Laissé à l'abandon par son dernier propriétaire et victime d'un incendie ravageur en 2012, le château de Pont-Rémy a été racheté par la mairie en 2015. Dix ans plus tard, les travaux pour sauver l'édifice ont bien avancé et le public pourra bientôt en profiter à nouveau.
Niché sur sa presqu'île, entre deux bras de la Somme, le château de Pont-Rémy renaît petit à petit de ses cendres.
Longtemps laissé à l'abandon par ses différents propriétaires, il est ravagé par un incendie en 2012. En ruines, menaçant de s'écrouler, l'édifice résiste néanmoins. On ne vient à bout de plus de six siècles d'existence aussi facilement.
Une forteresse féodale
Car les premières traces du château de Pont-Rémy remontent à 1421 : une forteresse féodale, dont il ne reste aujourd'hui qu'une tour ronde et les voûtes de la cave, est érigée par les seigneurs locaux pour défendre le passage de la Somme. Une position stratégique dans bien des guerres du Moyen Âge et autres conflits : "le château a été important au moment de la guerre de Cent ans puisque les troupes d’Edouard III ont tenté de passer la Somme ici et ont été refoulées, raconte Nicolas Hervé de l'association du château de Pont-Rémy. Il a aussi été important au moment des guerres de religion, entre les Ligueurs et les protestants. Il a été important au moment des guerres entre les Bourguignons et les Armagnacs. Il y a quelques personnalités qui y sont passées sans s’y installer : François II, Marie Stuart, reine d’Écosse et éphémère reine de France, Henri IV, Richelieu...." Richelieu qui devra quitter les lieux en pleine nuit et en barque alors qu'un feu, parti de la cuisine, se propage à une tour où est stockée de la poudre à canon.
La pacification de la situation politique de la France va faire perdre à l'édifice son rôle de place forte qui devient une résidence privée.
Style troubadour et néogothique
Au début du XIXe siècle, le château est acheté par Pierre-François du Maisniel de Saveuse (également appelé Maisniel de Liercourt). Il est originaire d'Abbeville, député légitimiste de la Somme sous l'ultraroyaliste Charles X et comte.
En 1830, à l'avènement de Louis-Philippe, le comte du Maisniel de Saveuse est destitué de son mandat de député pour ne pas avoir voté les pleins pouvoirs au nom du souverain. Il va alors reporter son énergie vers son château pour lequel il engage de vastes travaux de transformations, dans un style pour le moins avant-gardiste à l'époque : le style troubadour. "Le style troubadour, c’est un peu un revival de la période médiévale. Le château tel qu’on le voit aujourd’hui est un château néogothique. Le style néogothique, c’est vraiment un retour à la période médiévale avec une forme de nostalgie et de manière assez ostentatoire. Il y a par exemple des encorbellements, des mâchicoulis, des fléchettes, décrit Nicolas Hervé. D'une certaine manière, Pierre-François du Maisniel de Saveuse va reporter son intérêt pour la royauté légitimiste, qu'il a toujours défendue, dans ce château en y faisant des travaux importants de 1837 à 1840. C’était peut-être un message politique. En tout cas, c’était la poursuite de sa carrière politique sous une autre forme."
Le château restera dans la famille du Maisniel de Saveuse jusqu'au milieu des années 50. La dernière descendante et dernière propriétaire noble, la comtesse de Coux, qui y recevait les habitants du village dans un intérieur opulent et rococo.
"En 1955, comme elle n’a pas de descendants, elle vend à des roturiers. Et là, c’est un peu le début de la fin. Plusieurs familles rachètent le château qui est plus ou moins laissé à l’abandon jusqu’à l’incendie de 2012 et le rachat par la commune en 2015", conclut Nicolas Hervé.
Un investissement de 500 000 euros
L'acquisition de l'édifice, classé au titre des monuments historiques en 1993, ne fut cependant pas facile. "Nous avons demandé pendant des années au dernier propriétaire de le racheter. Mais il est venu nous dire un jour lors d’une réunion du conseil municipal qu’il ne vendrait jamais son château à la République !, raconte Annie Roucoux, maire (DVG) de Pont-Rémy. Mais on ne pouvait pas laisser partir le château. C’est l’âme du village."
Acheté 200 000 euros il y a bientôt neuf ans, le château a depuis fait l'objet de quatre phases de consolidation de 120 000 euros chacune, subventionnées à hauteur de 75%. "Nous avons eu aussi une aide de la mission Bern que nous envisageons de solliciter à nouveau cette année car nous avançons dans les travaux, nous apprend Annie Roucoux. Nous voudrions que ça aille plus vite évidemment, mais nous n’en avons pas les moyens. Mais néanmoins, ce château est sauvé de la destruction. On a encore beaucoup à faire. Il est à peu près consolidé. Il faut encore une tranche de travaux pour le consolider définitivement et ensuite passer à sa restauration."
Après la consolidation de l'une des tours, il restera à étanchéifier les caves. La mairie veut également aménager le parc pour l'ouvrir aux habitants et aux promeneurs. Un son et lumière y est d'ores et déjà prévu les 25 et 26 juillet prochains pour récolter des dons.
Avec Claire-Marine Selles / FTV