Le tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à verser plus de 100.000 euros d'indemnités à la famille d'une détenue de 26 ans. La jeune femme s'était suicidée à la prison de Caen en 2020. Il estime que l'administration pénitentiaire avait commis "une faute" dans la prise en charge de la jeune femme.
Pauline Depirou, 26 ans, souffrait de graves troubles psychiques. Dans la nuit du 4 au 5 février 2020, elle a été retrouvée pendue dans sa cellule de la maison d'arrêt de Caen. Le tribunal administratif de Caen a condamné l'Etat à verser plus de 100.000 euros d'indemnités à la famille de la jeune femme estimant que l'administration pénitentiaire avait commis "une faute" dans la prise en charge de la jeune femme.
Pour Patrick Depirou, le père de Pauline, cette décision est un soulagement : "je suis satisfait de cette décision de justice, de gagner ce procès. La prison de Caen n'a jamais pris son mal-être en compte alors qu'elle l'exprimait". Selon son père, la jeune femme avait demandé à ne plus être seule dans une cellule, elle souhaitait suivre une formation qui lui a été refusée et sa permission de sortie pour passer noël en famille a également été rejetée:
C'est vrai que ma fille était violente même avec le personnel pénitencier mais tout lui refuser a empiré son mal être
Patrick Depirou, père de Pauline
En effet, malgré trois tentatives de suicide préalables, dont une par pendaison "quelques mois seulement avant la levée de la surveillance renforcée" en décembre 2019, la jeune femme avait été placée seule dans une cellule, relève le tribunal dans une décision rendue publique mardi. Pour l'avocat de la famille de Pauline Depirou, Maître Jean-Guillaume Le Mintier : "c'est un drame cruel, la prison de Caen a levé le dispositif de sécurité un moi et demi avant son passage à l'acte".
Un échec de l'Etat
Pour la famille et leur avocat, l'Etat a failli. Selon le tribunal administratif de Caen, la prison de Caen était au courant de l'état de santé de la jeune femme. "Elle avait un handicap psychique avec des troubles du comportement, la laisser seule dans une cellule n'était pas la solution, d'ailleurs sa place n'était pas en prison", explique Patrick Depirou. Pour lui, l'Etat a abandonné sa fille. "On voulait un aménagement de peine car ça n'allait pas, mais notre fille a été délaissée, mise de côté car sa maladie faisait d'elle une marginale" confie-t-il avec émotion.
Une première pour un tribunal administratif
Cent mille euros. C’est donc la somme que le tribunal administratif de Caen a condamné l’Etat à verser, mardi 15 novembre, à titre d’indemnisation, à la famille de la jeune femme qui a mis fin à ses jours à la prison de Caen en 2020. Une telle décision est une première pour un tribunal administratif :
C'est une satisfaction pour nous. Habituellement, c'est la Cour européenne des droits de l'Homme qui rend ce type de décision. C'est une première pour un tribunal administratif. J'espère que ça évitera de tels drames à l'avenir
Maître Jean-Guillaume Le Mintier, avocat de la famille de Pauline Depirou
La décision de justice pointe aussi du doigt le fait que l'administration pénitentiaire avait connaissance d'une expertise judiciaire datant de 2017 qui établissait "une personnalité hautement pathologique, structurée sur un mode psychotique", avec un syndrome persécutif, ainsi que de ses hospitalisations dans des services de psychiatrie dès son enfance. "Pauline Depirou a fait plusieurs tentatives de suicide, elle a eu des crises violentes, son risque de passage à l'acte était élevé', souligne Maître Le Mintier.
Entre juin 2018 et son décès, Pauline Depirou avait comparu à 23 reprises en commission de discipline.
Malgré tous ces éléments, l'administration pénitentiaire "n'a pas (...) pris les mesures que l'on pouvait raisonnablement attendre de sa part pour prévenir le suicide de Mme Depirou. Dans ces conditions, l'administration pénitentiaire a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat", écrit le tribunal.
Patrick Depirou estime que cette condamnation doit faire jurisprudence dans les prisons de France et notamment le bien-être des détenus. Mais aujourd'hui il accuse un contre-coup où il ressent de la colère mais surtout beaucoup de tristesse. Pour lui, "le temps fera les choses".