L’artiste Céline Levain a photographié 17 femmes de la maison d’arrêt d’Angoulême et du centre pénitentiaire de Vivonne. Elle en sort un très beau livre “Captives” en hommage à ces femmes incarcérées.
C'est par hasard qu’est née la rencontre de Céline Levain avec ces femmes détenues. La photographe fait partie d’un collectif d’auteurs illustrateurs sur Angoulême. Au cours d’une réunion, un conseiller Pénitentiaire d’Insertion et de probation (SPIP) se présente. Il est à la recherche d’un intervenant pour des animations culturelles dans les prisons. “Tout de suite, j’ai levé la main, j’avais à cœur de travailler sur la représentation féminine… Je voulais m’emparer du sujet autour de ces femmes”, avoue l’autrice.
Des ateliers d'été inspirants
Durant sept ans, Céline Levain anime des ateliers d’apprentissage à la photographie. Des ateliers de 16 ou 20 heures sur deux semaines durant l’été. Près d’une centaine de femmes auront appris les rudiments de la prise de vues au cours de ces ateliers dans lesquels les femmes se photographient entre elles.
Pour démarrer ces cours en douceur, Céline Levain leur parle de son travail de portraitiste et leur montre quelques portraits. Ensuite, elle leur demande de travailler l’autoportrait pour produire des images d’elles-mêmes. Et c’est tout naturellement au cours de ces ateliers, qu’elle commence à prendre ces femmes en portrait. “Je tournais autour d’elles, je les photographiais, mais j’étais confronté aux murs, aux serrures, aux portes”. Céline Levain a l’idée de dépasser cet environnement qui les enferme. Elle leur demande alors de se décrire dans un paysage. Elle souhaite les ancrer dans des territoires.
Si vous étiez un paysage, lequel seriez-vous ?
Une détenue se raconte sur fond de champ de blé. Beaucoup évoquent des paysages de mers, de montagnes ou de ciels. Des paysages où plane un sentiment d’absolu.
Céline Levain opte pour des tirages assez grands, où il n’apparaît aucune trace de la prison. Le visiteur regarde la femme sans avoir conscience de l'emprisonnement.
L'artiste place ces modèles devant un mur blanc ou gris. La lumière naturelle de la salle des activités de la prison donne un joli modelé, une lumière avec des ombres assez douces. Parfois, il lui arrive de rehausser le portrait avec une lumière au flash.
Les femmes se mettent en scène avec la photographe. Par exemple, une femme pose une petite croix sur sa tête pour évoquer sa spiritualité. Je lui demande alors de fermer les yeux. Un travail de composition s'établit ensemble. Selon la photographe, le portrait, c'est l’image d’un échange entre deux personnes.
Ensuite, Céline Levain imprime ces portraits. Dans ses déplacements professionnels, elle déniche ces paysages qui viennent en complémentarité du portrait. Elle en puise certains dans ces travaux précédents comme par exemple la jungle de Guyane. Une détenue lui avait évoqué la forêt.
Une image de soi réhabilitée
Il existe peu représentations de femmes détenues. "Ce sont des femmes invisibles" pour l'autrice. Pourtant, elles représentent 4 % de la population carcérale. Elles vivent dans des quartiers aménagés, dans des prisons faites pour les hommes.
Au départ, c’est l’idée d’avoir une belle photo d’elle qui les pousse à faire cet atelier. Au cours de l’atelier, “je leur imprime six images d’elles, qu’elles peuvent envoyer à leur famille”. Puis, petit à petit, vient l’idée de garder une trace, de participer à ce projet artistique.
Elles sont assez touchées qu’on parle d’elles et qu’on les montre. Ce travail permet de les aider à tenir l'enfermement.
Céline LevainPhotographe
L'image de soi d’une femme détenue est compliquée, car la prison représente un effondrement de la confiance en soi. L’image que l’on a de soi est souvent dégradée, car elle s’accompagne souvent d'une prise de poids, "on ne bouge plus en prison, on ne se maquille plus". L’idée, c’est d’arriver de les mettre en valeur.
Un vrai travail d’éditeur
Les éditeurs "sur la crète" se sont approprié cette série de photographies. Ils ont utilisé différents types de papiers. Le satiné pour les portraits et le mat pour les paysages et entre les deux, un papier-calque. D'ailleurs, on ne sait pas à qui correspond le paysage. Le livre se trouve dans les bibliothèques des prisons, certaines photos sont exposées dans différentes maisons d’arrêt. Pour le moment, le livre est tiré à 400 exemplaires, il est au prix de 28 euros. Il est dans toutes les principales librairies indépendantes de la région.
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