Le militaire qui avait amené dans son bureau du 18ème Régiment de transmission de Bretteville-sur-Odon une roquette anti-char a été condamné à 3 ans de prison avec sursis pour "blessures involontaires". L'engin avait explosé accidentellement en octobre 2007.
Mardi 17 décembre, le procès à Caen a réuni les quatre hommes dont la vie a basculé à cause de cette tragique explosion accidentelle.
Trois anciens militaires, gravement blessés lors de l'explosion, se sont constitués parties civiles. L'un a été amputé des deux jambes, l'autre d'une jambe, et le troisième est quasiment sourd.
Le quatrième homme qui se trouvait dans le bureau au moment de l'explosion n'est autre que le prévenu de ce procès : le propriétaire de la roquette. c'est lui qui a été le moins blessé dans l'accident. Il a tout de même reçu 70 éclats métalliques dans le corps.
Cet homme est décrit comme un "militaire expérimenté", "un homme d'honneur", il avait 37 ans au moment de l'explosion.
Ce militaire avait été nommé en 2005 adjoint du bureau SATCOM (satellite et communication) au 18ème régiment de transmission de Bretteville-sur-Odon, près de Caen. Lorsqu'il avait pris ses fonctions, il avait entrepris de "décorer" son nouveau bureau. Il avait placé des objets militaires, dont une roquette anti-char qu'il pensait "inerte".
Le compte-rendu d'audience d'Erwann De Miniac et Franck Bodereau (ITV : Olivier Zazzera, victime de l'explosion et Jacques Martial, avocat partie civile)
Pendant deux ans, la roquette a été manipulée de nombreuses fois
Tout le monde au régiment pensait que cette roquette était parfaitement inoffensive. Posée sur un meuble et servant "de presse papier", de nombreuses personnes l'avaient touchée et manipulée.
Elle avait même servi à décorer un stand qui accueillait des enfants lors d'une journée portes ouvertes en juin 2007 (quatre mois avant son explosion).
Concernant la provenance de cette roquette, la version donnée par son propriétaire a été mise à mal lors de ce procès. Il affirmait l'avoir récupérée sur un terrain d'entraînement militaire dans le Var, puis a expliqué ne plus se souvenir exactement de l'endroit où il l'avait trouvée.
Ce modèle de roquette n'est pas utilisée par l'armée française selon les spécialistes, qui pensent qu'elle provient très probablement du Golfe arabo-persique, où le militaire avait opéré par le passé.
Peut-être tentait-il lors de ce procès de "couvrir" une personne qui aurait pu lui donner cette roquette, mais la vérité n'est pas sortie lors de l'audience. Le mystère ne sera sans doute jamais levé sur les origines de cet engin.
Jusqu'en 2005, le militaire avait stocké la roquette dans la cave de son domicile, avant de l'amener pour décorer son bureau.
Une chute accidentelle a entraîné l'explosion
Le 4 octobre 2007, en fin de journée, c'est un des sous-officiers, Christophe Caron, alors âgé de 32 ans, qui va involontairement provoquer l'explosion de la roquette. Il heurte une table bancale dans le bureau, et c'est ce qui provoque la chute de la roquette au sol.
Il était déjà arrivé qu'elle tombe, mais cette fois la charge explosive se "réveille" et c'est la déflagration.
Christophe Caron, qui se trouvait à moins d'un mètre de l'engin lorsqu'il a explosé, a perdu ses deux jambes dans l'accident.
L'instruction judiciaire a duré six ans, ce qui est extrêmement long. Au cours de cette instruction s'est posée la question d'une éventuelle responsabilité des autorités militaires, et en particulier des responsables de ce régiment, qui n'ont pas décelé qu'un engin explosif et dangereux était dans leurs locaux.
Mais finalement, seul le militaire propriétaire de la roquette a été jugé au pénal.
L'Etat devra sans doute indemniser les victimes. Le procès au civil qui aura lieu en avril 2014. "L'Etat ne nie pas sa qualité de débiteur", a-t-il été affirmé au procès.
Des larmes, mais pas de demande de pardon
Le prévenu, très mal à l'aise lors de ce procès, a versé des larmes et expliqué à la barre à quel point il était désolé, et qu'il endossait toute la responsabilité de cet accident.
Les autres victimes auraient aimé qu'au delà de ces larmes, il leur demande pardon, ce qu'il n'a pas fait.
Il a été condamné à la peine maximale qu'il encourrait, 3 ans de prison avec sursis pour "détention d'arme sans autorisation" et "blessures involontaires".
Son avocat avait demandé que la peine ne soit pas inscrite au casier judiciaire, pour que cet homme puisse poursuivre sa carrière militaire. Une demande qui a été rejetée. Cela conduira sans doute son avocat à faire appel du jugement rendu mardi par le tribunal de Caen.
Ce militaire est aujourd'hui affecté à des missions sur le terrain.
Quelques mois après l'explosion de la roquette, son couple avait rompu.
Le 18ème régiment de transmission de Bretteville-sur-Odon a été dissous en mai 2010.