Des victimes et leurs soutiens ont manifesté samedi 14 décembre devant le Village d'enfants de Riaumont à Liévin (Pas-de-Calais) pour dénoncer des abus et maltraitances et réclamer la fin de l'impunité de ce pensionnat catholique.
Un contraste saisissant. Samedi 14 décembre, à l'intérieur des murs du Village de Riaumont à Liévin (Pas-de-Calais), des enfants célèbrent la Saint-Nicolas dans une ambiance festive. À quelques mètres de là, à l'extérieur, une dizaine de personnes s'est rassemblée pour demander la fermeture définitive de l'établissement, qualifié de pensionnat intégriste et de "maison des horreurs".
"Ici des enfants sont en danger", "La justice à genoux devant l'Église" sont inscrits sur des pancartes brandies par les manifestants. Une scène de crime a été reproduite au sol avec des objets d'enfants et des numéros, trois juges à genoux, et derrière eux, un prêtre debout. Cette action est réalisée par Mouv’enfants, un mouvement de survivantes et de survivants de l’inceste et de violences sexuelles dans leur enfance pour apporter leur soutien aux victimes et dénoncer l'impunité.
Réaction de la justice
"C'est un véritable cynisme que le Village arrive encore à organiser cette célébration alors que Saint-Nicolas est le protecteur des enfants. Nous exigeons que la justice soit rendue à celles et ceux qui attendent encore pour les crimes qu'ils ont subis", dénonce Arnaud Gallais, cofondateur du mouvement.
Après plusieurs signalements et plaintes, une enquête a été ouverte par la justice en 2013. Elle a conduit à la mise en examen de 11 personnes par le parquet de Béthune pour "viols", "agressions sexuelles" ou "maltraitances", sur des enfants de moins de 15 ans en 2022. Des mises en examen que conteste le père Hervé, sous-prieur de la Sainte-Croix de Riaumont, qui évoque des "violences légères". Venu à la rencontre des manifestants, il s'est insurgé contre ce qu'il qualifie de "complotisme ahurissant qui décrédibilise le combat des vraies victimes". Une prise de position qui met en colère ces dernières.
"Riaumont peut nous traiter de menteurs, mais nous savons ce qu'on nous a fait subir, et cela nous marquera toute notre vie", affirme une des victimes Bruno Raout, pensionnaire de 1969 à 1979, qui accuse nommément un des prêtes du pensionnat de l'avoir agressé sexuellement. Un seul sujet les met d'accord : la diligence de la justice. "Nous aimerions que la justice fasse son travail rapidement afin que la vérité éclate, nous attendons avec sérénité", confie le prêtre.
"50 ans de sévices continus"
En mars 2022 paraît le livre : Les enfants martyrs de Riaumont : enquête sur un pensionnat intégriste de la journaliste Ixchel Delaporte. Fruit de deux ans d'enquête, elle recueille de nombreux témoignages d'anciens pensionnaires qui dénoncent des maltraitances physiques et des violences sexuelles.
Fondée en 1960 par le père Albert Revet, la communauté de Sainte-Croix de Riaumont enseigne "la spiritualité scoute et bénédictine". Des enfants issus des corons pour la plupart y sont placés, alors que des mines ferment, entraînant une certaine délinquance. "Nous étions des cas difficiles et ces cas étaient placés à Riaumont parce que personne n'en voulait", raconte Bruno Raout.
En 1982, l'État cesse son financement, quatre ans après qu'une institutrice du collège de Liévin a alerté sur des violences au sein de l'institution. Depuis une décennie, la police a auditionné plus de 200 témoins et victimes dans le cadre de cette affaire.
Avec Ophélie Masure / FTV