En 2011, la bactérie avait contaminé une quinzaine de personnes. Parmi elles, un enfant originaire de l’Oise, à l’époque âgé de 23 mois. Six ans après, il souffre toujours de graves lésions neurologiques.
Deux anciens dirigeants de SEB, fournisseur à l'enseigne Lidl de steaks hachés contaminés par la bactérie E.coli qui ont rendu gravement malade en juin 2011 une quinzaine de personnes, comparaissent de mardi à jeudi devant le tribunal correctionnel de Douai (Nord) pour avoir manqué à des contrôles sanitaires.
En juin 2011, l'Agence régionale de santé (ARS) du Nord-Pas-de-Calais avait alerté sur une dizaine de cas d'intoxications alimentaires à une souche spécifique de la bactérie E.coli chez des enfants de la région.
Parmi eux, Nolan, alors âgé de deux ans et originaire de Maignelay-Montigny dans l’Oise. Le petit garçon avait été contaminé par la bactérie E. coli, présente dans un lot de steaks hachés de la marque Steak Country.
Des séquelles à vie
Alertés par les troubles de l’enfant, les parents avaient écumé les hôpitaux de la région, des urgences de Beauvais au CHU d’Amiens. Le garçon avait finalement été transféré au CHU de Lille. C’est là que les médecins avaient décidé de le placer dans un coma artificiel thérapeutique. Nolan souffrait notamment d’insuffisance rénale et de troubles neurologiques.
L’enfant garde aujourd’hui de graves lésions neurologiques qui limitent sa motricité à 10%, ainsi que ses facultés intellectuelles.
Beaucoup d'autres victimes ont depuis développé un syndrome hémolytique et urémique (SHU), qui a de fortes probabilités de perturber à vie le fonctionnement des reins.
Deux dirigeants poursuivis en justice
SEB, entreprise de transformation de viande basée à Saint-Dizier (Haute-Marne), employait alors 140 salariés et fabriquait deux millions de steaks par semaine sur ses deux sites.La chaîne de distribution allemande Lidl, qui remplissait entre 50 et 70% du carnet de commandes de SEB, a rompu son contrat après ces révélations.
La société ayant été liquidée fin 2011, ce sont deux de ses dirigeants qui sont poursuivis : Guy Lamorlette, 76 ans, son créateur et gérant depuis 1966; et Laurent Appéré, 46 ans, le responsable qualité et hygiène. Ils sont poursuivis pour "blessures involontaires par violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité ou de prudence ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à trois mois" et "tromperie sur une marchandise entraînant un danger pour la santé de l'homme", notamment.
Plusieurs manquements à l'hygiène
L'enquête a mis au jour que la société avait unilatéralement modifié, début 2011, le Plan de maîtrise sanitaire (PMS), sans en référer aux services vétérinaires de l'État : au lieu de contrôler systématiquement ses steaks, issus d'un mélange de viande à la découpe et de viande de carcasses, SEB ne contrôlait plus que des lots aléatoires.
Entre autres manquements, à plusieurs reprises l'entreprise avait omis de conduire des analyses spécifiques à la recherche d'E.coli0157H7, une souche particulièrement dangereuse de la bactérie E.coli. Cette analyse est obligatoire en cas de concentration élevée de la bactérie E.coli dans la viande.
L'avocate de Nolan et de sa famille, Me Florence Rault, jointe par l'AFP, craint pour les débats au procès, car ses clients anticipent, "très angoissés", les "dénégations" des prévenus. La défense n'a pas souhaité s'exprimer avant le procès.
La viande industrielle mise en cause
Au-delà des réparations données aux victimes, les débats pourraient aussi être l'occasion d'une mise en cause des pratiques d'une partie de l'industrie de la viande visant à baisser les prix.
"Les consommateurs ont subi plusieurs incidents depuis quelque temps, c'est un problème de santé publique qui concerne souvent principalement des enfants, plus fragiles", dénonce Robert Bréhon, de l'UFC-Que choisir de Lille, qui s'est constituée partie civiles au côté de la plupart des victimes et de... Lidl, qui estime avoir été trompé.
"Au-delà du pénal, Lidl a une responsabilité morale, car la société travaillait quasi exclusivement pour Lidl, qui aurait dû être plus intransigeant, mettre en place un système de contrôle beaucoup plus pointu", relève-t-il auprès de l'AFP.
"Les normes ont un sens, si l'on veut ne pas vendre de viande avariée, on le peut. Mais il faut vendre, il faut honorer les commandes, il ne faut pas que la boîte coule...!", s'indigne Me Florence Rault. Ce qui n'a pas empêché SEB d'être liquidée.
D'où vient cette bactérie ?
Il s'agit d'une bactérie intestinale présente chez 20 à 80% des bovins. En général, les animaux sont porteurs sains, mais il existe un risque de contamination des viandes dû à des souillures fécales. Ces accidents se produisent notamment au moment de la dépouille ou de l'éviscération à l'abattoir.Les humains peuvent être contaminés par ingestion d'aliments infectés. Ce qui a notamment été le cas pour le petit Nolan, qui avait mangé un des steaks incriminés avant de tomber malade.
Les risques de contamination de la viande hachée par cette bactérie ont notamment été identifiés lors de la première crise sanitaire survenue dans le sud-ouest de la France en 2005. A l'époque, près de 70 personnes avaient été intoxiquées. L'épidémie survenue en 2011 est donc la seconde crise sanitaire en France impliquant la filière bovine.