Le dessinateur Luz s'est vu décerner le Fauve d'or au Festival de la BD d'Angoulême. Au moment de la remise de prix, le dessinateur qui a commencé la bande dessinée après l'attentat de la rédaction de Charlie Hebdo où il travaillait, s'est livré à un discours teinté d'émotion.
Sur la scène de la cérémonie des Fauves d'or, de la 52ᵉ édition du festival de la BD d'Angoulême, le dessinateur Luz ne tient pas en place. Il vient de se voir décerner le Fauve d'or du meilleur album 2025 pour Deux filles nues. Une œuvre racontant la montée du nazisme où le lecteur se retrouve à l'intérieur du tableau du peintre allemand Otto Mueller. Au moment de la remise du prix, le dessinateur, encore très marqué par l'attentat de Charlie Hebdo, raconte comment la bande dessinée l'a aidé à s'en sortir.
"Un tableau, ça ne peut pas détourner le regard de ce qu'il se passe"
Peint en 1919, le tableau dans lequel nous plonge Luz appartient à un collectionneur juif spolié et volé par les nazis. "Je voulais une histoire à l'intérieur d'un tableau, une "safe place". Je m'y sentais bien et j'avais envie de mettre tout le monde dedans, explique Luz. Mais c'est aussi parce qu'un tableau, ça ne peut pas détourner le regard de ce qu'il se passe. Et je voulais raconter l'histoire d'un tableau qui a vu devant lui des histoires tragiques, dramatiques, la montée de l'extrême droite, parfois en arrière-plan et parfois au premier plan."
Un album qui, en dépit de la volonté du dessinateur, a une résonance particulière. "Je finissais l'album en juin et l'extrême droite était là, à nos portes, rappelle-t-il. Je me suis dit que j'avais une grande malédiction : à chaque fois que je fais un bouquin, c'est dans l'actualité, alors que je voulais faire un livre d'histoire.
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La bande dessinée comme remède
Ce fauve d'or est une véritable consécration pour Luz qui s'est lancé dans la bande dessinée, après les évènements tragiques de Charlie Hebdo, où il a vu ses collègues et amis assassinés. "Il y a 10 ans, je n'étais pas un dessinateur de BD. J'étais encore un dessinateur de presse", se souvient-il.
Très marqué par les évènements, il n'avait plus la force de continuer à travailler pour Charlie Hebdo : "Parfois, il arrive des choses surprenantes qui font que tout à coup, vous arrêtez le dessin de presse. Parce qu'à un moment donné, plein de gens disparaissent autour de vous et il faut reconstituer une équipe. Et pour reconstituer une équipe, on dessine."
Au début, ça commence par faire des dessins, parce qu'on a du mal à comprendre le monde, puis le monde nous fait chier, alors on continue à dessiner.
Luz, dessinateur de bande dessinée et lauréat du Fauve d'or du meilleur album 2025
C'est alors qu'il commence la bande dessinée. Un exercice qu'il décrit comme cathartique, symbolisé par Catharsis, son premier album qu'il sort en 2015. "J'ai fait le premier dessin depuis le 36 quai des Orfèvres, révèle Luz. C'était un bonhomme avec des yeux exorbités. Cela représente la sidération. On ne faisait pas les malins il y a 10 ans, on était tous sidérés et on avait du mal à fermer les yeux, à dormir la nuit. Moi, en tout cas."
C'est grâce à la bande dessinée que le dessinateur a commencé à aller mieux, à guérir de la tragédie qu'il a vécue. Sous protection policière renforcée, pour la première fois cette année, Luz a pu de nouveau rencontrer son public. "J'avais le trac avant d'arriver à Angoulême, avoue-t-il. Cela fait 10 ans que je n'avais pas fait de dédicaces. J'avais déjà fait des dédicaces à Angoulême avant cela et il n'y avait personne, et là, il y avait plein de gens."
Mais la présence du dessinateur s'est parfaitement déroulée au festival de la BD d'Angoulême. Dans l'atmosphère du festival, "voir tout le monde, voir les gens et leur boulot, ça m'a donné envie de bosser et ça m'a tellement rendu heureux !" Comme il l'a exprimé à la cérémonie des Fauves d'or, survolté et ému, le dessinateur Luz semble avoir trouvé son salut dans la bande dessinée.