En octobre 2024, Jérémie Morizet a marqué l'histoire en s'aventurant à bord d'un submersible dans la fosse des Tonga, à 10 806 mètres de profondeur. Jamais un français n'avait atteint une telle profondeur. Nous lui avons posé trois questions.
C'était dans la nuit du 12 au 13 octobre, en plein Océan Pacifique. Jérémie Morizet, ingénieur océanographe originaire de Réville (Manche), a plongé à 10 806 mètres de profondeur dans la fosse des Tonga, réputée pour être la deuxième plus profonde de la planète.
À bord du submersible Bakunawa, le Normand a battu le record de son mentor Henri-Germain Delauze, seulement deux ans après sa première plongée sous-marine. Il devient ainsi le premier explorateur français à s'aventurer si loin dans la fosse océanique. Rencontre.
Comment avez-vous commencé la plongée ?
J'ai réalisé mes premières plongées il y a deux ans pour découvrir des épaves, comme le mythique Endurance à 3 000 mètres de profondeur et un autre navire de guerre de la Seconde Guerre mondiale, échoué à 6 895 mètres au nord de l’Antarctique.
Je me rappelle très bien de ma première descente parce qu'elle a été difficile. Je n'ai pas été préparé à plonger dans un bathyscaphe puisque j'ai été prévenu la veille pour le lendemain. Ce n'est pas naturel d'être enfermé plusieurs heures dans une sphère en titane d'1m50 de diamètre. Quand la porte se referme, vous avez un peu la sensation d'être dans un coffre-fort immergé.
Qu'avez-vous vu dans la fosse des Tonga ?
L'atterrissage dans la fosse des Tonga était assez inattendu. Je m'attendais à voir de grosses formations rocheuses − puisque nous avions visé l'un des points les plus profonds des abysses − mais nous sommes arrivés dans une grande plaine blanche avec des sédiments très farineux. Nous avons même trouvé une noix de coco majestueusement posé au sol.
Dans les abysses de la fosse de Tonga, le paysage est beau mais monotone.
Jérémie Morizet
C'est l'unique chose que l'on a pu voir en arrivant sur le fond. Le submersible laisse peu de visibilité sur l'extérieur, c'est regardé comme au travers d'un judas. La prochaine fois, j'aimerais aller chercher le coin le plus profond dans la fosse des Mariannes, 11 kilomètres en dessous du niveau de l'eau.
Est-ce un grand pas pour la science ?
L'objet de la plongée n'était pas de battre un record mais de tester un équipement scientifique installé sur le bathyscaphe. Il s'agit d'un système de positionnement − développé par Deep Ocean Search −, permettant de le situer dans la colonne d'eau, comme un logiciel GPS qui fonctionnerait avec des ondes acoustiques. Le voyage a duré huit heures, ce qui nous laissait deux heures au fond pour travailler. Ce système est très utile pour les missions de prélèvements ou de cartographie sous-marine par exemple.
🚨 Record Alert! 🚨
— Deep Ocean Search (@DeepOceanSearch) October 13, 2024
Deep Ocean Search has set a new French record with a dive to 10,806m in the Tonga Trench, led by our brilliant engineer Jeremie Morizet and Clement Schapman!
A true team effort by DOS in pushing the limits of #deepsea #exploration! #Record #TeamSpirit pic.twitter.com/5gb6nkOVgQ
Sur le long terme, il est prévu qu'on continue d'équiper cet engin pour en faire une sorte de couteau suisse scientifique, utile partout dans le monde. On connaît mieux la surface de la Lune que celle de l'océan. Il y a encore du travail.