Un couple et ses "hommes de main" seront jugés pour traite des êtres humains et travail dissimulé en février prochain à Bordeaux. En échange de 12 000 euros, ce réseau bien organisé recrutait des saisonniers au Maroc pour travailler dans le Lot-et-Garonne, où ils vivaient dans des conditions indignes et sous la menace.
Leurs patrons leur avaient promis un emploi bien rémunéré, un logement et des papiers pour faire venir leur famille en France. Ces travailleurs originaires du Maroc ont subi un calvaire. Pendant plusieurs semaines, ils ont vécu sous la coupe d'un couple originaire de Campes, près de Bordeaux. Menacés, maltraités, forcés à travailler, leur santé mentale et physique s'est dégradée.
Des conditions d'hébergement indignes
Au total, 22 d'entre eux ont déposé plainte contre Amal N. et Chahib B. en fin d'année 2023. Les enquêteurs de la brigade de recherches de Bouliac ont découvert un réseau bien organisé s'apparentant à de la traite d'êtres humains auquel participait toute une famille. "À la tête d’un groupe familial très structuré et craint par les victimes, le couple était aidé par des intermédiaires, et notamment des membres de leur famille", décrit le parquet de Bordeaux.
Une fois débarquées à l'aéroport de Bordeaux-Mérignac, les victimes étaient immédiatement conduites dans le Lot-et-Garonne. Elles étaient logées dans des habitations insalubres et exiguës où les employés étaient contraints de vivre à plusieurs. La literie, sommaire, était souvent démunie de draps propres et posée directement sur le sol. Les locaux présentaient des risques sanitaires liés à la présence de moisissures, d'absence d'aération et de chauffage.
Menaces sur les familles restées au Maroc
Les deux tenanciers avaient garanti qu'ils s'occuperaient des demandes d'autorisation de travail auprès de l'OFII du Maroc. En échange de ces services, qu'ils n'ont en réalité jamais effectués, ils demandaient à leurs saisonniers de verser la somme de 12 000 euros à leur arrivée en France.
Le couple les obligeait de surcroît à payer les frais de carburant et d’autoroute pour se rendre sur les lieux d’emplois, ainsi qu’un loyer, non prévu dans le contrat de départ.
Frédérique PorterieProcureur de la République de Bordeaux
Si les travailleurs se rebellaient en refusant de travailler, de payer les frais de carburant ou le loyer, les employeurs menaçaient alors de s'en prendre à leurs familles restées au Maroc. Les frères de Chahid I. étaient les trois "hommes de main" du couple. Lors de leur garde à vue, ces derniers ont reconnu les faits dénoncés par les victimes. Ils ont depuis été placés sous contrôle judiciaire. Amal N. et Chahid I. ont été placés en détention provisoire, ce jeudi 12 décembre.
Sept ans de prison encourus
Tous les cinq seront jugés au tribunal correctionnel le 10 février 2025 pour des faits de traite d’êtres humains, travail dissimulé et emploi d’un salarié étranger démuni d’autorisation de travail. La traite des êtres humains, à l'égard d'une personne majeure, est punie de sept ans d'emprisonnement et de 150 000 € d'amende.
Selon un rapport du ministère de l'Intérieur publié en octobre, le nombre de victimes de traite ou d’exploitation des êtres humains enregistrées par les autorités serait en légère hausse, de 6 % en 2023 par rapport à l'année précédente. En 2022, 880 personnes ont été condamnées pour au moins une infraction du champ de la traite ou de l’exploitation des êtres humains. Dans plus de 80 % des cas, il s'agissait de proxénétisme. Sur l’année 2023, 49 victimes d’exploitation par le travail ont été identifiées par l’inspection du travail, principalement dans les secteurs de l’agriculture, du bâtiment et travaux publics (BTP) ou de l’hôtellerie-restauration.