À partir de ce jeudi 23 janvier et pendant quatre jours, la cour d'assises de Périgueux, en Dordogne, va devoir juger une jeune femme de 22 ans, accusée d'infanticide sur un nourrisson dont elle venait d'accoucher dans la gare de Bergerac en avril 2022.
Dans le box des accusés, elle apparaît le dos voûté, fragilisé par une scoliose dont elle souffre depuis plusieurs années. Son jeune âge résonne au travers de sa voix fluette. Son avocat, lui, parle d'une personne "discrète", "contenue". "Je reconnais ce que j'ai fait. J'ai compris, grâce à la prison, que ce que j'ai commis, c'est un crime", affirme-t-elle, chétive, face à la présidente lors de sa première prise de parole. Pendant quatre jours, à compter de ce jeudi 23 janvier, l'accusée de 22 ans sera entendue par la cour d'assises de Périgueux, pour le meurtre de son nourrisson dont elle venait d'accoucher, trois ans plus tôt.
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Accouchement seule
Le 29 avril 2022, une femme de ménage chargée de nettoyer des traces de sang dans les toilettes de la gare de Bergerac, découvre le corps sans vie d'un nourrisson dans la cuvette des WC, à peine recouvert de papier toilette. Sur place, les forces de l'ordre découvriront par la suite des restes de placenta, du sang et un cordon ombilical coupé, attestant que l'enfant venait de naître peu avant les faits.
Malgré le rappel glaçant des faits, l'accusée reste impassible, le regard vide. Son avocat, maître Reda Hammouche, y voit plutôt de la discrétion, de la pudeur. "Je sais que c'est un torrent d'émotion qui l'habite et c'est éprouvant pour elle de revenir sur ces faits qui sont dramatiques." Qu'est-ce qui a mené la jeune femme à commettre un tel acte, était-elle dans un déni de maternité ou avait-elle la volonté de tuer son nourrisson ?
"Une enfant dans un corps de femme"
Malgré ses différentes prises de parole, difficile d'arriver à cerner la jeune femme. Dans leur analyse psychiatrique, les experts la décrivent comme quelqu'un d'immature, d'influençable et de vulnérable. Sur les faits, elle change d'ailleurs de versions plusieurs fois, faisant évoluer ses explications selon les interlocuteurs. "Son rapport au mensonge est un rapport enfantin, elle ment parfois sur des choses qui n'ont aucun intérêt, elle ment parce que la présentation de la réalité qu'elle fait est sûrement plus réconfortante", avance son avocat.
Maintenant, elle est extrêmement sincère quand elle reconnaît les faits, quand elle dit qu'elle en souffre et je crois que c'est l'essentiel.
Maître Reda HammoucheAvocat de la défense
Âgée seulement de 19 ans au moment des faits, elle est décrite par sa mère comme une enfant "dans un corps de femme". Nathalie Bost raconte avoir subi un viol de la part de son père, des attouchements sexuels et de la violence répétée. Avec ses parents, elle parle d'ailleurs d'une relation sans amour : "Je pense que j’aurais aimé avoir les câlins, les bisous et les 'je t’aime' que je n’ai jamais eu de la part de mes parents. J’ai l’impression que je suis une enfant rejetée."
Son compagnon était-il au courant de sa grossesse ?
Malgré ses mensonges, les experts la jugent incapable d’être une meneuse et d’avoir une emprise quelconque sur son ex-compagnon au moment des faits, lui aussi poursuivi pour "abstention volontaire d’empêcher un crime et non-assistance à mineur de 15 ans en danger". Selon lui, bien que présent devant les toilettes au moment des faits, il n'aurait pas été au courant de la scène qui s'y déroulait.
S'il comparaît libre lors du procès, il semble néanmoins plus nerveux, sanglotant, la jambe tremblante sur le blanc lors du rappel des faits. Lorsque la présidente lui donne la parole, il dit reconnaître les faits reprochés avant d’ajouter : "je suis allé au cimetière voir mon fils, personne n’y est allé, à part moi." Pour l'accusée, son compagnon, déjà père de trois enfants au moment des faits, "ne voulait plus d’enfants", d’où le fait qu’elle ne l’ait pas informé de sa grossesse, dira-t-elle pendant l’instruction.
La question du déni au cœur du débat
Sa grossesse, elle-même ne la suivait pas, s'en cachait en utilisant sa scoliose comme prétexte pour la masquer à son entourage, elle qui était surnommée plus jeune par son entourage "cocotte-minute "ou "Bossu de Notre-Dame". La question du déni de grossesse est au cœur des débats. Les experts entendus au premier jour du procès répondent qu’un déni intervient immédiatement au début de la grossesse, et non pas en cours, d’autant qu’il était "évident physiquement qu’elle était enceinte". Dans la salle d'audience, des images de vidéosurveillance de la pharmacie de Bergerac sont diffusées : celle-ci y apparaît le ventre arrondi, aux côtés de son conjoint.
Je ne sais pas si la cour estimera qu'on est dans le déni au sens pathologique, scientifiques du terme Mais je sais qu'il y a son déni à elle, et celui-là il ne fait aucun doute pour moi.
Maître Reda Hammoucheavocat de la défense
A ce jour, personne ne s’est constitué partie civile, comme il est souvent d’usage lors de procès d’infanticide où des associations de protections de l’enfance interviennent régulièrement. L'accusée encourt la réclusion criminelle à perpétuité pour "meurtre sur mineure de moins de 15 ans". Lui, une peine de sept ans d’emprisonnement pour non-empêchement de meurtre et non-assistance.