Kevin Fermine, tout juste 30 ans et atteint d'une maladie qui l'oblige à se déplacer en fauteuil roulant, accuse la SNCF de discrimination. Il lui est impossible d'accéder aux toilettes lors de ses nombreux déplacements en train. Il a déjà dû s'uriner dessus.
"La SNCF nous fait voyager dans des conditions inhumaines" martèle Kevin Fermine.
Ce trentenaire toulousain se bat depuis près de six ans pour la reconnaissance de ses droits. Il veut dénoncer, haut et fort, les conditions jugées "indignes" dans lesquelles sont contraintes de voyager les personnes qui, comme lui, sont en situation de handicap.
"Avec mon fauteuil roulant, je suis placé à côté des bagages, en plein milieu de l'allée centrale, les passagers sont obligés de m'enjamber, je suis vraiment considéré comme de la marchandise, c'est totalement dégradant"
dénonce t-il.
Sans compter qu'il lui est impossible d'utiliser les toilettes, situées "à l'étage ou dans des wagons qui ne me sont pas accessibles". Il avoue s'être déjà "uriné dessus", ne pouvant plus se retenir.
Matériel non accessible, pas de personnel d'assistance
Sa plainte contre la SNCF remonte à 2016.
Après une défaite en première instance, une victoire en appel et une nouvelle défaite en cassation, voilà aujourd'hui l'affaire renvoyée une nouvelle fois en appel, à Bordeaux.
RDV ce vendredi 08 octobre, aux alentours de 8h00, où je tiendrai une conférence de presse, en présence de mon avocat, @MeNakache , devant la Cour d'appel de Bordeaux pic.twitter.com/jXtz5L595x
— Kévin Fermine (@kevin_fermine) October 4, 2021
C'est cette 4e audience qui s'est tenue ce vendredi matin.
"Il y a deux volets dans cette affaire" explique l'avocat de Kevin, Me Pascal Nakache, "l'accessibilité et l'assistance aux personnes. L'accessibilité c'est le matériel qui doit être adapté. Pour cela la Cour de cassation a estimé que la SNCF avait un délai pour se mettre en conformité. En revanche pour l'assistance, l'aide humaine, elle a affirmé qu'elle s'impose immédiatement".
L'avocat a tenté, ce matin, de convaincre les juges que"le bouton d'appel" destiné aux personnes en situation de handicap ne suffit pas. "Il n'y a pas de personnel réellement affecté, ce sont les contrôleurs qui sont censés porter assistance mais naturellement ils ont autre chose à faire".
Des milliers de personnes susceptibles d'attaquer la SNCF en cas de jurisprudence
En ce qui concerne le matériel, la SNCF a encore trois ans pour l'adapter et le rendre accessible.
"Mais 2024 c'est demain ! Elle va certainement demander un nouveau délai" redoute Kevin qui voit les années passer et rien n'évoluer alors que la loi sur l'accessibilité universelle remonte à plus de 15 ans.
"C'est aberrant, on parle d'une loi de 2005 quand même. Elle devait rendre accessible tous les lieux publics en janvier 2015 ! En 2021 on en est très loin. Mais qu'est-ce que fait la France ? Elle prône les Droits de l'Homme mais elle ne les respecte pas"
dénonce le jeune homme.
Il assure que les dommages et intérêts ne sont pas sa priorité dans cette affaire. "Même un euro symbolique, ce n'est pas l'objet principal. Ce que je veux c'est qu'on reconnaisse mon statut de victime et surtout surtout que les choses changent. Il y a urgence".
Me Nakache espère un jugement favorable qui "fera jurisprudence et fera en sorte que des millions de personnes en situation de handicap comme Kevin puissent voyager normalement.
L'accès aux toilettes ce n'est quand même pas un luxe quand on prend le train en France".
Mais l'affaire risque de durer encore plusieurs mois voire plusieurs années.
"Il y aura certainement un nouveau pourvoi en cassation" reconnaît Kevin, "que ce soit de mon côté ou du côté de la SNCF. Parce qu'elle ne va pas se laisser condamner. Elle a trop à perdre. D'autres personnes qui vivent l'humiliation comme moi pourraient l'attaquer".
La SNCF n'a pas souhaité réagir.
Les juges bordelais ont décidé de se donner du temps pour trancher. Ils ont mis leur jugement en délibéré. Il devrait être rendu autour du 10 décembre.
Regardez le reportage de Nicolas Fleury et Taliane Elobo :