"On ne nous prédisait pas longue vie et nous sommes encore là", 50 ans d'histoire d'amour avec le fromage, la saga d'une famille d'affineurs à Boulogne-sur-Mer

Le 13 décembre 2024, les fromages Philippe Olivier à Boulogne-sur-Mer fêtent leurs cinquante ans d'implantation dans la ville portuaire. Retour sur un demi-siècle d'histoire familiale consacré à l'amour du fromage.

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Dans son bureau qui jouxte les caves d’affinage, Romain Olivier feuillette l’album de famille. Il est le quatrième d’une lignée de collecteurs affineurs et marchand de fromage. Une saga qui démarre en 1907, en Normandie, pays du fromage, avec son arrière-grand-père paternel. Mais c'est à Boulogne-sur-Mer que l’histoire s’écrit il y a 50 ans, le 13 décembre 1974, avec son père, Philippe Olivier, aujourd’hui décédé.

« C’est le droit d’aînesse qui l’a amené ici », explique Romain Olivier. « Par tradition, l’affaire familiale allait à l’aîné. Pas de chance, lui, c’était le deuxième. Alors, à l'âge de 17 ans, il fait son compagnonnage, un tour de France de Paris à Cannes, et à 24 ans, il s’installe rue Thiers à Boulogne-sur-Mer, dans une ancienne boucherie qu’il réaménage tout de suite avec 100 % de fromages à l’intérieur. Et ça, c’était une vraie révolution : une boutique spécialisée dédiée aux fromages, qui plus est à deux pas des Nouvelles Galeries qui, à l’époque, avaient un rayon alimentaire, on ne lui prédisait pas longue vie. Et pourtant le petit jeune a tenu cinquante ans et on est encore là ! »

Une vie dédiée aux fromages

Si Philippe Olivier choisit de s'installer à Boulogne-sur-Mer en 1974, c'est pour sa ville fortifiée et sa proximité avec l'Angleterre et la Belgique. Dans les années 70, la pêche marche encore très fort, le transmanche est présent avec un port au cœur de la ville, les touristes sont au rendez-vous. Autant d'ingrédients qui lui donnent un vrai rayonnement. L'homme voue sa vie à la cause fromagère. Il sillonne la France pour dénicher des petits producteurs, trouver la perle rare. À une époque où tout est fait pour standardiser les goûts, lui se bat pour cultiver la différence. Outre-manche, de grands chefs s'intéressent à ce jeune français qui défend avec fougue les fromages de son territoire. L'histoire est lancée.

Affineur : un vrai métier

Aujourd'hui, c'est son fils Romain qui perpétue la tradition familiale. Il a reçu l'amour des fromages en héritage. "Nous vivions au-dessus de la boutique. Au retour de l'école, je passais faire un coucou aux équipes dans le magasin. Nos vacances étaient plutôt des visites de producteurs, je me suis pris au jeu. Il y avait l'envie de partager, l'ambition de faire grandir le projet de papa, mais j'ai poursuivi pour le métier d'affineur. S'il n'y avait eu que du négoce, ça m'aurait beaucoup moins plu. Là, on vient travailler les fromages, les signer, il y a une logique de transformation qui m'importe beaucoup. C'est choisir en amont des matières premières exceptionnelles que sont les fromages que l'on choisit chez les producteurs. On les affine, on y appose notre patte, on les partage avec notre clientèle et ça c'est très agréable." 

Intarissable sur son métier, Romain Olivier nous fait visiter ses caves d'affinage. Il y en a cinq. Chacune comporte une ambiance particulière pour développer les arômes des fromages. Ici, c'est le royaume des mimolettes, des comtés, des boulets de Lille, des fromages à croûtes céronées, celles qui ont des petits cirons, des petits acariens qui creusent des cavités sur les croûtes. Là, celui des fromages à pâte molle, les chèvres sur feuilles côtoient les vaches et les brebis de la France entière. Comme des assemblages dans le vin, l'affineur assemble les saveurs.

"Dans chaque cave, il y a une ambiance microbiologique particulière qui ensemence les fromages et la signature de l'affineur. C'est cette ambiance de cave qui fait que nos comtés n'ont pas le même goût que ceux d'un collègue, parce qu'on a peut-être plus de mimolettes que lui et moins de Pyrénées brebis." Jour après jour, avec le travail de brossage, de retournement, des goûts spécifiques sont développés : la signature des fromages Philippe Olivier. Une histoire de patience et de passion, dans laquelle tous les sens sont en éveil. Il faut écouter, voir, toucher, sentir à chaque étape de l'évolution, pour à la fin goûter !

Une certaine idée du fromage qui s'exporte dans une quinzaine de pays, parmi lesquels le Japon et les Etats-Unis.

Sur la Côte d'Opale, Romain Olivier est le seul collecteur, affineur mais d'autres boutiques vendent également des fromages : le Fromager et le Ch'ti Fromage.

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