Savourer des aguignettes, humer l'odeur du cidre chaud épicé, remplir les chabots du père Noël... Nombreux sont les rituels de Noël en Normandie. Si les traditions se sont peu à peu perdues dans une grande partie de la région, certains continuent à les entretenir chaque année.
C'est quoi un "Noël à la normande ?" D'ailleurs, est-ce qu'une manière typiquement régionale de célébrer la nativité du Christ ou la venue du père Noël existe vraiment ? Figurez-vous que la réponse est visiblement : "Oui, bien sûr !"
Bûche, sabots, lutin et baignades...
C'est un article du site voyageons.net qui nous a mis la puce à l'oreille. Il évoque "7 traditions incontournables" d'un Noël en Normandie : le chuquet, les chabots, le Julenisse, les aguignettes ou hoquignanes, les marchés, le trou normand et le bain de Noël.
Si vous aussi tombez des nues en lisant cette liste, sachez que vous n'êtes pas seuls. En faisant le tour de la rédaction pour vérifier si ces coutumes étaient réelles et usitées, on s'est rendu compte que quasiment personne ne les connaissait (hormis le trou normand évidemment), et encore moins les pratiquait.
Personne... Enfin presque. Originaire du Cotentin, notre collègue journaliste Céline Durchon nous a tout de suite rétorqué que chez elle, les rituels ancestraux étaient sacrés. "Quand on était petits, on faisait beaucoup d'hoquignones (ou aguignettes - pâtisseries feuilletées, voir plus bas), c'était même une activité proposée à l'école", se remémore-t-elle.
On préparait un sachet avec des hoquignones et des oranges séchées, puis un verre de lait pour que le père Noël puisse donner à ses rênes après son passage. On les mettait au pied du sapin dans les "chabots", les sabots en parler normand. Comme il peut y avoir la tradition des cadeaux dans les chaussettes, chez nous, c'était le chabot.
Céline Durchon, journaliste à France 3 Normandie
L'aguignette survit encore dans plusieurs secteurs de la région. Il s'agit d'une petite pâtisserie feuilletée en forme d'animal (lapin, canard, coq...). Boulanger à Bihorel, près de Rouen, Michael Eudes en fabrique chaque hiver des centaines. "Il y a longtemps, les apprentis récupéraient et cuisaient les rognures de galette de rois, puis les vendaient au coin de la rue. Les gens leur donnaient une pièce contre un morceau de feuilletage. C'était leurs étrennes", raconte-t-il.
Trou normand, cidre chaud aux épices, fllip et 44
En revanche, sa famille ne fabriquait pas de cidre chaud aux épices. Dans les rites de Noël normands, on lit aussi çà et là que l'odeur de ce breuvage serait une Madeleine de Proust des (vieux) enfants de la région."Le cidre chaud, mes parents en donnaient à une vache qui venait de vêler, pour la réconforter, raconte Rémi Pézeril, président de la Fale, l'association des parlers normands.
S'il estime que le trou normand est davantage une tradition issue des mariages que de Noël, il n'est pas contre un petit fllip après le repas du réveillon. "Un tiers de cidre doux, un tiers de calva et un tiers de miel. On chauffe jusqu'à ce que ce soit bien chaud, pas bouillant, et on sert dans une petite tasse. Comme un grog, c'est un bon remède. C'est quelque chose que les restaurants devraient reproposer", conclut-il.
Côté digestif, Céline Durchon évoque pour sa part le 44, une recette de calvados chaud. "44 grains de café, 44 cuillères de calva dans une orange que l'on pique 44 fois avec du sucre. On laisse macérer 44 jours avant de le boire". Arf, trop tard pour le Noël de cette année !
Les goublins, ces lutins farceurs
Quant aux traditions du foyer, rares sont ceux ayant entendu parler d'un lutin dénommé Julenisse. "On parlait plutôt du goublin, corrige Rémi Pézeril. C'est un petit lutin qui faisait des bêtises la nuit dans la maison. Il y en a des gentils et des moins gentils". Propulsé par les réseaux sociaux, le rite - qui s'est entre-temps développé aux Etats-Unis - revient en force en France ces dernières années sous l'aspect de lutins farceurs.
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Enfin, pour avoir bien chaud tout au long de la nuit de Noël, nos ancêtres normands prenaient l'habitude du chuquet, utiliser une très grosse bûche de bois pour entretenir le feu de cheminée. "C'était une souche de bois assez grosse pour que l'on retrouve les braises après être allé à la messe de Noël", explique Rémi Pézeril. Par ailleurs, selon une superstition normande, pendant la célébration de la messe de minuit, tous les animaux se mettent à genoux dans l'étable. Est-ce encore le cas ? Il faudrait aller vérifier dans les exploitations agricoles.
Quant aux marchés de Noël, traditionnellement et naturellement associés à l'Alsace, force est de constater qu'ils existent aussi en Normandie. Toutefois leur développement est bien plus récent. Vous trouverez sur cette carte les marchés de la région.
Enfin, en ce qui concerne les bains de mer au matin du 25 décembre, d'intrépides irréductibles perpétuent la tradition. Ils en encourageraient même d'autres à sauter le pas. L'an dernier, 287 courageux ont bravé l'eau à 11°C à Agon-Coutainville. Peut-être pour tester un nouveau maillot de bain découvert sous le sapin...