L'appel à l'union des forces de gauche est lancé, avec les législatives en ligne de mire. En Gironde, les discussions et négociations ont commencé avec un objectif : obtenir une majorité à gauche dans l'hémicycle.
C'est en train de prendre forme. Partout en France, les forces de gauche se posent la question d'une union en vue des législatives. Ce mardi 19 avril, le leader de la France insoumise Jean-Luc Mélenchon a donné le ton : "Ne cultivez pas les rancœurs. Pas de règlement de compte, pas de vengeance, pas d'acrimonie. Rassemblez-vous", a-t-il lancé lors d'une interview sur BFM TV, avant de demander aux Français "de l'élire Premier ministre". Une façon de rappeler que les électeurs de gauche peuvent toujours voter pour leurs représentants aux législatives et faire basculer l'Assemblée nationale.
Vers une union de la gauche girondine
En Gironde, le président socialiste du Conseil départemental Jean-Luc Gleyze, a lui aussi lancé un appel à "l'alliance dans l'action", soit un appel à toutes les forces de gauche, sans exception. "J'ai proposé l'union de toutes les forces de gauche et écologistes du département, donc bien évidemment la France insoumise en fait partie, au même titre que le parti communiste, Europe écologie les Verts ou le parti socialiste", précise l'élu socialiste au micro de France 3 Aquitaine.
La France Insoumise semble être sur la même perspective. Dans un communiqué , la section girondine de LFI a rappelé sa volonté "de prendre sa part dans la construction d'une majorité parlementaire actuellement en discussion nationalement", avant de nuancer : "Toute volonté de rassemblement de la gauche et de l’écologie, affichée ces derniers jours par celles et ceux ayant refusé localement nos mains tendues lors des 3 derniers scrutins, ne peut être crédible que si elle se fait sur la base de valeurs partagées, et non pas de sauve-qui-peut pour des places."
" Pour l'instant, nous sommes sur des discussions de principe, explique le député girondin Loïc Prud'homme. Nous ne devons pas être ambigus, ni opaques vis à vis des électeurs".
Il ne peut pas s'agir d'une union de circonstance : on ne peut pas s'unir juste pour la photo. Si on leur fait une tambouille politique, on va juste renforcer l'abstention et la défiance des électeurs envers les politiques.
Loïc Prud'homme, député LFI de GirondeSource : France 3 Aquitaine
Un contre-pouvoir à l'Assemblée
Comment expliquer qu'une union de la gauche, pourtant demandée de longue date par les électeurs, soit soudainement envisageable ? "Il faut poser la question à tous ceux à qui on a tendu la main à l'occasion des municipales. A ceux qui ont refusé une alliance pour les cantonales ou les régionales rétorque Loïc Prud'homme. Nous, à la France insoumise, n'avons jamais abandonné l'idée d'un grand pôle populaire de gauche".
De son côté, le président du Conseil départemental évoque un contexte différent : "A l'époque, notre regard portait sur les cantons, et les exigences des différents partenaires n'étaient pas toujours compatibles. Et puis, ce qui change, c'est que le vote de la présidentielle ne sera pas un vote d'adhésion et de confiance mais un vote pour lutter contre l'extrême-droite"
Il faudra donc un contre-pouvoir fort à l'Assemblée nationale, parce que nous aurons à critiquer probablement le programme du président Macron s'il est réélu. Et à ce titre, il faut être nombreux dans l'hémicycle, à gauche, pour exprimer ce contre-pouvoir.
Jean-Luc Gleyze, président du Conseil départemental de la GirondeSource : France 3 Aquitaine
Un Pacte d'union
En Gironde, sur les 12 circonscriptions du département, 9 sont aux mains des députés LaREM. Pas de quoi inquiéter les forces de gauche. "La vague des députés LaREM avait eu lieu sur une imposture "ni droite ni gauche", estime Loïc Prud'homme. Aujourd'hui, on constate que le quinquennat n'a pas réduit les inégalités, ni fait barrage à l'extrême droite".
