Le BEA Mer a rendu les conclusions de son enquête sur le naufrage du Calista, intervenu le 5 avril 2023 au large de Barfleur (Manche). Alors que ses deux matelots s'en étaient sortis, le patron du chalutier avait péri dans le drame. Près de deux ans après, les enquêteurs pointent une série d'erreurs lui incombant.
Le drame avait marqué le monde de la pêche en Normandie au printemps 2023. Le Calista, un chalutier rattaché à Port-en-Bessin, avait chaviré en mer au petit matin du 5 avril. Son patron Julien Levesque était mort dans le naufrage.
Ses deux matelots avaient réussi à s'en sortir, secourus par des bateaux présents à proximité, puis transportés au Havre par l'hélicoptère Caïman du Cross Jobourg. Le corps du capitaine du navire avait été repêché une dizaine de jours plus tard.
Le BEA Mer charge le défunt patron du Calista
Près de deux ans après le chavirage mortel, le bureau d'enquête maritime (BEA Mer) a rendu ses conclusions, et elles n'épargnent pas le défunt marin.
Après avoir rappelé que Julien Levesque avait acheté le Calista, un navire de plus de 30 ans, seulement un mois et demi avant l'accident, les enquêteurs pointent que la stabilité du bateau a toujours été "incertaine", et ce, dès sa construction. Dans leurs enseignements, ils écornent le Comité des pêches de Normandie sur son manque d'inspection approfondie des navires anciens.
Les experts mettent aussi en exergue le fait que le patron n'avait eu que très peu de temps pour se familiariser avec son navire avant de se lancer tardivement dans la campagne de pêche à la coquille Saint-Jacques.
La pêche à la coquille ayant été fermée en zone côtière, probablement poussé par la pression économique liée à l’acquisition récente du navire, le patron est allé pêcher au large. Ce faisant, il a dépassé la durée de temps autorisée en mer, dans une zone pour laquelle son navire n’était pas adapté, ni en termes d’habitabilité ni en termes de sécurité.
Conclusions de l'enquête du BEA Mer sur le naufrage du Calista
Les conclusions des enquêteurs vont à l'encontre de ce que déclaraient certains confrères de Julien Levesque, lors des hommages qui lui ont été rendus en mai 2023. "C'était quelqu'un qui était qualifié, qui avait navigué depuis longtemps (une dizaine d'années, NDLR), je pense que l'expérience, il l'avait", nous racontait un pêcheur à l'époque.
Un cumul d'erreurs techniques et humaines
Le rapport d'enquête pointe aussi la surcharge de l'embarcation comme cause principale du chavirage. "Le maintien à bord d'un chalut sur l'enrouleur (...) compromettait la stabilité du navire. Les dragues, remplies et alourdies par des pierres, pesaient le double de ce qui était autorisé. En outre, le panneau de cale n'était pas verrouillé".
Ces éléments alourdissant le navire, adossés à la navigation dans une zone située "au-delà de la catégorie autorisée", avec "des courants dangereux et des fonds rocailleux", sont à l'origine de la prise de gîte qui a provoqué le naufrage du Calista.
Par ailleurs, le BEA Mer estime que Julien Levesque a commis une erreur en confiant le quart à un matelot "sans expérience, tout juste sorti d'école" alors qu'il partait se reposer. Selon les experts, ce jeune membre d'équipage n'était "absolument pas en capacité de réagir face à la situation critique à laquelle le Calista s’est trouvé confronté".
En conséquence de ces analyses sur le naufrage, le Comité régional des pêches de Normandie est sommé de lancer une opération de pesée des bateaux pour la prochaine campagne de pêche. Le BEA Mer précise qu'il faudra en premier lieu viser les armateurs dont les navires utilisent des engins ne correspondant pas aux conditions d’exploitation inscrites sur leur permis de navigation.