Valeo, Bosch, Inteva, Marelli... Le secteur de la sous-traitance automobile est en pleine crise en Normandie. Les restructurations et annonces de fermetures d'usines se multiplient dans la région, laissant des centaines de salariés sur le carreau. Une situation qui pointe du doigt la fragilité économique du secteur sur le territoire.

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Depuis dix mois, Guillaume n'a plus d'emploi. Cet ancien technicien de maintenance travaillait chez Marelli, à Argentan, dans l'Orne. Mais le sous-traitant automobile qui fabriquait des boîtiers papillon pour les moteurs diesel et essence depuis plus de 50 ans a baissé définitivement rideau le 31 janvier 2024, laissant sur le carreau 167 salariés : "Ça faisait six ans que je travaillais dans cette usine. Ça a été très brutal à l'annonce. Et ça dégoûte de voir que l'entreprise a fermé pour relocaliser l'activité en Slovaquie alors qu'on avait toutes les compétences", nous confie l'homme de 34 ans.

Marelli, Akwel, Holophane... Les fermetures d'usines s'enchaînent

Guillaume a fait le choix de suivre une formation et pense à quitter la région. Dix mois après sa fermeture, une partie de l'usine a été reprise par le groupe Lemoine, spécialisé dans les produits de soins et d'hygiène. Certains ex-salariés de Marelli se sont formés pour rejoindre cette nouvelle entreprise, mais d'autres ne savent toujours pas de quoi l'avenir est fait.

En Normandie, deux autres usines ont mis la clé sous la porte cette année. C'est le cas de l'équipementier Akwel, spécialisé dans la fabrication de pédaliers et de mécanismes d'arrêt de portes de voiture. L'entreprise située à Gournay-en-Bray, en Seine-Maritime, a définitivement fermé juste après les fêtes du Nouvel An. 77 personnes se sont retrouvées sans emploi.

Même sort pour Holophane aux Andelys, dans l'Eure. L'industriel verrier est une référence mondiale des phares antibrouillard. Deux ans plus tôt, il a perdu son principal client Valeo, et s'est retrouvé dans la tourmente. La hausse des coûts de l'énergie l'a achevé. 200 salariés sont restés sur le carreau.

Depuis quelques années, l'industrie automobile est en déclin, mettant le secteur de la sous-traitance en souffrance. Les entreprises subissent les conséquences de la concurrence des pays à bas coût, l'inflation et l'électrification des véhicules.

Une fermeture progressive pour Bosch, Valeo mis en vente

À Mondeville, près de Caen, Bosch et Valeo, sont au cœur de l'activité économique de la zone industrielle. Ils ont été frappés de plein fouet par cette tempête du déclin de l'industrie automobile. Pour Bosch, la sentence est tombée le 9 juillet dernier. La direction de l'équipementier allemand spécialisé dans la fabrication de produits mécatroniques pour l'automobile a annoncé une "fermeture progressive" qui deviendra définitive en 2026 avec 500 salariés qui vont perdre leur emploi.

L'entreprise avait pourtant été primée en 2018 pour avoir misé sur sa transformation digitale. Elle a même été labellisée "usine du futur" mais n'y coupera pas et baissera bien le rideau. Selon un élu syndical : "L'usine faisait face à une baisse d'activité depuis quelques années à cause de la transformation de l'industrie automobile. La sous-traitance électronique a eu un temps un succès, mais en réalité, économiquement, ce n'était pas viable".

L'activité sera recentrée en Allemagne. Aucun repreneur ne s'est manifesté. La direction, que nous avons sollicitée, n'a pas souhaité s'exprimer.

De son côté, Valeo a annoncé près de 900 suppressions de postes en France. Le site de Mondeville est épargné, car il est mis en vente depuis le 2 octobre 2024, mais il est toujours à la recherche d'un nouvel acquéreur, le site normand laisse 230 salariés dans l'incertitude totale : "En Normandie, les politiques, le patronat nous ont raconté une belle histoire de l'électrification. Mais on se rend compte que des moteurs Renault ne sont finalement pas construits en France, car ça coûte moins cher ailleurs", lance Denis Bréant, délégué CGT chez Valeo Mondeville.

