Julie et Malyka viennent d'Albert dans la Somme et sont mamans de deux filles trisomiques. Pour la journée mondiale de la trisomie 21, elles ont investi le hall de la maternité Victor Pauchet à Amiens. L'occasion de transmettre un message positif sur cette maladie.
Avec ses chaussettes dépareillées, symbole de la différence assumée, la petite Charlotte, 17 mois, marchait pour la première fois mercredi dans le hall de la clinique Pauchet à Amiens, là où elle est née.
Sa maman, accompagnée de son amie Malyka, avait installé leur stand juste à côté, avec comme objectif de sensibiliser les gens à la trisomie 21, une pathologie selon elles, encore méconnue.
"On s'est rendu compte qu'il y avait encore énormément d'ignorance, affirme Malyka, et beaucoup de préjugés aussi."
Elle aussi est maman d'une petite Ysalis, 19 mois, porteuse également d'un chromosome 21 supplémentaire.
"Au départ, quand on apprend la nouvelle, on est souvent très seuls et notre message aujourd'hui, c'est de dire aux parents qui sont dans la même situation qu'on est là, qu'on peut échanger avec eux, et que l'on peut les rassurer", ajoute-t-elle.
Le choc de la nouvelle, puis le bonheur
Les deux jeunes femmes ont su que leurs filles étaient atteintes de trisomie 21 au moment de la naissance.
"Lorsque l'on apprend la nouvelle, la chute d'une falaise ça fait peut-être moins mal", se souvient Julie. "Justement à cause de ces fameux préjugés, on ne sait pas ce que c'est et on s'en fait tout un monde."
"On s'imagine que tout va être différent, on fait un deuil sur tout ce que l'on a imaginé pendant 9 mois, mais la réalité est tout autre", confie à son tour Malyka.
Après avoir surmonté les épreuves - sa petite Ysalis a dû subir une opération à cœur ouvert à l'âge de 4 mois - Malyka est une maman comblée.
"Évidemment, on doit gérer beaucoup de choses : deux séances de kiné, une séance d'orthophonie et une séance de psychomotricité, plus les rendez-vous médicaux spécialisés de contrôle : les yeux, les oreilles, mais l'on sait que les personnes trisomiques peuvent vivre normalement", assure-t-elle.
Essayer de changer le regard des autres
La présence d'un chromosome supplémentaire peut se traduire par des malformations, cardiaques ou digestives notamment, des retards dans le développement psychomoteur, des maladies liées à la sphère ORL, des problèmes visuels ou auditifs.
Mais les cas de trisomie 21 sont tous différents puisqu'ils sont liés au patrimoine génétique. Selon Julie, peu de personnes en ont conscience.
"Lorsque j'allaitais encore ma fille, on m'a demandé si j'avais fumé ou bu ou même pris des médicaments pendant ma grossesse", raconte-t-elle. "Quand on sait que c'est génétique et que l'on apprend ça dans les cours de collège, on se dit mince, mais les gens ne réfléchissent pas."
"Il existe encore des images négatives des personnes atteintes de trisomie, avant on parlait quand même de mongoliens et c'était toujours des personnes que l'on mettait en dessous, mais ils peuvent vivre tout à fait normalement", ajoute Malyka.
"J'ai même une amie de 35 ans, qui est trisomique, qui est mariée, qui a son appartement, qui ne vit plus chez ses parents et qui est totalement autonome", enchérit Julie.
Décider de garder son enfant trisomique, un autre combat
La trisomie 21 est détectable avant la grossesse, mais, comme c'est le cas de Julie et Malyka, les dépistages ne sont pas toujours fiables. Une chance finalement pour les deux Albertines.
"Quelque part, je suis contente de ne pas l'avoir su pour ne pas me justifier d'avoir voulu garder ma fille malgré tout", affirme Malyka.
"Ça aussi c'est un grand débat, le fait de garder ou non. Nous on n'est pas du tout dans le jugement, chacun fait ce qu'il veut, on comprend tout à fait que les gens ne veulent pas garder un enfant trisomique. Mais dans l'autre sens, c'est aussi un combat à mener : de dire j'ai envie de garder mon enfant", ajoute-t-elle.
"Moi si je l'avais su, je ne suis pas certaine que je l'aurais gardée", confesse Julie. "Mais après coup, c'est très difficile de dire... Aujourd'hui je suis juste contente qu'elle ait gardé son petit secret jusqu'au bout, parce qu'elle a changé ma vie. J'étais déjà très tolérante, Malyka aussi, mais maintenant, on l'est encore plus."
Sans jugement, et sans vouloir influencer les futurs parents, les deux jeunes femmes veulent avant tout apporter un message positif sur le handicap."J'aime bien prendre la référence d'Harry Potter. Il y a le chemin ordinaire et nous on est dans le chemin de traverse juste à côté et on y est très bien, je vous l'assure", conclut Julie.