La nouvelle bande dessinée de Catel et Bocquet est consacrée à Anita Conti, première femme océanographe. Une "bio-graphique" qui retrace le parcours de cette pionnière de l’écologie qui a fini sa vie à Fécamp (Seine-Maritime).
"À Fécamp, on croise partout le fantôme d’Anita Conti, c’est le nom d’un bateau, d’une rue, et même d’un lycée !", c’est de ce constat, à la sortie du confinement de 2020, que commence le travail du scénariste Bocquet et de la dessinatrice Catel sur la première femme française océanographe.
Si Anita Conti est plutôt connue sur le littoral normand, où le couple d’artistes possède une maison, c’est loin d’être le cas partout en France.
Elle a travaillé avec le commandant Cousteau
C’est pour cette raison, qu’Anita Conti est venue compléter la collection "Les Clandestines de l’Histoire" que le duo développe depuis plus de 20 ans chez Casterman.
Reportage de Mélanie Leblanc et Claire Schaffner :

"Anita Conti a travaillé auprès du commandant Cousteau mais elle n'a pas sa notoriété. Il est temps qu’elle reprenne la place qu’elle mérite", affirme Catel.
Première femme sur un chalutier
Elle consacre la première partie de sa carrière à la reliure d'art mais l'appel de la mer est plus fort et Anita Conti décide de sillonner les mers du globe. Elle monte - entre autres - sur le chalutier saleur Bois-Rosé et se rend à Terre-Neuve pour pêcher la morue pendant six mois.
"C’est la première femme à découvrir ce qu’on appelait à l’époque le grand métier", rappelle Bocquet.
Anita Conti revient marquée par cet épisode, elle racontera la dureté de ce travail et dénoncera la surpêche dans son livre "Racleur d’océans" sorti en 1953.
Une pionnière de l’écologie
Dans cet ouvrage, elle alerte également sur les près de 500 kilos de poissons pêchés par mégarde dans les campagnes morutières et rejetés en vain à la mer alors qu’ils pourraient être consommés.
"C’est une pionnière de l’écologie, ses cris d'alerte sont encore d'actualité", précise Catel.
C'est aussi une pionnière dans ses inventions. À la fin des années 1960, Anita Conti, a plus de 65 ans, et invente l’aquaculture en mer en se basant sur les recherches faites sur l’huître.
"Si ce système d’élevage de poisson est un échec industriel, il est la base scientifique de l’aquaculture moderne", explique Bocquet.
En 1993 Anita Conti reçoit la Légion d’honneur pour l’ensemble de son travail mais reste très discrète sur le sujet.
On ne peut que s’attacher à un personnage aussi flamboyant, drôle et incroyablement modeste.
Catel
Une plongée dans les archives
Il a fallu trois ans de travail à Catel et Bocquet pour réaliser cette bande dessinée de plus de 350 pages.
Le couple s’est rendu aux Archives de Lorient, où outre les écrits d’Anita Conti, il a retrouvé près de 10 000 photos prises par l’océanographe lors de ses nombreux voyages.
Les auteurs de bande dessinée ont également pu interroger un matelot qui était sur le Bois-Rosé avec la Fécampoise lors de son expédition à Terre-Neuve.
"On a eu la chance d’être également accompagnés par le fils adoptif d’Anita Conti qui nous a ouvert les chemins du cœur d’Anita", ajoute Bocquet.
Une vie amoureuse romanesque
Un fils adoptif qui était en réalité le compagnon d’Anita Conti lors de ses dix dernières années de vie. Plus jeune, la photographe s’est mariée à un diplomate avec lequel elle n’a jamais eu d’enfant. Un homme avec lequel elle prend de la distance au fil des années, mais dont elle n’a jamais divorcé.
Elle a déjà 87 ans lorsqu’elle rencontre Laurent Girault, illustrateur, dans une soirée parisienne. 56 années les séparent, mais les deux se sont trouvés et partagent un amour pour l’océan.
S’ils ne peuvent se marier, Anita Conti décide de l’adopter et lui demande de faire vivre son œuvre après sa mort.
La dame de la mer décède en 1997, à l’âge de 98 ans. Laurent Girault, devenu Laurent Girault-Conti, a tenu sa promesse.
Il n'a eu de cesse de défendre l'héritage d'Anita Conti, en étant notamment conseiller artistique de l’exposition « Anita Conti, la dame aux semelles de vent » qui s’est achevée le 5 janvier 2025 au musée des Pêcheries de Fécamp, et en ouvrant sa mémoire à Catelet Bocquet pour cette bande dessinée hommage.