D'autres fermetures et suppression d'emploi ? La filière est inquiète

Il ajoute : " Emmanuel Macron disait lors du salon de l'automobile qu'à l'horizon 2030, on fera de l'électrique en France. Mais à quoi bon, si les équipements sont faits à l'étranger ?" Selon un communiqué de la CFDT, "l’activité de fabrication de capteurs n’est plus considérée comme stratégique pour Valeo", ce qui pousse ses dirigeants à envisager des restructurations. 

Certes, les salariés sont rassurés par une revente, "c'est mieux qu'une fermeture". Mais à quel prix ? : "Nous avons beaucoup de questions. Les salariés seront-ils tous repris ? Pourra-t-on garder nos acquis sociaux ? On ne veut pas être racheté par un fonds de pension et surtout, on aimerait rester Valeo", explique Denis Bréant. "Le site de Valeo nous met en vente pour se faire du cash. On a toutes les compétences requises", conclut ce dernier.

Ces chutes et reventes inquiètent la filière en Normandie. À Caligny, dans l'Orne, l'usine Forvia/Faurecia redoute d'être impactée à l'horizon 2028 par les 10 000 suppressions d'emplois prévus par sa maison mère en Europe. Cette dernière a prévenu que ce plan "concernerait tous les sites" européens.

En Normandie, le site compte 1 200 salariés. Sur place, l'établissement regroupe une usine de production de mécanismes de sièges, un centre technique de rang mondial et un centre de formation. "Si le groupe décidait de fermer l'une des trois antennes, cela pourrait mettre en péril tout le site", prévient un élu FO.

À Gournay-en-Bray, c'est l'usine Autoliv qui suscite l'inquiétude. L'équipementier a déjà supprimé 55 postes sur les 580. Le syndicat CFTC a lancé dans un communiqué que : "Ces réductions d'effectifs ont pour seul but un transfert des activités vers les pays à bas coût de l'Union européenne, ce qui fragilise une fois de plus la pérennité du site, qui à terme devra fermer, comme ont fermé des sites allemands, anglais et suédois".

Les dés sont jetés chez Inteva

En revanche, chez le fabricant de lève-vitres électriques Inteva à Esson, dans le Calvados, les dés sont jetés. L'usine a été reprise en 2020 par son actionnaire américain après son placement en liquidation judiciaire. Un plan social vient tout juste d'être signé. Sur 220 emplois, 110 pourront être sauvés : "Nous travaillons toujours avec Stellantis mais le constructeur Renault nous a lâchés. Nous avions toute une ligne de fabrication et des salariés qui leur était dédiés", s'émeut Julien Van Dick, délégué syndical CGT chez Inteva.

"Nous sommes très en colère. Toyota, par exemple, a un modèle où il prône la régionalisation. Et leurs comptes sont à l'équilibre. Nous, nos constructeurs français préfèrent produire à moins cher ailleurs. Ils s'en fichent de la régionalisation et de la pollution environnementales", lance Julien Van Dick.

"Et concernant nos politiques, nous avons tenté à plusieurs reprises de rencontrer Elisabeth Borne. Mais notre députée est plus occupée à promouvoir son livre sur les plateaux de télévisions que de s'occuper des emplois dans sa circonscription". Mais ce dernier veut tout de même relativiser : "On a tout de même des emplois de sauvés, ce n'est pas rien... Mais jusqu'à quand ?"

De son côté, Allan Bertu, secrétaire général de la CGT Calvados, s'esclaffe : "L’électrification des voitures est trop souvent utilisée comme un argument pour fermer des usines. Mais par exemple, Inteva fait des lève-vitres électriques. Même sur une voiture électrique, on en a bel et bien besoin".

Pour le responsable syndical, les promesses de réindustrialisation par l'électrique voulue par le gouvernement semblent bien se heurter à "une désindustrialisation qui est bien là". En Normandie, le secteur de la sous-traitance automobile tend et semble, petit à petit, à appartenir au passé.

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