En 35 ans d'activité, Handi'chiens a déjà formé plus de 3 500 goldens retrievers et labradors. Une aide précieuse pour ceux à qui ils sont remis, des enfants ou des adultes en fauteuil roulant, ou atteints de handicaps moins visibles. Des compagnons aux performances étonnantes, capables de répondre à une cinquantaine de commandes.
"On nous confond souvent avec les Chiens guides d'aveugles [la FFAC], nous avons un vrai problème de reconnaissance. Nous faisons pourtant tout pour être mieux connus du grand public, car nos deux associations ne s'adressent pas du tout au même public", explique d'emblée l'amiénoise Christine Dupuis, par ailleurs vice-présidente de l'association Handi'chiens, ex "Anecah".
L'ancienne cadre de santé au CHU d'Amiens, qui a géré un temps le centre de rééducation de Corbie, dans la Somme, retraitée depuis 2018, est devenue vice-présidente il y a 4 ans. "Mais j'œuvrais en tant que bénévole au sein de la structure depuis de nombreuses années déjà", précise-t-elle.
Et par bénévoles, 1 000 en France, il faut entendre les familles d'accueil et les délégués. "La Picardie est le parent pauvre de notre association. Il n'y a qu'un seul délégué Handi'chiens, dans la Somme. Aucun relais dans l'Oise ou l'Aisne, c'est bien dommage", déplore Christine Dupuis.
Une sélection des chiots extrêmement rigoureuse
Golden retriever ou labradors sont sélectionnés tout petits chez des éleveurs régulièrement contrôlés et connus de l'association. "Ce sont ce qu'on appelle des chiens de rapport, c’est-à-dire doués pour ramener des objets : une télécommande, un crayon ou même une carte bleue. Et puis ils sont réputés pour leur appétence pour les êtres humains et leur facilité à apprendre", poursuit Christine Dupuis.
Leur taille imposante à l'âge adulte est aussi un atout, car ils sont à hauteur pour poser un trousseau de clés par exemple, sur les genoux ou dans les mains du futur bénéficiaire.
"Les éducateurs Handi'chiens se rendent chez les éleveurs pour choisir des chiots âgés de 7 semaines. Ils connaissent parfaitement les critères de sélection nécessaires. Si un chiot s'enfuit, il est éliminé tout de suite. Ils évaluent aussi sa capacité spontanée à ramener un objet ou à se laisser manipuler sans crainte", nous explique Christine Dupuis.
À deux mois, les jeunes labradors et golden sont achetés par l'association. "Selon les éleveurs, leur valeur moyenne peut avoisiner les 2 000 €", précise sa vice-présidente.
Un coût élevé, mais malgré cela, le principe fondateur d'Handi'chiens est la gratuité totale pour le futur bénéficiaire.
Une action financée grâce à la générosité
"Nous disposons d'un budget de 5 millions d'euros. Chaque année, nous achetons environ 230 chiens et en remettons entre 120 et 150 aux personnes en situation de handicap invisible ou en fauteuil roulant", précise Christine Dupuis.
Handi'chiens ne bénéficie d'aucune source de financement public. Son budget de fonctionnement est financé à 96 % par des dons privés. "Comme nous sommes une association d'utilité publique, les dons sont défiscalisés à 66 %. Et puis, heureusement, nous pouvons aussi compter sur nos nombreux bénévoles".
À l’issue des deux années nécessaires à sa formation, un chien d'assistance pour personne à mobilité réduite aura coûté 17 500 € à l'association. "Nous prenons tout en charge, l'éducation, la nourriture, les frais vétérinaires et les vaccins".
Le parcours de l'excellence
Revenons-en à notre chiot labrador ou golden... Acheté à 2 mois, il est remis à une famille d'accueil jusqu’à ses 18 mois. C'est la période dite de socialisation.
"Tous les 15 jours, le délégué Handi'chiens réunit les familles d'accueil et les chiots pour constater les évolutions, les acquisitions et les ajustements nécessaires". L'important est que tous ces jeunes apprentis à quatre pattes aient acquis un niveau homogène à leurs 18 mois, le bon comportement : "ils ne doivent pas tirer sur leur laisse, sauter sur les gens, aboyer, sauf sur commande. Ils doivent être capables de rester statiques, couchés ou assis. Bref, bien dans leur tête, bien dans leurs pattes", s'amuse Christine Dupuis.
Les familles d'accueil Handi'chiens le savent : pas question de s'attacher à l'animal, si attendrissant soit-il. Il faut savoir se détacher, car la rupture est parfois difficile après 16 mois passés avec le chiot. "Les familles s'engagent pour éduquer le futur auxiliaire de vie d'un adulte ou d'un enfant qu'elles ne connaissent pas. On essaie d'opérer des rotations, des échanges de chiots entre familles, pour éviter qu’elles ne s'attachent trop".
