Nous connaissons tous Emile Zola, écrivain français très populaire dont les romans sont régulièrement adaptés au cinéma et à la télévision. Emile Zola, l’homme engagé dans l’affaire Dreyfus, le journaliste critique d’art, était également un talentueux photographe, comme nous montre cette exposition à la médiathèque de Wimille, dans le Boulonnais.
Durant près de 10 ans, jusqu’à sa mort en 1902, Émile Zola capturera des instantanés de sa vie. À partir de 1895, il n’écrit plus, mais tout ce qu’il voit le passionne et l'auteur de Germinal, se découvre un nouveau plaisir : la photographie. Il photographie tout et tout le monde ! Assoiffé d’images, il réalisera plus de 7 000 plaques photographiques. Comme ici, où derrière son objectif, l’auteur de Nana capture l’effervescence de la capitale au moment de l’exposition universelle de 1900.
Ses descriptions de Paris dans ses romans prennent vie sous nos yeux, comme dans cette photographie de la tour Eiffel, légèrement bancale, tronquée à sa cime, mais si fascinante et terriblement moderne. Prise de nuit, elle raconte la première fois où en 1900 l’électricité fait son apparition, transfigurant la Dame de fer.
"Emile Zola avait une dizaine d’appareils photo, il se tenait au courant des dernières innovations et achetait toujours les appareils les plus perfectionnés" raconte Bruno Martin, chargé de collections à la médiathèque du Patrimoine et de la Photographie, commissaire de l’Exposition. "Car ce qu’il voulait surtout, c’est prendre le mouvement. Il y a en lui une véritable démarche artistique."
Si Émile Zola s’adonne par passion à la photographie, l’auteur de l’Assommoir se forme en autodidacte par l’expérimentation, mais ne manque pas de maîtrise. Il met au point des techniques personnelles et, avec la rigueur et la minutie qui le caractérise. Aucun détail n’échappe à l’œil aiguisé de Zola.
"D’un point de vue artistique, on voit dans beaucoup de ses photos, une véritable recherche de cadrage, d’angles de vues originaux, de tentative pour capter la lumière reflétant probablement l’influence qu’a eue la peinture sur son œil de photographe, mais ce qu’il voulait surtout, c’est photographier le mouvement."
L’époque est aux tirages sur des plaques de verre, au point de faire installer un laboratoire de développement dans chacune de ses résidences, à Paris, Verneuil et Medan. Puis la pellicule effectue sa première apparition et Zola s’y essaie en cette période où la pratique de la photo est encore rare, réservée à quelques initiés fortunés.
Immortaliser ses deux vies de famille
Emile Zola multiplie aussi les portraits, ceux de ses amis, ceux de son épouse Alexandrine, avec qui il n’aura pas d’enfant, ceux de sa maîtresse Jeanne Rozerot qui lui donnera deux enfants Denise et Jacques. Des documents précieux qui racontent sa vie intime et ses deux familles, une double vie qui restera secrète jusqu’en 1891.
"Zola photographie ses enfants au naturel" poursuit Bruno Martin. "C'est à dire qu'il les photographie comme le naturaliste qu’il était en tant qu’écrivain, il les montre tel qu’ils sont dans leurs jeux, dans leurs attitudes."
Des compositions photographiques aussi, influencées par son amour de la peinture, comme dans ce portrait de Denise : "Il y a une ressemblance ici avec les portraits de la renaissance italienne, dans ce profil de médaille."
À travers, son œuvre photographique, se découvre une autre facette d’Emile Zola, celle de l’homme amoureux, du père comblé qui s’émerveille avec passion de l’enfance de Denise et de Jacques. Inlassable admirateur de ses enfants, il réalisera un album intitulé Denise et Jacques, Histoire vraie par Émile Zola, juin-septembre 1897 qu’il dédicace à l’attention de sa maîtresse et où les images s’enchaînent à la façon d’un film, bien avant l’apparition du cinéma !
Sa pratique évolue en parallèle des avancées de la photographie, bientôt, il saisit les trains les péniches en mouvement ou le sens du détail guide toujours son travail.
Emile Zola, l’Homme de lettres et d’images, témoin de son temps, apporte un éclairage précieux sur la France du XIX éme mais il faudra attendre un siècle, jusqu’aux années 80, pour que le public découvre son travail de photographe.
Gratuitement jusqu’au 31 janvier à la médiathèque, 2 rue de Ledinghen à Wimille dans le Pas-de-Calais.