La jeune pâtissière, lyonnaise d'origine, fait partie des quatre seules femmes désignées sur les 18 nouveaux responsables de maisons de Compagnons en France. C'est la première femme à occuper ce poste à Chancelade, près de Périgueux
Haut lieu de tradition, la maison des Compagnons du Devoir et du Tour de France de Périgueux connait une petite révolution depuis le mois d'août dernier. C'est une jeune femme qui y occupe désormais le poste de prévôt. Rien à voir avec le fonctionnaire de justice du roi, responsable des finances, de l'administration et de l'ordre public. Le prévôt, pour les 65 maisons des compagnons du Devoir et du Tour de France, c'est son représentant, son intendant, son responsable.
La charge du prévôt
Le poste était occupé jusqu'alors par un compagnon charpentier, Alexandre Gabard. Et c'est une "compagnon" ou compagnonne pâtissière, Alison Delcroix, qui lui a succédé. Il s'agit d'une première, du moins à Chancelade.
La responsabilité n'est pas mince : dans ce centre, 300 jeunes sont en formation et 70 itinérants, y transitent chaque année. Les plus jeunes, en CAP, n'ont que 15 ans. Le prévôt se doit d'accueillir ces jeunes, de leur permettre de réaliser leur parcours d'apprentissage dans les meilleures conditions possibles. Il est aussi en charge de l'animation de la structure et des équipes et de la gestion des formations.
Ultime formation
Alison voit là une occasion de développer ses compétences en encadrement et en conduite d'équipe. Ce poste, elle va l'occuper pendant trois ans. Auparavant, elle a, elle aussi, suivi le parcours de formation qui l'a amenée d'un bac général au CAP de pâtisserie, puis d'étape en étape, à travers un tour de France et un passage en Amérique du Sud, à être confirmée comme Compagnon.
Cette mission est la dernière qu'elle doit effectuer avant de commencer réellement sa carrière professionnelle indépendante.
J'ai l'impression de revenir en apprentissage comme quand j'étais en CAP de pâtisserie. Je sortais de l'école et je suis arrivée dans un monde que je ne connaissais pas.
Alison DelcroixPrévôt de la Maison des compagnons de Chancelade
L'expérience est d'autant plus formatrice qu'il n'y a pas de filière métiers de bouches dans le centre de Chancelade. Alison va donc devoir encadrer des couvreurs, des charpentiers, des plombiers. Et dans les rangs, il n'y a que trois filles en formation à l'année. Mais peu importe la filière et les élèves, les valeurs sont toujours les mêmes : la rigueur, le sens du travail bien réalisé, le respect de soi et des autres, et l'entraide. Des principes de savoir-faire et de savoir-être.
Le sujet France 3 Périgords - Vanessa Fize & Florian Rouliès

Je ne me suis jamais dit : "tu es une femme, tu ne pourras pas faire ça". Alors du coup, j'ai du mal à me mettre dans la tête d'autres jeunes filles. C'est une question à laquelle je n'ai jamais vraiment réfléchi, mais qu'on me pose de plus en plus cette année.
Alison DelcroixPrévôt à Chancelade
Concernant le genre, alors qu'Alison est la première femme à occuper ce poste ici, la question ne se pose même pas selon elle. "Il n'y a plus d'importance. Il y en a eu pendant très longtemps, mais aujourd'hui, il n'y en a plus. Et il ne doit pas y en avoir en fait, parce que je pense que les femmes, en arrivant chez les Compagnons, on a apporté quelque chose de nouveau qu'ils n'avaient pas avant, et c'est sans doute pour cela que ça fonctionne. " La première femme officiellement acceptée en compagnonnage ne l'a été qu'en 2006.
Il est impensable qu'au XXIe siècle il y ait une école ou une association qui soit faite avec l'interdiction des femmes.
Alison DelcroixPrévôt Compagnons du Devoir de Chancelade
Compagnonne à vie
Ce poste, Alison l'occupe sans stress excessif, en sachant pourquoi elle a choisi le compagnonnage. Une prise de conscience qu'elle a eue à son retour d'Argentine. "À ce moment-là, je me suis dit : tu as 21 ans, tu vas finir les compagnons et ça va faire tard. Il y a des gens qui ont déjà des enfants, ils ont déjà une situation familiale. Tu n'auras pas ça, tu n'auras même pas une maison, ni d'appartement, rien du tout. J'ai réfléchi et je me suis dit : par contre, je vais commencer sur des vraies bonnes bases et les Compagnons, ça va me suivre, ça fait partie de moi. Je me suis rendu compte que je ne pourrais pas m'imaginer sans ce côté compagnonnique dans ma vie." Des bases, des valeurs et des connaissances qui l'accompagneront quand elle quittera Chancelade pour exercer pleinement son métier.