En raison du passage de la tempête Darragh, aucun train n'a circulé en Normandie ce week-end des 7 et 8 décembre. Si la décision, prise en vertu du principe de précaution, a été plutôt comprise par les usagers, elle s'ajoute à des problèmes et incidents déjà récurrents ces derniers temps sur les rails normands.
"Il y a toujours des annulations, des retards tout le temps, ça devient insupportable", peste Pierre, devant la gare de Caen. Pour se rendre à Paris ce week-end des 7 et 8 décembre, il avait opté pour le rail. Devant la suspension du trafic durant deux jours à cause du passage de la tempête Darragh, c'est finalement en covoiturage qu'il est contraint de se rendre dans la capitale.
La perte de confiance des usagers du train
"On ne peut même plus faire confiance", enrage-t-il, expliquant qu'il en vient désormais à "essayer de trouver des solutions pour éviter de prendre le train". Même son de cloche pour Elise. Initialement décidée à se rendre en voiture à une formation de plusieurs jours dans l'Est parisien, elle a opté pour le train au dernier moment, mercredi. Une option qu'elle regrette amèrement désormais.
"Non seulement, je ne pourrai pas être avec ma famille dimanche soir, mais je vais devoir payer une chambre d'hôtel à Paris. Lundi matin, je devais emmener mon fils à un rendez-vous médical, c'est mon conjoint qui va devoir s'arranger avec son travail pour pouvoir l'accompagner". Pour sa prochaine session de formation, c'est certain, elle n'hésitera plus entre la route et le rail.
Il y a quinze jours, son mari était resté bloqué à Rouen, deux heures dans une rame qui n'est jamais partie à cause de la neige. "Il y a des évènements fâcheux en termes de climat qui se répètent, ce ne serait pas sérieux d'engager des trains sachant qu'ils pourraient être bloqués en pleine campagne, concède Philippe Denolle, président du Collectif citoyen des axes Sud Normandie (Paris-Granville et Caen-Rennes). Il y a deux semaines, plusieurs centaines de voyageurs ont passé la nuit dans le train entre Cherbourg et Paris, après le passage de la tempête Bert.
Depuis longtemps, c'est connu ! Il faut dégager les bordures de lignes comme c'est fait sur le réseaux routiers mais SNCF Réseau a supprimé énormément de personnels donc ce n'est pas aussi souvent entretenu qu'il le faudrait.
Philippe Denolle, président du Collectif citoyen des axes sud Normandie
Encore, s'il n'y avait que la végétation qui posait problème... Depuis quelques mois, les incidents se répètent et les retards et annulations s'additionnent. Marie raconte son expérience du week-end prolongé du 11 novembre. "Sur mes trajets aller et retour entre Paris et Cherbourg, j'ai été bloquée sur les voies par un accident avec une tractopelle, puis un heurt de sanglier. Je suis arrivé à Paris à 4h30 au lieu de 23h, on nous a juste indiqué la sortie de la gare. Il n'y avait plus de métro, on n'a même pas eu de bons pour prendre un taxi".
Jeudi dernier, le trafic a été interrompu du début d'après-midi jusqu'à 21h40 à cause d'un défaut d'alimentation électrique entre Conches et Serquigny. "Il y a aussi le phénomène des travaux le week-end. Ça a concerné plus de 20 week-ends au total en 2023", fulmine Philippe Denolle, qui regrette la massification des travaux hors semaine.
Des billets de plus en plus chers, des trains moins confortables
Le courroux des usagers se porte aussi sur les tarifs "démentiels" pratiqués. "Un billet Flers-Paris, c'est 63 euros, et ça va prendre 2,3% au 1er janvier", dénonce Philippe Denolle. "Je paie généralement 90 euros pour un aller-retour Caen-Paris. Les tarifs sont très chers, les sièges ne sont pas confortables, le wifi ne marche jamais, il n'y a plus de places pour ranger ses affaires, on doit laisser ses bagages sans surveillance en entrée de wagon...", détaille Thomas, blasé.
À ses côtés, Jacques en rajoute une couche sur les nouvelles rames mises en place ces dernières années. "Entre les sièges rigides et les mouvements du train, je termine toujours les trajets avec la nausée. Les anciennes rames avaient beau être vieilles, elles étaient confortables".
Il y a cinq ans, un train direct ralliait Paris et Caen en 1h47. Aujourd'hui, on est à plus de deux heures. Lorsque le train dessert plusieurs gares, c'est deux heures et quart, autant qu'en voiture et ça coûte plus cher.
François, usagers régulier de la ligne Paris - Caen
Alors que le nombre de trains en circulation dans la région a baissé, que les usagers réguliers ont dénoncé les changements d'horaires des liaisons ces dernières années, la Région Normandie tente de désamorcer la colère. Elle a obtenu de la SNCF le déploiement de 70 trains supplémentaires chaque semaine.
Une fréquentation pourtant en hausse
Parce que, c'est paradoxal, même si de nombreux voyageurs se disent mécontents du service et des problèmes, la fréquentation n'a jamais été aussi haute. Entre 2022 et 2023, elle a augmenté de 6%, et même de 15% par rapport à 2019. Selon la région Normandie, qui a repris la gestion du ferroviaire en 2020, 93 % des trains arrivent à l'heure ou avec moins de cinq minutes de retard. La collectivité affirmait aussi en début d'année que 92% des usagers se déclaraient "satisfaits du service".