Le FC Rouen s’est imposé vendredi 6 décembre face à son rival Quevilly Rouen Métropole (2-0) sur la pelouse du stade Robert Diochon. L’intérêt de cette première confrontation en National se trouvait également dans les gradins. Entre chauvinisme exacerbé et passion du football, retour sur l’ambiance bouillante de ce match historique.
À 19h25, vendredi 6 décembre, l’atmosphère dans le stade Robert-Diochon à Rouen a déjà atteint son paroxysme. Le match ne commence que dans cinq minutes et pourtant l’excitation est déjà présente dans les gradins. La rencontre est historique pour le football rouennais, mais aussi français : les rivaux et voisins, le FC Rouen 1899 et le Quevilly Rouen Métropole, s’affrontent enfin sur la pelouse après presque dix ans d’hostilité.
L’explosion de Diochon sur le but d’Ichem Ferrah 🤯#TeamFCR #Rouen #Normandie pic.twitter.com/xDOmgcjsAD
— FC Rouen 1899 (@fcr1899) December 7, 2024
Résultat d’une fusion ratée en 2015, l’animosité entre les deux clubs, et surtout leurs supporters, a rendu l’enjeu du match plus capital que ce qu’il aurait pu être auparavant : la victoire déterminera à demi-mot qui régnera en maître sur le football rouennais. C’est en tout cas ce que pense la majorité des supporters, et notamment ceux du FC Rouen 1899.
Lorsque le sifflet de l’arbitre retentit dans l’enceinte pour annoncer le début du match, des hurlements d’exaltation se font entendre de toutes parts. La guerre, sportive, pour le titre officieux, vient de débuter et elle s’annonce terrible.
"J’ai pensé à ce match toute la journée au boulot"
Accroché aux barrières de sécurité entourant la pelouse, Dominique est aux aguets. Le secrétaire de mairie de 59 ans scrute chaque mouvement, chaque passe. Il le sait, l’enjeu de la rencontre est de taille et il espère bien que son club de cœur, le FC Rouen 1899, sera à la hauteur du défi.
"J’ai pensé à ce match toute la journée au boulot. Maintenant que le FC est remonté et qu’il s’est relevé, on doit tout donner", raconte-t-il entre deux cris d’encouragement. Supporter du club depuis ses treize ans, il aime l’ambiance de ces rencontres où la foule de supporters porte les joueurs.
Pour Bruno et Jean-Baptiste, 41 et 39 ans, c’est ce même plaisir qui les mène chaque fois au bord du terrain pour soutenir l’équipe rouennaise. "On est un club populaire, chacun peut s’y retrouver et c’est ce que j’adore", confie Bruno, une bière à la main.
Comme pour Dominique, ce rendez-vous était coché sur le calendrier des deux amis depuis plusieurs semaines. Accompagnés de leur famille et amis, dont Eline, Aubin et Adrian, ils n’auraient raté ce match pour rien au monde. "Je viens dans ce stade depuis que je suis tout petit, c’est cool de partager ces moments entre nous", explique Aubin, 19 ans, en souriant.
Un sentiment que semble partager l’ensemble de la foule habillée d’écharpes, maillots et bonnets rouge et blanc. Drapeaux et tambours sortis, le Kop Lenoble, un groupe d’ultras supportant le FC Rouen, assure l’ambiance en chantant à la gloire du club qu’ils admirent.
L’atmosphère bouillante se lit sur chaque visage et la moindre chute de joueur, la moindre faute provoquent des hurlements de tous les côtés des gradins.
Ce soir-là, les fans du FC Rouen ont rempli en nombre le stade tandis que ceux de QRM se font plus discrets avec une centaine de personnes présentes. Toutefois, dans le brouhaha des supporters des Diables Rouges, on distingue les cris de soutien de ceux des Léopards qui ne font pas exception à la règle en hurlant à pleins poumons.
Lorsque la mi-temps arrive après 45 minutes de jeu marquées par des occasions manquées, aucune équipe n’est encore parvenue à se démarquer. La pause reste cependant bienvenue pour les spectateurs qui s’enfoncent sous les gradins pour aller reprendre des forces à la buvette.
Une histoire de partage et de passion
Dans les files d’attente pour commander de quoi manger ou se reprendre une bière, chacun annonce son pronostic. Une victoire du FC Rouen ? Cela n’a fait aucun doute pour tous, mais le score final est discuté. Certains misent sur un seul but victorieux tandis que d’autres rêvent d’un résultat plus élevé.
