Ils sont quatre. Quatre députés de l’ex-Aquitaine à demander au premier ministre la possibilité de rouvrir les restaurants "qui en font la demande", le midi, à partir de fin mars, pour tous les salariés.
Ils ont signé la tribune publiée dans le Journal du Dimanche, portée par Richard Ramos, député MoDem du Loiret. Quatre parlementaires aquitains : deux en Gironde, un en Lot-et-Garonne et un en Dordogne. Tous veulent que les restaurants puissent rouvrir à partir du 30 mars «avec les procédures sanitaires adéquates» au déjeuner, pour ceux qui en font la demande.
Il s’agit de réparer une injustice
Selon eux, beaucoup de salariés qui avaient l’habitude de déjeuner au restaurant se retrouvent depuis plusieurs mois contraints de déjeuner sur le pouce, dans les voitures, dehors, dans les bureaux, dans des lieux inadaptés à la pause méridienne. Aujourd'hui, seuls quelques restaurants ont pu rouvrir pour accueillir les salariés du BTP ou les routiers grâce à des conventions signées avec les préfets.
Jean-Pierre Cubertafon est élu Modem. Le député du Périgord Vert (3ème circonscription de Dordogne) estime qu’il ne faut pas pénaliser une grande partie de la population.
"Ce serait normal que l’on puisse à nouveau rouvrir les restaurants. On les ouvre bien pour les employés du bâtiment alors pourquoi pas les autres avec toutes les précautions nécessaires évidemment !"
Et Olivier Damaisin du Lot-et-Garonne de préciser que les restaurateurs ont toujours joué le jeu et respecté les consignes et les protocoles sanitaires. Le député LREM évoque son propre exemple.
Nous à l’assemblée nationale, on a des restaurants d’entreprise. Les députés et les salariés du palais Bourbon y ont accès dans le respect des gestes barrières. Avant, on était quatre à table, maintenant on est deux, mais si on est capable de le faire, pourquoi d’autres ne le feraient-ils pas ?
Depuis sa permanence de Pujols, Olivier Damaisin rappelle qu’il ne va pas à l’encontre des décisions de sa majorité et qu’il ne s’oppose pas au gouvernement mais qu’il est aussi là pour faire des propositions.
"Je serais député du Nord ou des Alpes-Maritimes, je n’aurais pas signé la tribune au regard de la situation sanitaire dans ces deux départements. Mais chez moi en Lot-et-Garonne, la situation est complètement différente et les restaurants pour ceux qui le peuvent ont besoin de retrouver des clients ! Et puis, il faut aider les gens qui travaillent pour les aider à retrouver une vie la plus normale possible"
On ne peut pas aller d’un confinement à un autre en liberté surveillée
Depuis le 30 octobre 2020, les bars, les cafés et les restaurants sont fermés. Seule une activité de vente à emporter leur est permise. Mais tous ne peuvent pas le faire précise Jean-Pierre Cubertafon. "Certains chez moi en Dordogne n’en ont pas les moyens. Ils ne le peuvent pas. Ce n’est pas si simple à mettre en place." L’élu sait que ce plaidoyer en faveur d’une réouverture intervient dans un contexte sanitaire difficile au moment où le gouvernement redoute une explosion du nombre de contaminations au Covid-19 et envisage un nouveau tour de vis dans 20 départements.
Mais, comme son confrère du Lot-et-Garonne, il réclame du sur mesure au cas par cas. "Dans ma circonscription, il y en a qui n’en peuvent plus et qui ont besoin de rouvrir. Les gens commencent à s’impatienter."
Loïc Prud'homme, a lui aussi, signé la tribune. Et pour lui cette question est emblématique. Le député, La France insoumise de Gironde, ne voit pas d’autres solutions que de réapprendre à vivre en tenant compte de cette situation sanitaire particulière " qui perdure et va sûrement se répéter à l’avenir".
Pour le parlementaire, " Il faut adapter les jauges de ces lieux. Il faut rouvrir avec des protocoles sanitaires, s'organiser pour que la vie puisse reprendre".
Autre argument avancé : la situation financière de certains, avec les risques de dépôts de bilan et la crainte de la pénurie de main-d’œuvre dans la filière. "Ceux qui travaillaient dans ces établissements sont à présent en intérim dans d'autres secteurs. Beaucoup d'entre eux ne souhaitent pas retourner travailler dans la restauration. Il faut donc rapidement rouvrir ces lieux, même de façon partielle, pour ne pas perdre ceux qui auraient encore l'envie de travailler dans les restaurants", affirment les signataires.
Nicolas de la Barre gère le restaurant taiwanais Oomji à Bordeaux. Le jeune homme aimerait entrevoir le bout du tunnel. Il affirme ne pas pouvoir se contenter indéfiniment de la vente à emporter même si elle lui permet de limiter les dégâts en réalisant 30% du chiffre d’affaires.
"On pourrait revoir nos clients, passer du temps avec eux, donner à nouveau du plaisir." Lui qui peut accueillir 16 personnes dans son établissement aimerait pouvoir y croire, mais il rappelle que pour le moment, la profession n’a aucune information en ce sens.
Fausse bonne idée si …
Laurent Tournier préside le syndicat professionnel des restaurateurs et hôteliers de Gironde (UMIH 33). Le patron de la filière apprécie le soutien des députés mais veut rester prudent et émet de réserves.
"C’est une fausse bonne idée si elle n’est pas accompagnée d’un dispositif qui nous permette de pouvoir ouvrir avec la moitié des tables. La moitié du temps, très honnêtement, on ne pourra pas vivre qu’avec notre simple chiffre d’affaires généré par cette situation"
Et de souligner le modèle économique de la majorité des établissements : sept jours sur sept et 12 heures sur 24 : le syndicat estime que le fonds de solidarité doit être réadapté, réaménagé. "Réouvrir par étape pourquoi pas mais avec un accompagnement".
Pour Laurent Tournier, le plan de relance décrété par le gouvernement doit davantage prendre en compte la reprise des activités progressives. Il appelle à une baisse de la TVA ou des charges qui permettraient de reprendre dans de bonnes conditions.
La réouverture des restaurants à midi : bonne ou mauvaise idée? le reportage à Bordeaux de Thibault Grouhel et Jean Michel Litivine