Ingénieur et chef d'entreprise bordelais, Stéphane Even, dont le matériel hi-fi "haute-couture" s'exporte jusqu'en Asie, a fait de sa passion une mission : rendre au son ses milliers de nuances dans un monde où la compression numérique règne en maître.
"Sans mon plaisir de mélomane, il n'y aurait rien!", reconnaît l'ingénieur de 45 ans, à la tête depuis 2001 de Neodio, une TPE (Très petite entreprise) bordelaise qui conçoit du matériel d'écoute - amplificateurs, lecteurs de CD - très haute définition. Prix de ce luxe à la française : environ 30.000 euros.
L'idée de départ de l'ingénieur, passé par le groupe Schneider, est simple : donner à ses clients, via des produits technologiques pointus, l'impression "d'inviter dans leur salon, des artistes, vivants ou morts". Et relancer une véritable "culture audiophile" à l'heure où la compression numérique privilégie la mobilité sur la qualité sonore.
Depuis quinze ans, l'ingénieur s'est lancé dans une quête minutieuse du "son parfait", pour lequel il mène des recherches scientifiques incessantes, tant pour les appareils que pour le câblage: combattre les vibrations, composer avec la température, neutraliser
les pollutions toujours plus nombreuses de l'environnement sonore (réseaux électriques, wifi, ondes électromagnétiques...), etc .
Haute-couture
"Stéphane Even casse les règles, il va au-delà de ce que tout le monde admet, dans une logique scientifique empirique", explique Cédric Delage, directeur général de la société FEDD, implantée en Dordogne. Spécialisée dans la très haute technologie pour l'aéronautique (Airbus, Boeing, Dassault), l'entreprise a accepté il y a dix ans de fabriquer les produits de l'ingénieur, attaché "par conviction" au "Made in France"."En parlant de son projet, il avait des étincelles dans les yeux. J'ai compris qu'il était intransigeant avec les détails, voire avec le petit détail", confie Cédric Delage. Il voit chez Stéphane Even une démarche équivalente à celle du "luxe" dans la haute-couture: des soudures rarissimes, un fini remarquable et la "fierté" des équipes de participer à la fabrication de ce type de produits, reconnus, selon Cédric Delage, parmi "les meilleurs du monde".
"Le défi est technique, mais il s'agit d'arriver à de l'émotionnel", explique Stéphane Even. Dans une société où le "son est partout" mais "la culture du son en voie de disparition", il souhaite aussi partager son exigence de l'écoute musicale.
A ce titre, il organise régulièrement des "dégustations sonores" à l'occasion d'événements culturels.
"Lorsque j'ai écouté ce son pour la première fois, sans être mélomane, j'en ai eu des frissons : on n'est pas loin de l'émotion qu'on peut avoir face à une oeuvre d'art", note la galeriste bordelaise Nathalie Lamire Fabre, qui a accueilli les premières "dégustations" où elle a vu le public "surpris et ému".
"On est dans le domaine de l'expérience, comme le vin", assure ce Bordelais d'adoption, grand blond aux yeux noisette. "Il faut former les gens et surtout les jeunes", insiste-t-il, constatant qu'aujourd'hui "les écrans de télévision grossissent et le matériel hi-fi rapetisse".
Mais l'entrepreneur est optimiste : avec une cinquantaine d'appareils vendus par an, il gagne des parts de marché, notamment à Hong Kong. Et fourmille d'idées pour de nouveaux produits, avec en ligne de mire un nouveau défi : trouver l'équilibre entre qualité du son, mobilité et prix accessible.