En visite surprise à l'audience solennelle de rentrée de la cour d'appel de Douai, Gérald Darmanin a éclairci son projet de placement de cent narcotrafiquants dans un seul centre de détention. La prison de Vendin-le-Vieil pourrait les accueillir, une nouvelle qui fait réagir les syndicats.
C'est un déplacement qui n'était pas prévu. Gérald Darmanin, ministre de la Justice s'est invité à l'audience solennelle de rentrée de la cour d'appel de Douai.

Ce déplacement surprise intervient alors que son projet de regrouper les cent plus grands narcotrafiquants du pays dans une seule et même prison suscite le débat, autant au sein du grand public que chez les professionnels du monde pénitentiaire.
En visite à la prison de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) samedi 11 janvier 2025, faut-il y voir l'amorce des préparatifs pour y accueillir ces condamnés ?
Une décision définitive cet été
"Le but est que cet été, nous ayons une première prison qui puisse accueillir une centaine de narcotrafiquants, les plus dangereux. Ceux qui communiquent avec l'extérieur malgré les dispositifs de sécurité, ceux qui commandent des assassinats, ceux qui posent des difficultés de sécurité nationale", a lancé le garde des Sceaux aux journalistes surpris de sa venue à Douai.
Faute de fonds suffisants pour la Justice, M. Darmanin est clair : il sera difficile de créer une nouvelle prison pour mettre sur pied ce projet. L'accueil des cent narcotrafiquants se fera dans un centre pénitentiaire déjà existant, nécessitant l'investissement de quelques millions d'euros.
Est-ce que cela pourrait se faire dans une prison nordiste ? La réponse du ministre est ici beaucoup moins claire. Il botte en touche. "Ce qui compte, c'est de changer la donne. Aujourd’hui, nous avons, sur les 82 000 détenus, 17 000 qui sont là pour trafics de stupéfiants et criminalité organisée en lien avec un trafic de stupéfiants. Plusieurs centaines de détenus représentent un danger très important et nous devons les isoler du reste de la société tout en respectant le droit des détenus."
Justifiant la nécessité de sa mesure, il a néanmoins laissé échapper qu'il avait "vu ce qu'il se passait à Vendin-le-Vieil" et que "d'autres établissements sont capables d'accueillir ces personnes."
Ne pas faire "n'importe quoi n'importe comment"
David Lacroix, secrétaire local FO et surveillant pénitentiaire à Vendin-le-Vieil, estime "qu'il y a encore des travaux à effectuer pour sécuriser de façon optimale l'établissement", s'il venait à accueillir les cent narcotrafiquants. Bien que la prison dispose déjà de technologies de pointe comme des brouilleurs téléphoniques et des drones, accueillir ces profils demande du matériel supplémentaire.
"C'est le sujet de préoccupation de mes collègues", poursuit-il. "Parce qu'on sait qu'on peut faire partie de cette solution que M. Darmanin propose avec [la prison de] Condé sur Sarthe." Au micro de LCI, le garde des Sceaux avouait avoir "deux prisons dans la tête".

Pour le syndicaliste, le projet du garde des Sceaux est "très ambitieux" à réaliser d'ici à l'été 2025. "Il ne faudra pas faire l'économie de consulter le personnel et les différentes organisations syndicales. Il ne faudra pas ouvrir dans la précipitation. C'est un sujet et des détenus trop sensibles. Donc il ne faudra pas faire n'importe quoi n'importe comment juste pour répondre à des effets d'annonce."
Une fois ces doutes exprimés, David Lacroix n'y voit pas une mauvaise idée en soi. Son établissement accueille déjà des profils sensibles comme Rédoine Faïd ou Salah Abdeslam.
C'est un grand défi que le ministre annonce.
David LacroixSecrétaire local FO - Prison de Vendin-le-Vieil
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"On a toujours été pour avoir des établissements dédiés pour isoler ce genre de profils. Il faut que nos prisons arrêtent d'être des usines du melting-pot de la criminalité". Il est favorable à l'idée d'arrêter d'enfermer criminels sexuels, voleurs, mais aussi tueurs en série au même endroit, pour ne pas transformer les prisons en "école du crime".
Pourtant, ce risque existe aussi en enfermant les cent plus grands narcotrafiquants du pays. "C'est un grand défi que le ministre annonce", conclut-il.