Le basket-ball n'est pas épargné par les incivilités de bord de terrain. Cris, insultes et même agressions se multiplient dans le basket amateur. Le comité de basket de la Gironde réagit fortement : les matchs des 18 et 19 janvier se joueront à huis clos dans le département.
C'est une situation de plus en plus fréquente les week-ends. Alors que leurs enfants jouent leur match de basket sur le terrain, les parents s'invitent, eux aussi, mais pour jouer à un autre jeu : invectiver, insulter et même menacer les arbitres et les bénévoles à la table de marque.
Les incivilités se multiplient et le comité départemental de basket de Gironde réagit. "32 % des dossiers disciplinaires sont engendrés par des comportements inappropriés dans les tribunes, notamment des parents", alerte-t-il. En conséquence, il vient de prendre une décision peu commune : ces 18 et 19 janvier, les matches se joueront à huis clos, devant des tribunes vides.
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Deux dossiers déposés en cinq mois d'arbitrage
"J’ai eu un incident à Bordeaux pendant un match et j'ai dû faire un dossier auprès de la commission de discipline". Harcelée en plein match par un père qui s'était mis à sa hauteur pour commenter toutes ses actions, cette toute jeune arbitre qui reste anonyme, a l'impression d'en avoir déjà vu beaucoup. "J'ai déjà deux dossiers auprès de la commission de discipline", explique-t-elle.
Encore lycéenne, elle ne se laisse pourtant pas impressionner, et sait prendre du recul sur la situation.
Ce qui est surprenant c’est que j’ai déjà vu a peu près toutes les situations, alors que ça ne fait que depuis septembre que j’arbitre.
Une lycéenneArbitre depuis 5 mois
Elle, qui refuse de se laisser atteindre par les injures, le reconnaît : "ce qui peut me mettre mal, c’est le public qui sort de sa zone pendant le match". De trop nombreux parents refusent de rester à leur place de simple spectateur.
"Ma fille a même été suivie en dehors du terrain "
Célia est mère de deux enfants, qui ont choisi le basket. Sa fille aînée arbitre des matchs sur son temps libre, elle a commencé par des petits clubs au mois de juin. Une situation qui ne rassure pas Célia.
Elle, qui a fait du tennis à haut niveau et a arbitré des matchs au niveau national et à l'international, est atterrée par le comportement lors des matchs de baskets. Elle aussi met en cause les parents, "souvent dans les petites catégories de U11 à U15". "Au lieu de râler et de sortir, ils s’adressent directement à l’arbitre. J’ai vu des parents aller sur le terrain au quart-temps et mi-temps et aller voir l’arbitre", déplore la mère de famille. Ma fille a même été suivie en dehors du terrain après le match".
À titre d'exemple, elle cite les insultes hurlées à l'encontre de sa fille de 15 ans pendant un match de joueurs âgés de moins de 13 ans.
Il faut que tu arrêtes d’arbitrer, tu es vraiment nulle à chier !
CeliaMère d'arbitre et ancienne bénévole
"Ces situations d'incivilités, on les a vécues"
Au club de Basket de Lormont, le président, Jonathan Deswarte, observe monter la violence depuis huit ans. Le responsable de club, qui va jusqu'à parler de "fléau" et d'accélération ces quatre dernières années, déplore essentiellement le comportement des parents de jeunes joueurs. Comme Célia, il observe les incivilités principalement lors des matchs de mineurs en bas âges. Lui, cible tout particulièrement certains pères.
Ils pensent que leur enfant de 9 ans est en Pro B
Jonathan DeswartePrésident du CLL Lormont Basket
"Après une mauvaise décision d'arbitrage, un mauvais coaching ou du temps de jeu pas accordé à l'enfant, le papa va s'en prendre à l'arbitre ou aux bénévoles", regrette-t-il. Jonathan Deswarte s'estime toutefois extrêmement chanceux d'avoir eu les bons bénévoles, aux bons moments, pour gérer de vraies difficultés en tribunes.
"Ces situations d'incivilités, on les a vécues, on les a gérées, raconte-t-il. J'ai déjà eu des bénévoles qui ont appelé les forces de l'ordre". D'où l'importance pour ces derniers d'avoir acquis suffisamment d'expérience et de tempérament.
Pour éviter que les situations ne dégénèrent et anticiper au mieux les débordements, le Président a pris l'habitude chaque début de saison d'avertir les parents sur les risques d'amendes en matière d'incivilité en bord de terrain. Un petit laïus qui, selon lui, refroidit les ardeurs.
Ouvrir sa bouche sur le terrain, ça peut coûter 300 et quelques euros.
Jonathan DeswartePrésident du CLL Lormont Basket
Une violence contagieuse
Découragés, de nombreux bénévoles manquent à l'appel et ne sont pas là pour rappeler les règles aux parents. Et ceux qui les remplacent en catastrophe pour combler les manques dans les rencontres, sont moins bien formés. C'est ainsi que la tension se propage, explique le Président de club. Et cette situation ne va pas en s'arrangeant, bien au contraire.
Une analyse que partage Célia, qui a elle-même abandonné son engagement à la table de marque et à la gestion d'une salle de match. La dernière fois qu'elle a donné ses heures pour le club, le coach montait en pression contre ses filles pendant tout le match, et avec moi, il a pété un câble", se souvient-elle. Trop souvent, ces entraîneurs, eux aussi bénévoles, ne montrent pas le bon exemple.
Au lieu d’être offensifs, ils vont être agressifs.
CéliaMère d'arbitre et ancienne bénévole
Une semaine pour réfléchir aux incivilités
C'est dans cette idée "que tout le monde réfléchisse au sujet ", que le président de comité de basket de Gironde a organisé l'opération coup de poing de ce week-end, mais également une semaine entière de sensibilisation, à l'attention des 13 500 licenciés du département.
"Sur les trois premiers mois de compétition, nous avons vu une forte remontée des incivilités en nombre et des incidents un peu plus marquants, comme un envahissement de terrain", détaille Jean-Luc Dubos, le président du comité départemental.
Ces faits demeurent mineurs, mais sont en forte progression.
Jean-Luc DubosPrésident du comité de Basket de Gironde
"Ce qui a toujours fait le sel d’une salle de basket, c’est qu’il y a de l’ambiance", insiste le responsable de la commission départementale, espérant que celle-ci ne se ternisse pas.
Trois parents autorisés
Ce week-end, le club du Bouscat doit jouer un match en déplacement à Libourne. "C'était compliqué de dire aux parents, vous amenez vos gamins et puis vous restez dehors.", explique Gilles Gombeau, président du club. Pour éviter que les parents volontaires attendent dans la voiture, après avoir organisé le déplacement, ils seront les seuls autorisés en tribune.
On autorise tout de même trois parents à rentrer.
Gilles GombeauPrésident de l'US Bouscat Basket
Car comme le précise le président de club, "si vous remplissez trois voitures, vous avez toute l'équipe". De fait, la compétition ne s'arrête pas avec cette mesure, prise avant tout pour marquer les esprits.