À la Cour d’assises de la Gironde, ce vendredi 31 janvier, Mickaël Falou, a été reconnu coupable du meurtre de Sandra Pla, son ex-compagne tuée d’une cinquantaine de coups de couteau. Il a été condamné à trente ans de réclusion, dont deux tiers de période de sureté. Jusqu’au dernier moment, le quadragénaire n’a jamais expliqué ni détaillé son geste.
Il encourait la réclusion criminelle à perpétuité. Ce vendredi, Mickaël Falou, 40 ans, a été condamné à trente ans de prison, dont les deux tiers de période de sûreté. Les jurés l'ont reconnu coupable du meurtre de Sandra Pla, son ex-compagne, avec une circonstance aggravante de guet-apens.
La jeune mère de famille a été poignardée à mort par son ex-compagnon en juillet 2021. Il l'avait attendue plus de quatre heures dissimulé dans un abri de jardin, avant de commettre son crime.
"Incapable" d'expliquer son geste
Plus tôt dans la journée de ce vendredi, Mickaël Falou, cheveux longs et barbe taillée a écouté les plaidoiries et les réquisitions qui s’égrenaient, ce vendredi 31 janvier. Dans la salle d’audience où se bousculent les parties civiles, familles et proches de Sandra Pla, ceux de Mickaël Falou et les journalistes, le silence règne.
Jusqu’au bout, Mickaël Falou, en dépit d’un récit détaillé de plus d’une heure sur les instants qui ont précédé le féminicide, restera muet sur son passage à l’acte. “C’est maintenant, c’est le moment de dire la vérité. Je vous tends une perche, saisissez-la”, lui lance, comme un dernier appel, l’avocate générale Véronique Compan. Dans son box, l’accusé persiste. “Ça fait quatre ans que j’essaye, je ne sais pas”, souffle-t-il.
Après une heure de réquisitions, l’avocate générale avait finalement requis 30 ans de réclusion criminelle, dont deux tiers de sûreté. Elle aura été suivie par les jurés.
"On est dans le sur-meurtre"
Durant une heure et quart, Véronique Compan s’était adressée à la salle et particulièrement à Mickaël Falou. “C’est un massacre : 50 coups de couteau, voilà la réalité que vous fuyez Monsieur Falou, lui lance-t-elle. On est dans le sur-meurtre. Une notion où le meurtrier cherche à détruire le corps de la victime".
De son estrade, elle rappelle à l’accusé les enjeux, et fulmine contre son attitude “arrogante”. “Vous êtes un être vaniteux et autocentré, vous n’avez d’empathie pour personne, déclare-t-elle. Hier soir, j’ai beaucoup hésité à demander la perpétuité parce que votre comportement est insupportable.”
Vous parlez de dignité et de respect, vous ne savez pas ce que c’est.
Véronique CompanAvocate générale
L’avocate générale est ensuite longuement revenue sur le crime. “Quand on porte 50 coups de couteau au visage d’une personne qui ne peut pas se défendre, on ne peut pas dire qu’on ne l’a pas fait exprès”, assène-t-elle.
Véronique Compan aborde ensuite sur les heures, décrites en détail par l’accusé, qui ont précédé son passage à l’acte. “Il a perpétré les faits avec la notion de guet-apens. Il est resté quatre heures dans ce réduit. Il l’a attendue, surprise, terrifiée, puis tuée”, rappelle-t-elle.
"Féminicide annoncé"
Quelques heures plus tôt, ce sont les avocats des deux parties qui ont livré leurs plaidoiries, revenant notamment sur le contexte de peur qui a entouré les six mois précédant le drame. “Sandra Pla est morte non pas d’une dispute qui a dégénéré, mais d’un féminicide annoncé, lance Elsa Crozatier, l’avocate de la mère et du beau-père de Sandra Pla. Depuis juin, il était certain qu'il voulait assassiner Sandra. Elle avait notamment écrit qu'elle avait peur de finir comme les autres à la télé."