Puis à ses 18 mois, notre labrador ou notre golden, vont connaître une nouvelle étape. Celle de l'éducation dans l'un des quatre centres que compte l'association en France. "Ils sont répartis sur tout le territoire, pour couvrir les besoins. Pour les Hauts-de-France, nos chiens sont éduqués à Alençon, dans l'Orne", précise la vice-présidente d'Handi'chiens.
Ces 6 mois dans un centre d'éducation sont déterminants pour le chien. "C'est là que l'on repère ses qualités, car bien sûr, ils sont comme les humains, chacun est différent".
Est-il attiré plutôt par les adultes, les enfants ? A-t-il le goût du contact ? Est-ce qu'il aime la foule ou non ? Les réponses à ces questions orienteront l'affectation du chien à ses missions futures.
Des chiens d'assistance aux missions multiples
De toutes ces fonctions futures, la plus demandée est celle de chien d'assistance pour personnes à mobilité réduite, en fauteuil manuel ou électrique. Ou bien auprès de personnes atteintes de troubles de l'équilibre, dans le cas d'une sclérose en plaques par exemple.
"Parmi nos bénéficiaires, nous comptons aussi des enfants myopathes, des tétras ou paraplégiques, des personnes atteintes de pathologies dégénératives", explique Christine Dupuis. "Dans ces cas spécifiques, le but est d'apporter de l'autonomie. Le chien peut ouvrir les portes, donner un porte-monnaie à une caissière, chercher un objet dans un placard. Il est même formé à déshabiller le bénéficiaire, en lui enlevant ses chaussettes par exemple".
Une présence aidante et chaleureuse qui procure un sentiment de sécurité aux personnes en perte d'autonomie. Les chiens d'assistance sont même formés pour donner l'alerte en aboyant en cas de chute.
"Le deuxième type de mission très demandé, c'est ce qu'on appelle chez nous, un chien d'éveil pour les enfants autistes, polyhandicapés ou trisomiques", ajoute Christine Dupuis. L'animal va stimuler le développement psychomoteur de l'enfant et favoriser ses interactions sociales. "En plus, cela offre aux parents des moments de répit".
"Certains enfants autistes font des progrès extraordinaires. Le chien, éponge à émotions, sent venir les périodes de crise. Spontanément, il va se lover contre l'enfant et son contact apaise la tension".
Des auxiliaires précieux, donc. Certains sont même remis à des personnes sujettes aux crises d'épilepsie. Grâce à son flair, l'animal pressent l'imminence d'une crise. "Il appuie alors sa truffe sur la cuisse du bénéficiaire pour le prévenir. Ce dernier peut ainsi avertir les secours et se placer en position de sécurité".
L'association Handi'chiens compte également près de 450 goldens ou labrador répartis dans les Ehpad en France. "Ils accompagnent 10 000 personnes âgées dans leur quotidien. C'est le cas par exemple à l'hôpital de Doullens, dans la Somme. Leur présence aide à réduire le stress, l'anxiété. Dans le même ordre d'idée, nous venons d'attribuer un handi'chien au service de cancérologie de l'hôpital Foch à Paris. Il s'agit d'apporter réconfort et sérénité aux patients", ajoute Christine Dupuis.
Les demandes explosent, il faut compter 2 ans à 3 ans d'attente.
Christine DupuisVice-présidente nationale de l'association Handi'chiens
600 dossiers, retenus par une commission d'attribution composée de spécialistes, sont en attente. "Les demandes arrivent tous les jours, car peu à peu, on a compris l'impact et l'aide considérable que les chiens d'assistance ou d'éveil apportent au quotidien."
Et certains secteurs, comme le judiciaire, les tribunaux, les unités pour mineurs, les gendarmeries, se montrent de plus en plus intéressés. Car, la présence d'un chien libère la parole après un traumatisme. "Ça a d'ailleurs été le cas après les attentats de Nice" ajoute Christine Dupuis.
À terme, l'association espère réussir à former 250 chiens d'assistance contre 150 aujourd'hui.
"La remise d'un chien est toujours un moment d'une très grande émotion. C'est d'ailleurs sa famille d'accueil qui passe les rênes, ou plutôt la laisse, au bénéficiaire, et bien souvent, c'est le début d'une merveilleuse histoire".
Jusqu'à la fin de sa vie, un chien auxiliaire reste la propriété de la structure. Et il est suivi tout au long de sa mission auprès du bénéficiaire.
"Pour ma part, j'ai adopté Snow, un golden retriever blanc. Juste avant une remise, il a eu une rupture des ligaments croisés. Alors j'ai succombé, et depuis, il est devenu chien ambassadeur. Nous sommes inséparables bien sûr !", conclut Christine Dupuis avec beaucoup de tendresse dans la voix.
À 70 ans, l'infatigable vice-présidente nationale Handi'chiens parcourt toute la France pour récolter des fonds et faire connaître son association. Un engagement sans faille, qui lui a valu d'être nominée pour les "Étoiles Picardes" par le quotidien régional Le Courrier Picard et d'obtenir un Trophée de la réussite en 2024. Une distinction de la ville d'Amiens pour sa forte implication dans la vie associative.