Accoudée au bar avec ses amis, Nathalie, 66 ans, attend patiemment son verre le sourire aux lèvres. Celle que l’on surnomme "Mamie" dans le Kop Lenoble fait partie de l’âme du FC Rouen. "Ce club, c’est toute ma vie. Je supporte depuis 1970, je venais au stade avec mon père. Maintenant, j’y emmène mes enfants."
Connue de tous, elle assiste à chaque entraînement de l’équipe des Diables et n’hésite pas à les suivre dans tous leurs déplacements. Cette passion, elle la partage aussi avec la nouvelle génération en intégrant et suivant les plus jeunes à l’esprit des supporters du club.
Pour autant, Nathalie est superstitieuse dans l’âme et même si elle est convaincue d’une victoire de son club de cœur, elle ne veut pas se hasarder à donner un pronostic par peur de porter le mauvais œil.
Une remarque qui fait rire Gaëtan, 37 ans, qui connaît bien la fanatique du FC Rouen. "Je ne dirais pas que Nat est une mascotte parce que je n’aime pas ce terme, mais c’est plutôt notre ange gardien. Avec elle, on vit vraiment toutes les émotions du football", raconte-t-il entre deux gorgées.
À la reprise de la seconde mi-temps, l’ambiance est encore plus bouillante : le moment est décisif, l’une des deux équipes doit marquer sa domination sur l’autre. Cette atmosphère se ressent également dans la tribune face à celle du Kop Lenoble, de l’autre côté du terrain.
L’heure de la victoire
Tandis que les supporters de QRM continuent de chanter à tue-tête les hymnes fervents pour leurs joueurs, plusieurs jeunes footballeurs du FC Rouen essayent de leur faire concurrence en poussant de la voix. Ils ont entre douze et quatorze ans et Nabil, Gabin, Ulysse, Noham, Ruben et Mathis n’ont aucune hésitation à affirmer leur soutien à leur club.
"Ce soir, QRM, ce sont nos ennemis et on va les battre, c’est notre stade. On va mettre un doublé vous allez voir", commentent-ils vigoureusement, tous habillés de vestes à l’effigie de leur club.
Un chauvinisme pour les Diables qui est exercé dès le plus jeune âge et qui se ressent lorsque Beres Owusu, joueur de QRM, brise l’attente tangible et marque un but contre son camp. Les gradins du FC Rouen se mettent alors à trembler par la joie explosive des supporters soulagés et heureux de cette ouverture de score.
Une joie qui atteint même Corentin et Ercan, 19 ans, qui gèrent un stand de vente d’articles des Diables sous les gradins.
S’ils ont raté l’action, ils n’en sont pour autant pas moins enjoués : "Ce match, c’est vraiment le match de cette fin d’année. On a déjà plein d’écharpes et de maillots qui sont partis et si on gagne, on risque d’être débordés", avouent en riant les deux jeunes hommes originaires de Caen.
Du côté des supporters de QRM, le climat est quant à lui devenu plus sérieux. Les chants continuent mais la crainte de la défaite est lisible sur chaque visage. Bérénice, Line et Emma, supportrices du club, conservent toutefois quant à elles l’espoir d’un match nul. Un optimisme qui finit par s’assombrir à la 76e minute lorsqu’Ichem Ferrah vient inscrire un deuxième but pour le FC Rouen.
Enveloppées dans leurs manteaux, les trois amies âgées de vingt ans se montrent toutefois fair-play alors que l’issue du match, et la défaite de leur club, devient de plus en plus évidente. "On est d’abord là pour encourager nos joueurs et passer un bon moment. La rivalité entre les deux clubs ce n’est pas vraiment un problème tant que ça ne se transforme pas en violence, au contraire : ça donne plus d’enjeux", expriment-elles unanimement.
Le risque de débordements violents était par ailleurs l’autre enjeu de cette rencontre. Inquiétée par les possibles rixes entre ultras, la préfecture avait mis en place un important dispositif de sécurité avec 70 placiers mobilisés tout au long du match. Des risques qui n’avaient toutefois pas fait reculer les trois supportrices venues d’abord pour profiter de l’ambiance de la rencontre.
Lorsque le coup de sifflet final annonce la fin du match, le verdict est sans appel : le FC Rouen s’est imposé 2 à 0 face à son rival voisin.
Tandis que la joie de la victoire explose dans les gradins remplis de Diables, les supporters des Léopards repartent déçus de l’issue mais en conservant ce qui a rassemblé chaque spectateur ce soir-là, et ce peu importe l’équipe soutenue : un soutien immuable pour leur club de cœur.