Depuis cinq ans, Guy Maheux propose un drive dans sa ferme manoir. Sa particularité : aucun vendeur pour surveiller les clients, qui se servent et payent seuls.
"Il y a un Américain qui est passé et qui a laissé un dollar sur lequel il a laissé un petit mot qui disait : bravo, c'est sympathique, c'est tellement rare de nos jours." Des mots de ce genre, des témoignages de sympathie et d'encouragement, Guy Maheux en a reçu en nombre ces cinq dernières années. "Il n'y a pas une semaine où on n'en reçoit pas." Cela fait pourtant bientôt 25 ans qu'il est propriétaire de l'un des fleurons partimoniaux du Pays d'Auge, le manoir de Bellou érigé en 1475. Mais ici, ce n'est par l'architecture qui suscite ces louanges.
Châtelain, Guy Maheux est également agriculteur, converti au bio depuis 22 ans. Sa spécialité : les pommes à cidre et les pommes de terre, à chair jaune. Sa particularité : faire confiance aux clients. "On a commencé par des sacs de pomme de terre en 2015. On les vendait 25 euros. Il fallait déplacer quelqu'un pour une recette de 25 euros, ça nous coûtait plus cher que ça nous rapportait", se souvient le maître des lieux, "Alors un jour j'ai dit : on va laisser une palette et puis on verra bien."
Les pommes de terre, exposées à l'entrée du pressoir, trouvent preneurs. Et la formule fait recette. Bientôt, ce sont les bouteilles de cidre, de jus de pomme et de vinaigre qui sont proposées en libre-service. "C'est ouvert toute la journée, même les dimanche et jours fériés. Les gens viennent quand ils veulent. On va par ailleurs mettre un point lumineux pour qu'ils puissent venir le soir." Les clients peuvent même goûter certains produits : des verres jetables sont à leur disposition. Une fois leurs emplettes faites, ils ont juste à déposer leur paiement dans une boite et indiquer ce qu'ils ont pris.
Le jeu de la confiance
Et jusqu'à présent, jure Guy Maheux, tout le monde joue le jeu. "Si vraiment on se fait trop piquer, on arrête mais ce n'est pas le cas. Des fois il va nous manquer 20 euros mais c'est nous qui avons pris un carton pour un copain ou autre et avons oublié de mettre un papier dans la boite", explique le propriétaire, "Quand les clients n'ont pas le compte, ils reviennent plus tard nous payer l'appoint."Les clients jouent le jeu. Et en redemandent.Si la production de Guy Maheux semble ravir les papilles, la démarche, elle, touche encore plus profondément. "Il y a une dame qui nous a écrit : ça fait chaud au coeur. Les gens n'ont plus l'habitude qu'on leur fasse confiance. Certains nous demandent : vous avez une caméra ?" Le drive fermier de Bellou semble prouver que la confiance paye. Et comme le rappelle, philosophe, l'agriculteur : "la crainte n'évite pas le danger".