La saturation des urgences est à son maximum : ce premier week-end de février, dans un contexte de pic de grippe et de gastro, le constat au CHU de Caen est alarmant avec des brancards dans les couloirs, des patients entassés dans les boxs, et des délais d'attente de plus de 30 heures.
Le sujet est brûlant, personne ne veut prendre la responsabilité d'en parler "ouvertement". "On peut même dire que c'est l'omerta", affirme un médecin qui ne déclinera pas son identité. Alors que ce lundi matin, 4 février 2019, une vidéo amateur nous est parvenue à la rédaction de France 3 Normandie, difficile d'obtenir des réactions "officielles".
Un week-end de crise : 70 personnes en attente depuis plus de 30 heures
Sur ces images (que nous ne diffuserons pas à la demande de son auteur qui a préféré, lui aussi, rester discret), nous avons pu observer une situation confuse : plusieurs "lits d'urgences" imbriqués les uns dans les autres dans des boxs saturés. Le personnel zigzague au milieu des brancards installés à la "queue leu-leu" tout le long des couloirs. Parmi les patients, beaucoup de gens âgés. "Comme tous les week-ends ", déplore le même médecin urgentiste.
Le personnel a passé le week-end à "chercher des lits dans la tour", nous explique-t-on en catimini. Comme il est impossible ou presque de trouver un lit dans les services adaptés, c'est vite la saturation aux Urgences. Les arrivées s'accumulent, sans sorties à l'autre bout.
Nous avons eu eu beaucoup de mal à obtenir ces quelques chiffres mais plusieurs sources nous les ont confirmés : à 9H30 ce lundi matin, les Urgences du CHU de Caen avaient 70 patients enregistrés dans le service, certains en attente de prise en charge depuis 32 heures. Et ce lundi soir, malgré certaine sorties, il y a toujours 70 lits occupés.
La faute à la grippe et la gastro ?
Nous avons pu vérifier, ( toujours sous couvert d'anonymat) qu'un "pic d'activité" a bien été signifié ce lundi matin aux syndicats de l'hôpital après un week-end difficile. "Nos agents nous alertent quand la situation devient trop tendues pour nos soignants. Vous comprenez c'est insupportable pour tout le monde : les agents travaillent alors dans des conditions inacceptables et que dire des patients", nous explique une déléguée syndicale qui préfère, elle aussi, rester anonyme tant la situation est tendue, aujourd'hui, à l'hôpital.
"Il faut dire que l'activité est calculée sur des moyennes. Parfois on est bon, parfois au-dessus, parfois en-dessous", nous explique t-on. "L'important c'est d'en sortir quand on est dans le rouge. Depuis ce matin, on tente de voir ce qui est possible."
Une situation qui arrive alors que le Réseau Sentinelles plaçait la semaine dernière la Région dans un pic de grippe et gastro. Un hasard ? On sait que ces épidémies ont souvent pour conséquence un "pic de fréquentation aux urgences"
L'enfer de la gestion des lits
Des soignants, médecins ou infirmiers, parlent en dehors des micros. Et à chaque fois, le même discours : trouver des lits est devenu une activité à part entière.C'est du temps en moins pour le soin et l'écoute et c'est même devenu la principale préoccupation . Une situation " comptable" insupportable pour tous ces soignants au bord de la crise de nerfs.
" On ne soigne plus des gens , on cherche des lits !", déplore un soignant
"Il y a effectivement un pic de grippe en Normandie auquel il faut faire face. Avec des entrées de patients qui souffrent de troubles respiratoires. On travaille au mieux avec les hôpitaux de la région. Dans ces périodes hivernales on ouvre aussi une unité saisonnière ", explique le directeur-adjoint du CHU de Caen.
L'appel du chef de service du CHU DE CAEN il y a deux semaines dans Le Monde
"Un risque d'accident immense", une tribune signée par plusieurs médecins responsables des unités d'Urgence et de Samu des hopitaux de France, dont celui du CHU de Caen , le Pr Eric Roupie. C'était il y a quelques semaines :
La colère des patients pris en "otage"
Elle est devenue banale cette colère mais à l'heure du Grand Débat et des sujets de "citoyens", l'état de nos hôpitaux est souvent mis en avant.FACEBOOK- L'appel d'une jeune fille choquée de voir sa maman en souffrance en attendant une place au bloc :
Ces dernières semaines le CHU de Caen a été montré du doigt par cette jeune femme ( voir ci-dessus) qui a lancé une bouteille à la mer sur les réseaux sociaux alors que sa maman venait de se fracturer le col du fémur : après un diagnostique assez rapide, elle a dû attendre 3 jours avant d'être opérée.
Le communiqué de la direction du CHU : 7 février 2019
Depuis la mi-janvier 2019, le CHU de Caen Normandie connaît des difficultés relatives à la disponibilité de lits pour accueillir les patients. La période hivernale et le placement en phase épidémique de grippe de la Normandie depuis le 21 janvier nous ont conduit à prendre plusieurs mesures pour maintenir la continuité des soins et préserver la sécurité des patients.
- Des mesures concrètes
· 11 lits ouverts le 11/01 sur le site du CHR Clémenceau
· 12 lits ouverts au CH Côte Fleurie le 31/01
· 6 lits le 04/02 et 6 lits le 05/02 au CH de Falaise
· 6 lits à venir le 11/02 au sein du CH de Pont l’Evêque
Il n’y a pas d’afflux excessif ni de pic hors norme constatés dans le nombre de passages aux urgences du CHU de Caen Normandie. Sur les 30 derniers jours, le nombre moyen de patients par jour s’établit à 147. Il est en dehors de tout seuil d’alerte et dans l’épure des capacités d’accueil du service des urgences du CHU. A titre indicatif, le flux des passages aux urgences adultes a représenté plus de 56 000 passages en 2018 soit en moyenne 153 patients par jour.
Toutefois, les délais d’hospitalisation des patients des urgences au sein de l’établissement ou dans un établissement du GHT peuvent être allongés pour des motifs attachés au manque de lits disponibles et parfois à l’impossibilité ou au refus de patients d’être hospitalisés au sein d’un autre établissement.
Le groupement hospitalier de territoire constitue à cet égard un outil de régulation et permet de mesurer l’engagement du service public hospitalier pour les patients. Les centres hospitaliers de la Côte Fleurie, de Falaise et de Pont l’Evêque jouent avec le CHU un rôle majeur dans l’organisation de la réponse sanitaire dans la présente situation.
Enfin la Direction générale du CHU de Caen Normandie tient à remercier l’ensemble des équipes médicales et paramédicales pour leur engagement qui permet d’accueillir les patients H-24 7j/7.