Les Jeux olympiques de Paris 2024 passés, c'est désormais la désillusion. Après la tribune de L'Équipe contre la baisse du budget des Sports, signée par plus de 400 athlètes, l'heure n'est plus seulement à l'état des lieux, mais aussi aux revendications. De nombreux athlètes et clubs picards déplorent également un manque de moyens.
Les Jeux olympiques ont-ils eu un effet sur le budget 2025 ? Pas selon le monde du sport. Le projet de loi prévoit la baisse de 30 % du montant alloué au ministère des Sports, passant de 900 à 600 millions d'euros. Cette réduction a été dénoncée par plus de 400 athlètes dans une tribune du journal l'Équipe.
Les clubs se disent inquiets. C'est le cas pour Eric Hennemann, président du Tennis de Table Saint-Quentinois (TTSQ). "On vit de subventions, on en a besoin. On a une équipe de Pro A sur Saint-Quentin qui est arrivée à ce niveau-là grâce à l'aide des collectivités", explique-t-il. Certes, le nombre de partenaires privés augmente, mais ce n'est pas assez pour absorber les baisses qui s'annoncent.
"La baisse de 30 % annoncée, ce serait une catastrophe"
Par ailleurs, le département de l'Aisne avait déjà dû baisser le budget, à cause des "difficultés de financement de l'État, mais c'est plus systémique". Désormais, la baisse de 30 % annoncée dans le projet de loi "serait une catastrophe pour nous, pour tout le monde sportif, pour le staff technique, pour les fédérations jusqu'aux clubs". Eric Hennemann dénonce un projet "scandaleux" et "incompréhensible" après l'organisation des Jeux olympiques de 2024.
De nombreuses conséquences sont à prévoir : réduire les dépenses du club, "et c'est forcément soit sur le staff technique", le devenir des huit salariés, "soit sur le niveau du club". Cela mènera à des équipes moins performantes, car les clubs n'auraient pas les moyens de renouveler certains contrats ou de recruter certains profils plus chers, "donc ça va se ressentir sur les résultats". Au niveau de l'encadrement, les jeunes seront moins bien accueillis : "tous les jeunes, les gamins, les scolaires, tout ce qu'on fait au niveau des centres sociaux, du quartier, des groupes de demandeurs d'emploi qu'on remet en dynamisme" serait mis à mal.
On a une joueuse qui est partie en retraite en cours de saison. On ne l’a pas remplacée pour finir la saison. L'année prochaine, on va certainement devoir rester à ce niveau de budget, c’est conséquent. On ne sera pas champions de France 2025, ni même 2026. Je l'annonce déjà à l'avance.
Eric Hennemann, président du TTSQ
Il pointe du doigt une baisse "froide", c'est-à-dire qu'elle est généralisée alors que les clubs ne rencontrent pas tous les mêmes problématiques. "Il faut regarder la situation de chaque club avant de calculer la baisse. Quand un club est champion de France ou un club est dernier de Pro B dans la même ville, est-ce qu'on applique la même baisse ?". Le président du club appelle les collectivités à réfléchir aux critères de baisse sans "acheter la paix sociale en faisant la même baisse pour tout le monde".
Actuellement, la Fédération française de tennis de table réfléchit "à toutes les façons de réagir à l'annonce, à manifester [son] désaccord aussi bien au niveau des joueurs, des équipes de France, de [leurs] célébrités". De plus, de nombreuses autres fédérations se mobilisent entre elles.
"On n'est encore pas reconnus"
"C'est plus qu'un scandale", lance de son côté Thomas Gogois, triple sauteur de l'Amiens UC Athlétisme, aussi signataire de la tribune. "On pensait vraiment, nous les athlètes, que l'élan des Jeux allait apporter un nouveau souffle, mais pas du tout, en fait. On n'est encore pas reconnus".
Il rappelle que beaucoup "s'entraînent comme des malades" et n'ont pas de partenariats. "Certains font des cagnottes Leetchi pour avoir un minimum de revenus, pour justement subvenir à leurs besoins pendant la saison. Là, les JO se sont pas mal passés, il y a eu une hausse de licenciés. Mais financièrement, on n'est même pas au même stade, c'est encore pire qu'avant", observe l'athlète. Il qualifie d'ailleurs les Jeux comme "une sorte de parenthèse un peu joyeuse" pour cacher une vérité "qui refait surface".
Ils ne voient que la performance. Il faut leur dire qu’on s'en fout de la performance, parce qu'on a besoin d'un réel soutien. C'est bien de nous serrer la main, mais nous, on veut aussi un soutien financier.
Thomas Gogois, triple sauteur de l'Amiens UC Athlétisme
Toute cette situation apporte un stress qui aurait pu être évité : "tout ce qui est neurologique, stress, va agir sur notre corps. Donc c'est ça qui va créer les blessures, peut-être les contre-performances parce que ça ne va pas. Donc moi, en tout cas, pour cette année 2024, ça a été un stress". Par ailleurs, l'athlète possède un staff de plus de douze personnes qu'il doit rémunérer, mais comme je n'avais pas de subventions, ni quoi que ce soit, ces personnes-là étaient à la limite du bénévolat. Elles l'ont fait de bon cœur parce que ce sont des personnes qui croient en mon projet".
Thomas Gogois regrette que la France ne considère pas le sport comme un métier à part entière. C'est pourquoi beaucoup de ses confrères changent de nationalité ou partent s'entraîner aux États-Unis, en Belgique, en Suisse ou en Asie. "Ils mettent les infrastructures pour subvenir aux besoins des athlètes, on est en retard", déplore-t-il.
Avec la mobilisation des athlètes olympiens, il espère que les choses vont changer. D'autant plus que Teddy Riner et Léon Marchand ont également signé la tribune. "On a besoin que ce soit ces athlètes-là, qui ont justement une grosse audience, qui puissent réagir et faire parler", conclut l'athlète avant d'ajouter : "maintenant, qu'est-ce que l'État va faire ? C'est bien qu'on puisse partager, qu'on en parle. Mais derrière, on ne fait pas ça pour du beurre, on a envie qu'il y ait un réel mouvement qui se passe". Reste à savoir si la réponse d'Emmanuel Macron, qui leur a donné raison, sera suivie d'actions concrètes.
Avec Enora Quellec / FTV