Mi-juillet 2022, l'aéroport de Caen-Carpiquet fait déjà mieux qu'en 2019 à la même période, dernière année avant le Covid. Ce redémarrage en trombe du transport aérien ne se fait cependant pas sans accrocs.
Ce lundi matin 18 juillet 2022, c'est le chassé-croisé des voyageurs entre la Normandie et Montpellier dans l'aérogare de Caen-Carpiquet. Une mère de famille vient d'arriver du Havre avec ses enfants pour embarquer direction le sud de la France. "C'est très pratique. Il n'y en a même plus à Rouen. A part Caen, il n'y a plus rien. On a de la belle-famille dans le sud. Ça nous arrange." Patrice, lui, est sur le chemin du retour. "Je viens régulièrement en Normandie pour le weekend", nous confie ce Montpellierain, "J'ai ma petite amie qui est à Caen. C'est LA bonne raison. Prendre l'avion aujourd'hui, c'est la solution la plus facile. Je l'ai déjà fait en voiture mais ça prend huit heures." A bord, il ne sera pas seul à rentrer au pays. Un couple de seniors en "déplacement professionnel" repart enchanté de son court séjour dans la région. "C'était très bien, ça nous a permis de voir la Normandie sous un jour magnifique. On a découvert de très très beaux coins. Ça donne envie de revenir." La ligne lancée par Volotea l'an dernier fonctionne donc dans les deux sens. Et elle est loin d'être la seule.
Mieux qu'en 2019
"C'est une année qui s'annonce comme une année de reprise après deux années relativement difficiles (en raison de la pandémie)", déclare modestement Manuel Le Roux, le président de la CCI (chambre de commerce et d'industrie) Caen -Normandie, en charge de la gestion du site. Et pourtant, les chiffres n'inspirent pas à la modestie. "Fin juin, nous sommes à 130 000 passagers sur l'aéroport de Caen, c'est deux fois plus que l'an dernier et (surtout) c'est plus qu'en 2019 à la même période." La direction de l'aéroport vante sa dizaine de destinations pour expliquer ce succès. "L'aéroport est ancré sur son territoire, il répond à une vraie demande et une demande qui est très diversifiée, à la fois familiale, touristique et d'affaire." En cette période de vacances estivales, c'est la Corse - "la destination phare" - et le sud de la France qui remportent tous les suffrages. "On retrouve un besoin d'évasion et aussi de redécouvrir la France", estime Manuel Le Roux.
L'aéroport de Caen Carpiquet est loin d'être un cas isolé. C'est tout le secteur du transport aérien qui connait un redémarrage en trombe depuis le début de l'année avec la fin des restrictions sanitaires dans de nombreux pays. L'organisme de surveillance du trafic aérien européen, Eurocontrol, a compté fin avril un nombre de vols équivalant à 83% du niveau de la même période de 2019, malgré la guerre en Ukraine, le choc pétrolier et l'inflation. Au printemps dernier, ce même organisme prévoyait pour l'été jusqu'à 95% du niveau de 2019, tandis que les compagnies signalaient des réservations massives. "La reprise s'est faite beaucoup plus vite que ce qui était prévue par tout le monde", souligne Manuel Le Roux.
Un secteur en surchauffe
Et c'est tout un secteur qui se retrouve en surchauffe. Car durant les deux années de pandémie, de nombreux acteurs, compagnies aériennes et aéroports ont sérieusement réduit la voilure, suppression de postes par milliers et réduction des salaires pour faire face à la chute vertigineuse du trafic. D'où un manque de personnel qui a contraint de nombreuses compagnies, des plus prestigieuses jusqu'aux low-costs, à annuler des dizaines de vols. Pour les salariés ayant été épargnés par la crise, la charge de travail , conjuguée à une baisse des salaires, est devenue difficilement tenable. De nombreux conflits sociaux, comme à Aéroports De Paris (ADP), ont donc émaillé ce début de saison estivale.
L'aéroport de Caen-Carpiquet n'a pas échappé aux turbulences. Au début du mois de juillet, plusieurs voyageurs normands ont essuyé d'importants retards ou des annulations pures et simples de leurs vols. La compagnie espagnole Volotéa a notamment été épinglée par bon nombre de vacanciers. "On n'a peu de latitude sur ces dysfonctionnements", se défend le président de la CCI Caen-Normandie, "Volotéa n'est pas la pire des compagnies - ce qui n'est pas en soi une satisfaction- mais même 5% de dysfonctionnements c'est beaucoup trop." La direction de l'aéroport affirme "accompagner au mieux les voyageurs". Elle invite également "les gens qui ont des problèmes à se référer au règlement européen 261 qui définit les conditions de remboursement en cas d'annulation ou de retard. Les compagnies et les opérateurs doivent s'y tenir."
Cette situation pourrait avoir d'autres effets à long terme. Aujourd'hui, l'aéroport de Caen-Carpiquet n'a dans l'immédiat aucun projet de nouvelle destination dans ses cartons. "Avec Volotéa et Air France, on est toujours en prospective. Nous avons d'autres pistes. Mais il y a quand même une pénurie à la fois d'avions et de personnels qui n'est pas due uniquement à nos opérateurs mais qui est générale", indique Manuel Le Roux.