Pour faire face à la désertification médicale, le maire de Nordausques avait proposé à deux médecins à la retraite de reprendre du service. Mais l'Agence régionale de santé a refusé ce projet. Le maire et ses habitants dénoncent cette décision.
En ce lundi 9 décembre, le ciel est bas et sombre, comme le moral des habitants de Nordausques. Mais ils ont bravé le froid et le crachin pour manifester leur désespoir. Une centaine d'habitants de cette petite commune rurale de 1400 âmes dans l'Audomarois, se sont ainsi rassemblés devant leur mairie pour réclamer l'arrivée de nouveaux médecins. Car depuis septembre, avec le départ à la retraite des deux médecins de la maison de santé, les habitants sont en errance médicale.
Je n'ai pas de médicaments, je n'ai pas de spécialiste. Je n'ai plus qu'à me laisser mourir !"
"Ça fait neuf mois que je suis inscrite sur une liste d'attente et on m'a annoncé il y a un mois qu'on ne pouvait pas me prendre", explique cette retraitée au bord des larmes, "j'ai des problèmes de glande thyroïde. Qu'est-ce que je fais ? Je n'ai pas de médicaments, je n'ai pas de spécialiste. Je n'ai plus qu'à me laisser mourir !"
"Mon mari a besoin d'une transplantation du foie, il est suivi à l'hôpital mais à l'hôpital ils lui disent d'avoir un médecin traitant pour avoir tous les mois des examens. Sauf que j'ai beau essayer sur Doctolib, appeler partout, je ne trouve pas de médecin traitant", renchérit cette autre habitante.
Une situation critique
Des témoignages comme ceux-là, Gilles Debove, le maire de Nordausques en reçoit chaque jour dans son bureau. Des habitants, désespérés, ne sachant plus vers qui se tourner.
Blocage administratif
Pourtant la solution, Gilles Debove pensait l'avoir trouvée. Une solution provisoire, en attendant l'installation d'un jeune médecin en septembre prochain : il voulait que l'Agence régionale de santé (l'ARS) salarie, comme elle le fait à Licques, des médecins retraités pour assurer la permanence des soins. Deux médecins à la retraite étaient prêts à reprendre du service, Gilles Debove avait même mis à disposition gratuitement un local au sein de la mairie. Mais "ce type de dispositif répondait à Licques à une situation singulière et n’a pas vocation à être reproduit" a rétorqué l'ARS qui a opposé un refus ferme, jugeant la proposition trop coûteuse.
"Un gouffre financier ? On se pose la question. Une personne grabataire, chez elle, qui ne peut plus bouger, en attente de médicaments, n'a pas de visite, n'a pas de médecin. Alors que se passe-t-il ? Elle se meurt, tout doucement. Moi qui pensais que la santé n'avait pas de prix, belle désillusion !" regrette le maire qui juge cette décision aberrante.
Pierre-André Storm, médecin généraliste à la retraite partage le même point de vue. Il était prêt à recevoir à nouveau des patients, pendant les neuf mois à venir : " On sait parfaitement que la médecine, telle qu'elle n'existe plus actuellement, envoie des personnes à l'hôpital dans des services de réanimation, via des interventions à domicile du SMUR. Et avec les suites de sortie dans les services en soins courants, une semaine dans ce parcours-là coûte environ 50 000 euros, alors que nous serions à 50 euros de l'heure. Le calcul est vite fait !"
Paradoxalement, le territoire de Nordausques est identifié par l'ARS en zone d'intervention prioritaire, mais uniquement pour l'aide à l'installation des médecins généralistes.
S'il n’y a pas de changement d’ici janvier, prévient Gilles Debove, une autre action plus dure se tiendra dans la commune.