De son côté, l’avocat du père de Sandra Pla est revenu sur la personnalité de l’accusé. “Mickaël Falou est quelqu’un d’égocentrique, d’égoïste, qui ne pense qu’à lui. Il a sorti son couteau et l’a massacrée. Il a voulu l’effacer”, martèle Daniel Del Risco.
Sandra était son objet.
Daniel Del RiscoAvocat du père de Sandra Pla
L’avocate de la belle-mère de Sandra Pla a, elle, appuyé sur le comportement de l’accusé depuis deux jours. “Cet homme rit ouvertement durant les dépositions des parties civiles, transformant ce moment d’émotion en triste farce”, lance Marie Pommies-Courbu. L'avocate en a l'intime conviction : "À ce moment-là, il voulait tuer Sandra. Mais il est allé au-delà de ça. Sa mort ne lui suffisait pas", ajoute-t-elle au sujet de l'acharnement dont aurait fait preuve Mickaël Falou.
"Je ne veux pas m'en souvenir"
Dans l'après-midi, les avocates de la défense ont plaidé à leur tour pour leur client. Sur le comportement de Mickaël Falou au cours du procès, elle reconnaît qu'il "se comporte mal". "Ça fait trois ans qu'il ressasse. Il est arrogant, hautain et on a alors envie de le détester", concède Anaïs Divot, l'une des deux avocates de l'accusé.
Je ne veux pas m'en souvenir parce que c'est horrible, a-t-il confié hier.
Me Anaïs DivotAvocate de Mickaël Falou
Les avocates sont ensuite revenues sur le meurtre de Sandra Pla et l'amnésie qui s'est emparée depuis de leur client. "Il n'arrive pas à poser de mots sur l'indicible, c'est trop compliqué. Le crime passionnel a été évoqué par l'anarchie des coups. Ce n'était pas méticuleux, pas réfléchi. Il a été mu par ce flot d'émotion", avance Anaïs Divot, pointant l'alcoolisation de son client au moment des faits et la mort de son père, en février 2021. "Peut-on demander de la cohérence à quelqu'un dans cet état-là ?"
Muré dans un silence depuis près de quatre ans, dès que les derniers instants de la vie de Sandra Pla sont évoqués, Mickaël Falou serait "enfermé par le mot "féminicide" depuis quatre ans". "Il sait qu'un seul mot prononcé peut se retourner contre lui". Les raisons de son geste, elle les justifie par "un tas de raisons qui ne tiennent à rien". "Quand elle lui dit des mots, elle va cristalliser tous ces mots de souffrance", tente d'expliquer Elena Badescu.
Se souvenir, c'était ouvrir une faille dépressive chez lui, qui menacerait aussi sa survie.
Me Elena BadescuAvocate de Mickaël Falou
Loi de l'image de monstre dominateur et violent, les deux avocates dépeignent "un père", "un homme". "Vous ne jugez pas un monstre, je vous demande de ne pas l'oublier", conclut Anaïs Divot. La seconde avocate de la défense reprend également cet argument. "On ne peut pas se contenter de voir que les atrocités. Il y a de l'ombre et de la lumière et quand elle s'éteint, parfois ça bascule, ajoute Elena Badescu. Son acte peut être qualifié de monstrueux, mais ce n'est pas une bête féroce. C'est un homme qui a aimé Sandra. Il ne vous l'a pas dit, mais c'est insupportable."
Une image de père qui achèvera d'ailleurs la dernière plaidoirie de ce procès. "Je vus laisse avec les mots d'Eva, sa fille, rapporté hier par l'administratrice ad hoc : "Mon papa, je veux qu'il reste longtemps en prison, mais je l'aime un petit peu quand même."
Depuis trois jours, la Cour d’assises de la Gironde tente de faire la lumière sur les dernières minutes de la vie de Sandra Pla. Cette jeune mère de famille a été tuée le 2 juillet 2021, dans la matinée, après qu’elle a amené sa fille à l’école. Aujourd’hui, plus que jamais, les parents de la défunte attendent que “justice soit faite”, comme le déclarait la mère de Sandra Pla, à l’ouverture du procès mercredi dernier.