Côté communiste aussi, l'heure est à l'optimisme. "Le premier tour de l'élection présidentielle a montré une progression importante de l'extrême droite et de l'abstention. Ce sont deux mauvaises nouvelles, note Sébastien Laborde, secrétaire départemental du PCF. Mais la bonne nouvelle, c'est la progression de toute la gauche dans le département, ce qui permet d'entrevoir ces élections législatives de manière offensive".
Reste à se mettre d'accord sur la ligne de conduite. A titre d'exemple, les insoumis, comme les communistes veulent un départ à la retraite à 62 ans, quand les socialistes eux souhaitaient sanctuariser l'âge de 62 ans. L'heure est donc à la concertation, aux concessions et aux négociations afin d'élaborer un texte commun. "Ce serait une sorte de pacte qui nous réunirait, avance Jean-Luc Gleyze. Il faudra ensuite regarder circonscription par circonscription ce qu'il faut opérer comme équilibre, de manière à faire en sorte que chacun y trouve son compte".
"Il me semble indispensable et urgent que la gauche écologiste mette en place un pacte de non concurrence, renchérit Nicolas Thierry, président du groupe Ecologiste, citoyens et solidaires au Conseil régional de Nouvelle Aquitaine. Il faut qu'on arrive à organiser les choses pour que dans chaque circonscription, la gauche et les écologistes ne s'affrontent pas", poursuit-il, sans dissimuler son inquiétude à l'idée d'une nouvelle division des forces de gauche.
"Si on n'est pas capable d'avoir une stratégie intelligente, on va avoir un parlement composé essentiellement de la droite libérale. On le sait : ils ne sont pas capables d'apporter des réponses à la hauteur des enjeux du climat, de la biodiversité et de la démocratie. Par ailleurs, on aura aussi des membres d'extrême droite au parlement".
Si la gauche écologiste n'est pas capable de s'entendre aujourd'hui, ça ne serait pas une erreur politique, ça serait une vraie faute morale.
Nicolas Thierry, Président du groupe écologiste, solidaire et citoyen au Conseil régional de Nouvelle AquitaineSource : France 3 Aquitaine
Rapport de force
Quid du rapport de force dans ces tractations ? Anne Hidalgo, la candidate du PS à la présidentielle n'a obtenu que 1,75 % des voix. De l'autre côté, les Insoumis se posent en leader de la gauche, avec un Jean-Luc Mélenchon arrivé en troisième position et cumulant 21,95 % des voix. "Les résultats de la présidentielle sont ce qu'ils sont, reconnaît Jean-Luc Gleyze. Mais ceux des départementales étaient complètement différents (le parti socialiste s'était alors largement imposé en Gironde, ndlr)
A ce titre, il faut regarder comment nous pouvons arriver à trouver les bons équilibres qui conjuguent à la fois le résultat des élections locales et les élections nationales."
"A chaque fois, l'erreur de la gauche, c'est de se dire "parce que je sors en tête d'un scrutin, tout doit se recomposer autour de moi", rappelle Nicolas Thierry, en référence aux bons scores du PS aux départementales, comme à celui des écologistes aux municipales. "La France insoumise aujourd'hui est en position de force, on ne peut pas le nier. Mais on constate que l'électorat de gauche fait des choix stratégiques suivant les scrutins. Ça, on doit l'appréhender quand on se met autour de la table. Cela nous pousse tous à faire preuve de modestie".
Même son de cloche du côté de Sébastien Laborde, " il faut aussi regarder la réalité des territoires, analyse-t-il. Dans certains d'entre eux, il peut y avoir des représentants d'autres forces, qui sont plus à même de l'emporter dans un cadre de rassemblement. C'est une alchimie difficile à trouver, qui prend un peu de temps", avance-t-il.
Et pourtant, le temps presse : pour le premier tour, des élections législatives, les déclarations de candidature doivent être déposées du lundi 16 mai au vendredi 20 mai 2022.