"Nous suivons des recettes des années 20." Le cirage, un produit de luxe à succès : cette entreprise est une vitrine du savoir-faire à la française

En Charente, en pleine campagne, se développe discrètement le leader mondial du cirage pour chaussures. Avel, avec sa holding Alma, est une entreprise familiale, positionnée sur le luxe. Une société en pleine expansion.

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C’est l’un des représentants de l’excellence à la française, mais beaucoup plus discret qu'Hermès ou LVMH. Il n’y a qu’à regarder les chiffres : 40 millions de chiffres d’affaires en 2023, un résultat multiplié par cinq depuis 2008. Des produits diffusés dans 85 pays. L’export, c’est même 90 % de l’activité de cette entreprise familiale blottie au cœur de la campagne charentaise.

Voici le groupe Alma avec sa maison mère : Avel, le fabricant de cirages pour chaussures. Ensemble, ils sont leaders mondiaux des produits d’entretien du cuir.

Une épopée du cirage lancée par la famille Moura. Au tout départ, il y a Lucien, le grand-père. Émigré russe installé à Paris, résistant pendant la guerre, entrepreneur dans l'âme, il a racheté en 1960 un fabricant de produits d'entretien. Le premier d'une longue série. C’est le fils Alexandre qui crée Avel en 1977 en reprenant les initiales des membres de la famille. La holding Alma suivra en 2001 avec le petit-fils Marc et son nom sera érigé selon la même formule.

Les cirages de l'entreprise Avel s'exportent jusqu'en Asie. © Christophe Guinot / France Télévisions

Des entrepreneurs avec le sens des affaires qui ont racheté des fabricants de cirage ou de produits liés aux chaussures en France et dans le monde. Ils récupèrent les marques et les recettes. Ils les développent, les améliorent. C’est ainsi que la prestigieuse marque Saphir créée en 1920 a poursuivi sa destinée chez Avel après la faillite de ses créateurs.

Et le succès se confirme de rachat en rachat : « Nous respectons la tradition », confie Marc Moura, président du groupe Alma. « Nous avons toujours voulu faire des cirages à l’ancienne. Nous suivons des formules qui datent du début de la société, dans les années 20, à base de produits naturelles. »

Des marques de plus de 100 ans d'âge

« Saphir », la marque iconique de l’entreprise, va fêter ses 105 ans quand les plus anciens cirages ont été créés en 1872. Avel, c'est aujourd'hui 3 000 références. « Nous utilisons 31 qualités de cire différentes et chaque formulation comprend sept qualités de cire », explique Marc Moura. Des cires minérales ou végétales comme la cire de Carnauba : « C’est une cire qui va servir à faire briller et à protéger la surface du cuir. Elle est naturelle et vient d’un arbre du Brésil. C’est une cire de très grande qualité. » Les cirages de l’entreprise peuvent contenir jusqu’à 32 % de ces cires qui en ont fait des produits de luxe.

Avec ses chimistes, l'entreprise Avel développe de nouveaux produits pour l'entretien du cuir. © Christophe Guinot / France Télévisions

D'abord installé dans l'Oise, au nord de paris, le site de production est arrivé en Charente sur la commune de Magnac-Lavalette au sud d’Angoulême en 1986. La famille avait découvert le département en s'achetant une résidence secondaire et s'y est plu.

« Nous y avons aussi trouvé plein d'atouts avec le pôle du luxe qui existe notamment grâce à la filière du cognac. Il correspondait à nos besoins », indique encore Marc Moura. « Et c'est un territoire qui est très bien desservi par les transports. » Le bâtiment de 5 000 m² se révélera trop petit, il faudra l'agrandir en 2016 avec 6 000 m² d’entrepôts logistiques d’où sortaient à l’époque cinq millions de produits. C’est ici qu’Avel développe ses nouveaux produits avec son équipe de chimistes. Trente-sept salariés au total.

L'Espagne, l'Australie, le Japon, les États-Unis

Mais son envolée, Avel le doit vraiment à son expansion vers l'international. Dans les années 80, l'entreprise s'en va chercher des marchés lointains comme les États-Unis ou l'Asie, seul moyen pour se développer quand on refuse de travailler avec la grande distribution. « Nous voulions étendre notre marque la plus haut de gamme, mais nos intervenants achetaient aussi des produits de moyenne gamme chez des concurrents. Plutôt que de créer de toutes pièces un cirage moyenne gamme, nous avons préféré racheter des entreprises déjà installées pour que nos partenaires ne travaillent qu'avec nous. »

Le groupe Alma possède aujourd'hui des filiales en Espagne, en Australie, en Belgique, à Singapour. « Nous croyons beaucoup au "made in France". Notre positionnement haut de gamme a favorisé cette production française. Nous avons décidé de rapatrier à Magnac-Lavalette beaucoup de productions de sociétés étrangères que nous avons rachetées au fil des années et jouer la qualité à base de produits naturels. » Ses principaux concurrents sont les entreprises Famaco et Collonil.

Les produits de l'entreprise Avel ne sont vendus que chez les cordonniers ou les chausseurs. © Christophe Guinot / France Télévisions

Et cette expansion se poursuit. Le site d’Avel en Charente va encore s’agrandir : 4 500 m² supplémentaires vont être construits d'ici à trois ans pour moderniser et rajouter des lignes de production. De l'usine sortent aujourd'hui 1 100 tonnes de produits par an. À l’avenir, la capacité sera multipliée par cinq. « Dans un premier temps, nous augmenterons cette production de 50 %, mais nous dimensionnons l'usine pour les quarante prochaines années. »

Car la famille Moura prépare aujourd'hui la relève. La quatrième génération est sur les rails. Marc Moura a bien l'intention de transmettre l'entreprise un jour à ses deux filles, Katia et Sophia.

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