Gérald Darmanin souhaite que "les cent plus gros narcotrafiquants du pays soient isolés dans une prison de haute sécurité". Si le garde des Sceaux n'a pas précisé l'établissement de destination, le centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe semble correspondre aux critères.
"On va montrer que quand on est narcotrafiquant et emprisonné, on ne peut pas avoir une vie agréable". Nouvellement nommé au ministère de la Justice après avoir passé quatre ans à l'Intérieur, Gérald Darminin entend bien endiguer la montée de la délinquance liée au trafic de drogue en France.
Les narcotrafiquants à la place des terroristes dans l'Orne ?
Invité de LCI dimanche 12 janvier, le nouveau ministre de l'Intérieur a déclaré qu'il fallait "tout changer dans la lutte contre le trafic de stupéfiant". L'un de ses premiers chevaux de bataille pourrait ainsi être la création d'une superprison pour y enfermer les membres des cartels sévissant dans l'Hexagone.
Nous allons prendre une prison française, la vider des personnes qui y sont, et on y mettra les cent plus gros trafiquants, puisqu'on l'aura totalement isolée, totalement sécurisée avec des agents pénitentiaires particulièrement formés, anonymisés.
Gérald Darmanin, ministre de la JusticeLCI
Invité à préciser son ambition, Gérald Darmanin a expliqué qu'il avait déjà en tête deux prisons françaises. De sources syndicales, il s'agirait des centres pénitentiaires d'Alençon-Condé-sur-Sarthe (Orne) et de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais).
"Ces deux établissements s'y prêtent, ils sont réputés pour être les plus sécuritaires de France, analyse Emmanuel Guimaraes, délégué national FO-Justice, ancien agent pénitentiaire de la prison ornaise. Ces centres sont atypiques, spécifiques, construits pour être sectorisés, pour séparer, pour détourner complètement les rassemblements de personnes incarcérées".
"On est forcément favorables"
Certains spécialistes du grand banditisme comme le journaliste d'investigation Frédéric Ploquin estiment qu'il s'agit d'une erreur. "À partir du moment où vous les mettez ensemble dans la même prison, il y a plusieurs problèmes. Soit il y a un bain de sang dans la prison, soit ils forment le plus grand cartel de demain", a-t-il déclaré sur RMC Découverte.
Une analyse que balaye Emmanuel Guimaraes. "À Vendin-le-Vieil et à Alençon, la séparation des unités d'hébergements fait qu'il ne peut y avoir au maximum que 17 détenus ensemble dans une cour de promenade". L'établissement normand accueille depuis plusieurs années certains des terroristes islamistes et détenus radicalisés parmi les plus dangereux du pays. "On a tous les détenus ingérables de toute la France", précise Kévin Gripon, secrétaire local FO.
Pour Gérald Darmanin, il faut changer la manière de gérer les établissements de privation de liberté. "Aujourd'hui, on isole certains trafiquants parmi d'autres détenus et on voit bien que ça ne marche pas ce système, si j'ose dire, de mixité".
Une révolution souhaitée mais avec davantage de moyens
Kévin Gripon, délégué Force ouvrière au centre pénitentiaire alençonnais se déclare favorable à la proposition du ministre.
La classification des établissements est une revendication que FO-Justice porte depuis de nombreuses années. En revanche, ça ne marchera que si on nous donne les moyens humains et matériels. Si on doit continuer à fonctionner à moyens constants, ce n'est pas possible !
Kévin Gripon, secrétaire local FO du centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe
Emmanuel Guimaraes précise la revendication de son confrère. "Cela doit être accompagné avec des moyens, des personnels et pas forcément que des agents pénitentiaires" ainsi que des équipements plus dissuasifs comme "des pistolets à impulsions électriques pour intervenir plus rapidement et limiter les envies de la population carcérale". Ces dernières années, plusieurs agressions et prises d'otages ont eu lieu au centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe.
Reste à savoir où iraient les détenus déjà emprisonnés dans ces établissements. D'après les derniers chiffres publiés par le ministère de la Justice fin décembre, la France compte 80 792 prisonniers pour seulement 62 404 places recensées dans les prisons du pays.