Changement climatique. Érosion du littoral, à quel horizon les habitations sont-elles menacées ?

De violentes inondations ont marqué les Hauts-de-France en 2023 et 2024. Mais les fortes pluies ont aussi des conséquences à plus long terme sur le paysage de la région. Effondrement de remparts, érosion du littoral et retrait du trait de côte qui fait frémir les habitants proches de la mer... Quel est l'impact des précipitations sur le patrimoine matériel et immatériel de la région ? Éléments de réponses.

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Des averses, encore et encore. 2023 et 2024 ont été des années record : jamais autant de pluies ne s’étaient abattues sur les Hauts-de-France depuis 1959. Le Pas-de-Calais a fait face à des inondations sans précédent. Mais sur le long terme, ces phénomènes météorologiques extrêmes, amplifiés par le réchauffement climatique, modifient en profondeur le visage de notre territoire, menaçant les habitations du littoral.

Mois après mois, année après année, ces fortes pluies s’attaquent à notre patrimoine naturel, mais aussi historique. À Montreuil-sur-Mer, le 10 novembre 2023, un pan des remparts de la ville s'était effondré, sous le regard médusé des passants, laissant une plaie béante de 40 mètres qui défigure encore aujourd’hui le joyau patrimonial de la ville. 

Une pression due à l'accumulation d'eau

Si elles ont survécu aux multiples guerres depuis leur construction au XIIIème siècle, ces fortifications classées Monument historique n’ont pas résisté aux fortes pluies qui ont frappé le Pas-de-Calais à l’automne 2023. Pour les habitants, "c'est triste de voir ce patrimoine détruit à cause du mauvais temps".

"De l'eau s'est accumulée, détaille le maire (sans étiquette) de Montreuil-sur-Mer Pierre Ducrocq. Puisqu'elle ne pouvait pas s'évacuer vers le bas, elle a créé une pression hydrique et cette poussée a fait que le pan des remparts est tombé. Une conséquence directe de l'accumulation d'eau, ça ne vient pas forcément tout de suite à l'esprit... C'était vraiment une surprise de recevoir cet appel nous annonçant l'effondrement." 

Si elles ont survécu aux multiples guerres depuis leur construction au XIIIème siècle, les fortifications classées Monument historique de Montreuil-sur-Mer n’ont pas résisté aux fortes pluies qui ont frappé le Pas-de-Calais à l’automne 2023. © Image drone FTV Philippe Rousselle

Des chantiers à prévoir

D’ici au printemps, des travaux de sécurisation et de reconstruction du site vont être entrepris. Leur coût ? 1 350 000 euros. Mais pour éviter d’autres éboulements à l’avenir, des chantiers plus larges sont à prévoir, comme l'explique Philippe Cousin, vice-président de la communauté d'agglomération du Montreuillois en charge du patrimoine. "Une étude a été réalisée pour chiffrer la totalité des travaux qu'il y aurait lieu de faire. Le montant nécessaire est de 38 millions d'euros. C'est l'image de Montreuil. Il est important de préserver et conserver notre territoire pour les générations futures."

Le patrimoine historique, victime du réchauffement climatique ? L’exemple des remparts de Montreuil n’est pas un cas isolé. À Boulogne-sur-Mer, un pan de 5 mètres du mur de soutènement des remparts datant du XVIe siècle s’est écroulé en octobre dernier.

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Pour comprendre à quel point le visage des paysages de la région évolue en fonction du changement climatique, voyez ce reportage tourné sur la Côte d'Opale. ©FTV - Damien Deparnay, Flavien Bellouti et Philippe Rousselle.

Des éboulements qui se multiplient

"La pression des terres gorgées d'eau actuellement a entraîné un effondrement partiel, explique Angélique Demon, cheffe du service archéologie de la ville. En tout cas, on a une partie de la coursive qui a lâché, tout simplement. Dans l'histoire récente, c'est la première fois que ça arrive. On a là, vraiment, un impact immédiat du changement climatique et en tout cas des fortes précipitations qu'on a eues ces derniers temps sur le patrimoine fortifié de Boulogne."

Des fortes précipitations qui transforment aussi durablement les sites naturels de la région. Ces derniers mois sur le littoral, les éboulements de falaise se sont multipliés. Que ce soit à Mers-les-Bains, sur le sentier des douaniers entre Le Portel et Equihen Plage, ou encore au sud du Cap Blanc-Nez. En cause à chaque fois, le ruissellement des eaux de pluies qui fragilisent la roche. 

Chaque année, le trait de côte de notre littoral recule de plusieurs mètres. © Image drone FTV Philippe Rousselle

La crainte du réchauffement climatique

"Dès qu'on a un degré de réchauffement climatique, on a 7% de quantité d'eau supplémentaires dans l'atmosphère, alerte Pierre Bracq, professeur d'hydrogéologie à l'université du Littoral Côte d'Opale. Et les précipitations auront un impact sur le recul du trait de côte. On voit sur les falaises des marches d'escalier. Ce n'est pas la mer qui attaque, c'est bien l'effondrement qui se fait derrière, lié aux quantités d'eau qui tombent et s'infiltrent."

Le recul du trait de côte peut atteindre 3 ou 4 mètres certaines années. À l'échelle géologique, on sera très vite à Lille !

Pierre Bracq

Professeur d'hydrogéologie à l'université du Littoral Côte d'Opale

"En ce qui concerne l'ampleur de ce retrait, on est parfois sur des moyennes de 0,5 à 1 mètre par an, mais cela peut atteindre 3 ou 4 mètres certaines années. Cela peut sembler peu à l'échelle humaine, mais sur des milliers d'années à l'échelle géologique, on sera très vite à Lille !"

La prolifération de ces fissures noires visibles dans les falaises montre que le phénomène va s’amplifier dans les années à venir, avec un impact sur les habitations du littoral. Selon les experts, si rien n’est fait pour lutter contre le changement climatique, plus de 110 000 logements sont menacés par le recul du trait de côte dans la région, d’ici à 2100.

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