Les nuits glaciales touchent particulièrement les sans-abris. Un homme SDF est décédé à Valenciennes au début de l’épisode neigeux. Pour mettre à l’abri les personnes à la rue, la préfecture de la Somme a ouvert un centre d’hébergement d’urgence temporaire dans un gymnase à Amiens.
Il est 18 heures. -1°C dans les rues d’Amiens ce dimanche 12 janvier. Dans le gymnase de la Teinturerie, quartier Saint-Maurice, des familles avec enfants, des hommes et des femmes seuls sont déjà installés au chaud. Cinquante lits de camp et tables d’appoint sont répartis dans cet immense centre improvisé.
Un centre provisoire géré par la Croix-Rouge
Les bénévoles de la Croix-Rouge accueillent les personnes sans-abri qui arrivent au compte-goutte, orientés ou accompagnés par le Samu social. Dès leur arrivée, les personnes doivent être recensées. Nom, prénom, adresse, si elle existe, et ordonnances sont enregistrés par les bénévoles. Lucie, étudiante en soins infirmiers, se charge de présenter le fonctionnement du dispositif à chaque nouvel arrivant. "Vous avez un lit à disposition, un duvet, une couverture de survie. Et pour vous restaurer, on vous propose des plats chauds, soupe, café, chocolat, thé et compotes. Si vous voulez prendre une douche, on a des kits d’hygiène avec shampoing, gel douche, brosse à dents."
Chaque soir, quatre bénévoles assurent une présence de 18h à 8h du matin
Alexandre Douay, directeur territorial de l’urgence et du secourisme à la Croix-Rouge française de la Somme.
Ce centre d’hébergement provisoire a été ouvert jeudi 9 janvier par la préfecture de la Somme, après trois jours de grand froid. Il peut accueillir jusqu’à 50 personnes entre 18h et 8h du matin, tous les jours jusqu’à mardi 14 janvier. L’État a missionné la Croix-Rouge pour assurer le bon fonctionnement du site : installation des équipements, distribution de collations, surveillance du site 24h/24 et remise en état des lieux. "Notre mission est de procéder à la mise à l’abri des personnes vulnérables et d’apporter un appui alimentaire en boissons chaudes et collation, mais également une écoute bienveillante. Nos bénévoles peuvent aussi orienter les personnes qui le souhaitent. Chaque soir, quatre bénévoles assurent une présence de 18h à 8h du matin", indique Alexandre Douay, directeur territorial de l’urgence et du secourisme à la Croix-Rouge française de la Somme.
Un repas chaud, un abri et une écoute
Cette présence est nécessaire pour répondre aux demandes de tous les bénéficiaires du dispositif. Un homme, installé sur son lit de camp, demande à Lucie s’il peut laver son linge. "Après la douche, je remets les mêmes vêtements sales. Le problème, c’est les punaises, les cafards…", justifie-t-il. La bénévole lui propose de se mettre en relation avec une association pour récupérer des dons.
Nos missions se sont toujours bien passées. Entre la Croix-Rouge et le public accueilli, il y a un lien de confiance.
Alexandre Douay, directeur territorial de l’urgence et du secourisme à la Croix-Rouge française de la Somme.
Les bénévoles doivent aussi assurer la bonne marche du dispositif. Plus tard dans la soirée, un couple de sans-abri, signale deux hommes ivres qui menacent d’autres pensionnaires. La réponse est sans appel : "On va les laisser se calmer. Si ça ne va pas, on prendra les mesures nécessaires", réagit un bénévole. L’homme quittera finalement lui-même le centre. "On n’est pas dans une mission de gardiennage. Nous n’excluons personne des centres d’hébergement, mais si un comportement devenait dangereux, nous ferions appel aux forces de l’ordre. Nous accueillons un public spécifique. Mais nos missions se sont toujours bien passées. Entre la Croix-Rouge et le public accueilli, il y a un lien de confiance. On n’a jamais eu de propos insultant ni de dégradation volontaire", précise Alexandre Douay, confiant.
Ici, on le voit, les gens se regardent, se parlent. Les sourires, c’est très important !
John, sans domicile fixe
L’ambiance, dans le gymnase, est détendue. Certains sont déjà emmitouflés dans leur sac de couchage, des enfants courent autour des lits, d’autres se sont installés à table pour le dîner. Au choix, ce soir : poulet, hachis parmentier et lasagnes. John est assis avec son ami Nicolas. Ils se reposent et profitent d’un plat chaud. Ils peuvent enfin retirer leur manteau, car la salle est bien chauffée. John se dit nomade, il va de ville en ville. "Ça fait quelques années que je suis à la rue et depuis un mois et demi à Amiens. J’ai vécu ici, il y a trois ans, et je trouve que les choses ont bien changé. Il y a davantage d’entraide dans la rue. Et ici, on le voit aussi. Les gens se regardent, se parlent. Les sourires, c’est très important", confie-t-il.
Chaque soir, depuis lundi, une quarantaine de personnes profitent de l’accueil dans ce centre provisoire. Ce dimanche soir, 48 personnes ont dormi dans le gymnase de la Teinturerie. D’autres n’ont pas osé se présenter au centre ou n’ont pas eu l’information. Nous avons retrouvé l’homme qui a quitté le centre dans la soirée, allongé sur un banc de la ville. Il faisait toujours -1°C.
Le centre d’accueil d’urgence qui devait fermer ses portes mardi 14 janvier, restera finalement ouvert une semaine de plus. Une décision prise par la préfecture en raison des conditions météorologiques annoncées par Météo France pour les prochains jours.