mieux, ceux qui ne mangent que des insectes disparaissent."
Une étude du CNRS dont les résultats ont été publiés en 2018 montre que la population d'oiseaux de plaines agricoles avait diminué de 33 % en quinze ans. Une moyenne qui cache des disparités : sur cette période, 80 % des perdrix auraient disparu.
Les comptages dans les jardins peuvent d'ailleurs cacher des résultats contre-intuitifs. De plus en plus de Chardonnerets élégant sont ainsi observés lors des campagnes de comptage, alors que la population globale de cet oiseau s'effondre. Mais, privé de son environnement naturel, l'espèce qui ne fréquentait auparavant pas les jardins s'y invite maintenant pour profiter des mangeoires.
D'autres espèces enfin sont en plein essor, comme la perruche à collier, reconnaissable à son plumage vert qui évoque les tropiques. Présente en France depuis 1974, suite à des fuites et abandons de cet oiseau que l'on achetait alors en animalerie, elle est de plus en plus commune en Île-de-France et maintenant installée dans 420 communes, contre 42 en 2012. Bonne nouvelle : elle ne serait pas nocive pour les autres espèces.
Recenser les oiseaux : mode d'emploi
Pour maximiser les chances de passer une heure intéressante, il vaut mieux éviter la grasse matinée, d'après Olivier Robert : "L'idéal est de le faire le matin vers 9 heures, c’est là où les oiseaux sont le plus actifs. Ça dépend aussi de la météo, s’il y a de grosses pluies avec de grosses rafales, il y aura moins d’oiseaux. S'il fait froid, mais beau, alors ils auront plus tendance à venir se nourrir dans les mangeoires."
Le comptage doit idéalement être effectué pendant une heure continue, sur une seule journée et seulement pour les oiseaux qui se posent. Un guide complet de l'observation permet de comprendre le protocole d'observation et la façon de partager les données sur le site web dédié. Des fiches d'identification sont aussi disponibles, elles sont notamment utiles pour différencier les espèces qui se ressemblent.
De nombreuses animations sont proposées par la LPO et les communes en marge de ces campagnes de comptage des oiseaux de jardin. Pour celles et ceux qui ne pourraient pas participer ce week-end, d'autres options sont proposées sur le site de l'Observatoire des oiseaux de jardin et sinon, rendez-vous en juin.