6 mois avec sursis pour la mère, 3 mois avec sursis pour le père. Deux parents reconnus coupables de violence envers quatre de leurs six enfants étaient jugés aujourd'hui en Corrèze.
C'est l'un des enfants âgé de 12 ans qui a dénoncé les faits, en plein confinement. Le 29 avril, Jonathan* envoie un mail à son professeur principal via le logiciel Pronote. "Désolé de vous déranger, mais on en a marre que Patricia* R. nous tape tout le temps, s'il vous plaît faites quelque chose." Un appel à l'aide, où Jonathan désigne sa mère par son nom, qui va être entendu.La mère (37 ans) est interpellée et placée en garde à vue le 4 mai, le père (41 ans) le lendemain. Les six enfants du couple, âgés de 7 à 18 ans sont entendus par les enquêteurs, et livrent tous des récits inquiétants. "Maman nous met souvent des claques, elle s'énerve très vite." "Elle crie beaucoup et me tape assez souvent." "Elle nous traite de petits cons, de mongoliens, d'abrutis ou de crasseux." "Tous les jours j'ai peur qu'elle me tape." "Je ne sais pas si ma mère m'aime, quand on aime quelqu'un on ne le tape pas."
Il est aussi question de "coups de pieds dans les jambes" et de "prise par le cou." Certains enfants présentent des cicatrices et des ecchymoses plus ou moins récentes. La situation est visiblement antérieure au confinement, même si celui-ci n'a rien arrangé. Il semble que le départ du père en janvier dernier l'ait encore envenimée. "C'est pire depuis que mon père n'est plus là pour calmer ma mère", explique l'une des filles du couple aux enquêteurs.
Dans le box, les deux parents mis en cause font profil bas sans se regarder. Le père, cheveux ras et gros muscles, porte un T-shirt de l'UFC (Ultimate Fighting Championship) fort peu opportun dans ces circontances. Il est accusé d'avoir lui aussi frappé ses enfants, parfois au moyen d'une ceinture ("en carton", dira-t-il), d'une brosse ou de gants de boxe. Mais ce passionné d'arts martiaux, ancien éducateur sportif qui travaille comme responsable de secteur dans une usine, dit avoir compris ses erreurs et changé de comportement.
"Mon but n'était pas de leur faire mal, mais de les éduquer. Je voulais leur expliquer que frapper les autres c'était pas un jeu. Je n'aurais pas dû, je regrette et je n'agis plus ainsi. J'ai pris sur moi, je suis apaisé, je redeviens moi-même." Il dit souhaiter un cadre plus stable et sain pour ses enfants, mais reconnaît que depuis son départ "c'est plus compliqué pour mon ex-femme."
En effet celle-ci s'est donc retrouvée confinée avec ses six enfants, ainsi que les compagnons de ses deux filles aînées plus son nouveau partenaire. Soit 10 personnes dans des pièces exiguës, sans compter deux chiens. Les enfants doivent tous accomplir des tâches ménagères, et gare à eux si ce n'est pas bien fait. "Des fois elle nous enferme dans une des chambres avec les chiens du matin jusqu'au soir."
L'air triste et abattu, la mère minimise les gifles. "C'était des claquettes, des shlaquettes, limite un jeu entre nous. On en rigolait juste après." Elle explique avoir subi bien pire étant enfant, de la main de son propre père, "j'étais une enfant battue, j'avais peur de me lever le matin à cause de lui, je ne suis pas allée aussi loin que lui avec mes enfants." Elle reconnaît aussi avoir été dépassée quand elle s'est retrouvée toute seule avec les six enfants. "Je ne suis pas un robot", s'exclame-t-elle les larmes aux yeux.
Violence sur fond de détresse sociale
Entre surendettement, expulsions, déscolarisation ou difficultés d'apprentissage et de comportement des enfants, les services sociaux étaient alertés depuis un moment, constatant également le manque d'hygiène et le peu de vêtements de chacun. Un juge des enfants avait d'ailleurs été saisi en novembre 2019.
Emilie Lasbats, la substitut du procureur, parle d'un "contexte de violences récurrentes incontestables", d'une femme qui a "réponse à tout" et "ne se remet pas en question". Elle réclame 6 mois de prison dont 3 avec sursis à l'encontre de la mère, 5 mois avec sursis pour le père, et une suspension de l'exercice de l'autorité parentale de 12 mois pour les deux.
Jacques Vignal, avocat de la mère, insiste sur "l'immense immaturité" du couple. "La rupture a été un choc dans l'esprit de cette femme, elle n'a pas réussi à se dominer elle-même." Selon lui, elle ne se rendait pas du tout compte de l'interdiction de la "violence éducative ordinaire" représentée par les claques quasi-quotidiennes.
Quant à Virginie Blanchard, avocate du père, elle souligne sa prise de conscience. "Il n'a pas cherché à minimiser ses actes, il a expliqué et reconnu chaque épisode de violence. Ses enfants disent maintenant : Papa aujourd'hui c'est celui qui nous protège."
A la fin des plaidoiries, les deux parents pleurent. "Je ne veux pas perdre mes enfants", sanglote le père. "J'essaye d'être forte, mais là je n'y arrive plus, les gamins c'est toute ma vie", prétend la mère.
Après un court délibéré, le jugement tombe. 6 mois avec sursis probatoire d'une durée de 24 mois, avec obligation de soins et obligation de suivre un stage de responsabilité parentale, plus une suspension de 6 mois de l'autorité parentale pour la mère; 3 mois avec sursis simple pour le père.
Partie civile en tant que représentant ad hoc de quatre des six enfants, le conseil départemental de la Corrèze a obtenu le renvoi sur intérêt civil prévu en septembre 2020.
"Je pourrai les avoir au téléphone ?" C'est sur cette interrogation inquiète de la mère évoquant ses enfants que s'est conclue cette comparution immédiate.
* les prénoms ont été modifiés