Rescapée de la Shoah, elle raconte son histoire aux plus jeunes : "bientôt, il n'y aura plus un seul déporté et c'est vous qui transmettrez ce message"

Les élèves du lycée Saint-Pierre d'Abbeville ont rencontré Lili Keller-Rosenberg Leignel vendredi 6 décembre. Déportée lors de la Seconde Guerre mondiale, elle raconte les détails de la vie dans les camps pour que la mémoire perdure.

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Quand cette dame de bientôt 93 ans parle, on dirait qu'elle raconte une histoire à ses petits-enfants. Une centaine de petits-enfants, élèves au lycée Saint-Pierre d'Abbeville. Pourtant, Lili Keller-Rosenberg Leignel raconte une histoire vraie : la sienne. C'est pour que l'on n'oublie pas, qu'elle va d'école en école pour former "ses petits messagers".

Depuis plusieurs années, elle parcourt la France pour s'acquitter d'une mission qu'elle n'arrêtera qu'au soir de sa vie : "Avec l'apparition des négationnistes dans les années 70, ceux qui disaient que tout cela n'avait jamais existé, que dans les chambres à gaz, on ne tuait que des poux, il fallait à tout prix que je rencontre des jeunes pour expliquer les horreurs de la déportation. Pourtant, je vous assure, j'étais si timide à l'époque..."

Ce sacerdoce devient d'autant plus important que les témoins de cette époque se font de plus en plus rares : "Nous ne sommes plus très nombreux, les déportés, et les autres sont plus âgés que moi. Je suis la seule pour tout le Nord-Pas-de-Calais. Et puis, les demandes sont infinies maintenant. Dans toute la France, je dois aller témoigner et pourtant, je ne suis plus toute jeune."

Un récit pour aller au-delà d'un cours d'histoire

Lili raconte son histoire à une salle pleine d'élèves attentifs et silencieux. "Les cours d'histoire sont très bien, mais on n'entre pas dans les détails comme ça. Les jeunes ne connaissent pas la vie des déportés", dit-elle.

Sans tabou, elle se livre sur l'oppression dans sa ville natale de Roubaix, mais aussi son arrestation avec sa mère et ses deux frères. Plus lourd encore : elle raconte sa déportation à Ravensbrück : "Dans les camps, nous avions des dames qui nous gardaient et certaines étaient très dures. Nous en avions très peur. Certaines étaient impitoyables, mais d'autres étaient exceptionnelles, on les appelait les blockovas."

Positive, elle témoigne aussi des rares moments d'espoirs partagés par les enfants du camp : "L'une était exceptionnelle, une dame tchèque avec un cœur gros comme ça. Elle souffrait beaucoup de voir des petits enfants si tristes, malheureux. Alors quand il n'y avait pas trop de SS dans les parages, elle nous rassemblait et nous disait : 'chante quelque chose'. Mais, nous ne savions pas chanter et nous étions tous de nationalités différentes. Nous nous exécutions quand même. Elle avait bien compris que durant ces quelques minutes où nous chantions, nous étions hors des camps. Quatre-vingts ans après, je n'ai pas oublié certains de ces petits chants."

Lorsqu'elle chante Charles Trenet à la manière des résistants, on croit revoir la petite fille qu'elle était à l'époque. Un frisson traverse la pièce. Professeurs et élèves sont émus : "La façon dont elle le raconte, l'espoir qu'elle met dans ce qu'elle raconte, la manière de transmettre ce qu'elle a vécu et surtout son courage... C'est une femme exceptionnelle", raconte Pauline, élève au lycée Saint-Pierre d'Abbeville.

Transmettre les flambeaux de la mémoire et de l'espoir

Au-delà du récit, c'est le caractère de la femme qui a touché ces jeunes, comme l'explique Agathe : "Elle est sortie des camps et elle n'a pas perdu espoir et je trouve ça admirable qu'elle ait continué de lutter pour ses droits et pour ses valeurs."

C'est sur ce message d'espoir que Lili conclue son récit face aux jeunes : "Je rêve d'un monde de paix pour ces jeunes et même si ça n'en prend pas le chemin en ce moment, je ne peux m'empêcher d'être optimiste et de croire qu'un jour viendra où grâce à tous ces jeunes du monde entier, on aura la paix dans le monde. C'est ce que je vous souhaite de tout mon cœur les enfants".

Lili a rempli sa mission pour aujourd'hui, mais elle est déjà prête à rejoindre d'autres écoles pour transmettre son message,"jusqu'à son centième anniversaire", assure-t-elle. Celle qui se présente comme une "infatigable passeuse de mémoire" reste pragmatique et quitte les élèves d'Abbeville sur une demande à ses "petits messagers" : "Bientôt, il n'y aura plus un seul déporté et c'est vous qui aurez à transmettre ce message. Je compte sur vous."

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