Samuel, 54 ans, a été licencié après la fermeture de l'usine Marelli, basée à Argentan dans l'Orne. Dans deux mois, il ne sera plus indemnisé. Il craint de ne pas retrouver un emploi pérenne. Des inquiétudes qu'il nous confie.
"La sculpture me permet de m'évader et de ne plus y penser". Depuis plusieurs mois, Samuel vague à sa passion pour se remettre de ce qu'il a vécu. Il y a près d'un an, cet ancien salarié de Marelli a perdu son travail lorsque l'entreprise située dans l'Orne a baissé le rideau.
Tenter de se relever après le coup de massue
À 54 ans, il n'a pas encore retrouvé de travail : "Par manque d'envie, c'est vrai, ça a été les montagnes russes cette année pour moi", nous confie ce dernier.
Samuel travaillait au sein du service usinage à Marelli depuis 27 ans : "J'aimais mon boulot, mes collègues. J'ai gravi les échelons. Tous les matins, j'étais content de me lever et d'aller au travail". Mais en janvier 2024, une partie de son monde s'effondre. Il se souvient comme si c'était hier : "Ça a été un coup de massue ! J'étais au boulot, on bossait. Et là, la direction nous a annoncé la fermeture définitive du site. J'avais du mal à y croire".
Le 31 janvier 2024, les salariés passent leur dernière journée sur le site. L'activité est délocalisée en Slovaquie, car les coûts sont moindres :
On nous a arraché notre boulot pour le donner à d'autres pour moins cher. Je me sens trahis !
SamuelEx-salarié Marelli
Depuis quelques années, l'industrie automobile est en souffrance en Normandie comme partout en France. Inflation, hausse des coûts de production, électrification des véhicules... Certains sous-traitants du secteur paient le prix fort. D'autres font le choix de délocaliser la main-d’œuvre pour faire des économies, à l'image de Marelli qui fabriquait des boîtiers papillon pour les moteurs diesel et essence depuis plus de 50 ans.
La crainte de ne plus retrouver de CDI à son âge
Et depuis, la colère ne lâche pas le Normand : "On était compétent. On avait un savoir-faire, on savait faire et on était investi. Et puis, on avait des commandes. C'est une trahison. J'ai toujours du mal à avaler".
Comme les 166 autres salariés, ce dernier a pu bénéficier d'un congé de reclassement après la fermeture de Marelli. Cela lui a permis de toucher de l'argent pendant un an : "Je continue à être rémunéré par l'entreprise jusqu'en mars. Mais, pour être sincère, je n'avais pas la force de chercher du boulot ailleurs ou de suivre une formation durant ces mois. J'avais besoin de temps pour moi", explique Samuel.
Mais dans deux mois, il ne touchera plus de salaire. Samuel doit absolument trouver un travail :
Qui va me donner un CDI à 54 ans ? J'avais évolué chez Marelli, j'avais réussi à avoir un certain niveau de salaire. Là, je vais devoir faire des missions d'intérim. Attendre le coup de fil de jeudi pour savoir si je vais avoir du boulot le lundi qui suit.
SamuelEx-salarié de Marelli
"Je vais devoir recommencer en bas de l'échelle avec le salaire minimum. Et puis, dans le secteur, on va se retrouver à plusieurs anciens salariés de Marelli à chercher du boulot en même temps avec les mêmes compétences. Et puis, je ne veux plus travailler dans l'industrie, je veux chercher dans un autre domaine, mais lequel, je ne sais pas".
Tourner la page de Marelli et aller de l'avant
Samuel vit à huit kilomètres d'Argentan. Il habite dans le village d'Occagnes et à toute sa vie dans les environs. Il est aussi propriétaire d'une maison : "Je continue de rembourser mon crédit immobilier. Alors avec le salaire que je risque de toucher, je vais vivre avec beaucoup moins et je risque de faire pas mal de kilomètres pour pouvoir bosser, ça a un coût aussi", ajoute ce dernier. "Heureusement que mes deux filles sont grandes et indépendantes, pour d'autres collègues, il y a aussi les enfants à gérer".
De l'inquiétude pour sa situation financière, professionnelle, mais aussi pour sa vie sociale : "27 ans dans une entreprise, ça ne s'oublie pas comme ça. J'aimais mon travail et mes collègues. Bosser ensemble, prendre le café, discuter. La vie d'usine quoi", nous confie Samuel, le ton nostalgique. "Là, ça risque d'être des collègues de quelques jours, jamais les mêmes avec l'intérim".
"Mais heureusement, je suis en contact avec plusieurs anciens collègues qui sont devenus des amis", nous dit-il avec le sourire. Dans quelques semaines, Samuel va s'inscrire à France Travail. L'échéance se rapproche et malgré l'inconnu qui l'attend, il va devoir se lancer dans les démarches pour trouver un emploi : "Je n'ai pas le choix, il faut que je gagne ma vie".
Une façon peut-être de fermer définitivement ce chapitre de 27 ans de sa vie professionnelle : "Je ne l'ai pas choisi, mais je dois aller de l'avant".