“Une incohérence politique majeure” : 61 000 fermes bio en danger face à la suppression annoncée de l’Agence bio

Ce vendredi 17 janvier, le Sénat a adopté un amendement qui acte la suppression de l’Agence bio, un organisme national qui promeut l’agriculture biologique depuis 2001. Une incohérence et une aberration pour les acteurs de la filière qui craignent des répercussions.

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L’Agence bio pourrait bientôt disparaître après 24 ans de service. C’est ce qu’a voté, ce vendredi 17 janvier, le Sénat, sur un amendement porté par Les Républicains. Le gouvernement a de son côté émis un “avis de sagesse”, une procédure qui lui permet de ne pas se positionner sur un sujet. Une position qui résonne cependant comme un abandon pour les acteurs de la filière.

Menace sur la filière

Sur les exploitations biologiques de Nouvelle-Aquitaine, l’avenir s’annonce plus sombre. Comme dans le reste de la France, les agriculteurs et entreprises de l'agroalimentaire engagés dans la filière biologique attendent désormais le vote de la commission mixte paritaire, qui actera définitivement la suppression de l’Agence bio, qui promeut et accompagne les acteurs du bio depuis 2001.
“Cette décision menace directement l’avenir d’une filière agricole qui représente une réponse essentielle aux enjeux climatiques, environnementaux et alimentaires”
, dénonce la fédération nationale de l’agriculture biologique en Nouvelle-Aquitaine. 

Proposée par un sénateur, ancien président FNSEA de la Chambre d’agriculture de Haute-Loire, la mesure “suscite l’incompréhension” jusque dans ses propres rangs. “La FNSEA33 et Jeunes Agriculteurs 33 regrettent ce manque de dialogue, soulignant qu'une réflexion plus approfondie sur la réorganisation des agences agricoles aurait été bénéfique”, indiquent les Jeunes Agriculteurs, syndicat agricole affiliés à la FNSEA de Gironde. 

Au travers notamment du label AB depuis 40 ans, la principale mission de l’Agence bio est la promotion de la filière biologique en France. “ L’accompagnement de l’agriculture biologique ne se limite pas à l’octroi d’aides directes. Il implique également une dynamique globale de développement et de valorisation de cette filière. Faire disparaitre l’Agence Bio, c’est mettre en péril une filière déjà fragile et en proie à de nombreuses tensions, avancent les Jeunes Agriculteurs de Gironde. 30 % de notre consommation provient d'importations, tandis que les prix offerts aux producteurs bio ne couvrent plus leurs coûts de production, en raison d'une consommation en nette baisse.”

Filière en crise

Ce “très mauvais signal” est également perçu par la Confédération paysanne. En Gironde, le syndicat agricole dénonce une forme d’abandon. “C’est une filière en crise depuis la guerre en Ukraine. L’inflation a fait s’envoler les prix et comme les produits bios sont un peu plus chers, ce sont ceux qui ont le plus subi une baisse de consommation, explique Vincent L’Amouller, co-porte-parole de la Confédération paysanne de Gironde. Et là, on lui dit de se débrouiller toute seule.”

L’Agence bio, c'est le témoin d’une volonté politique. Là, on supprime encore quelque chose à l’agriculture française.

Vincent L'Amouller

Porte-parole de la Confédération paysanne de Gironde

Outre ses fonctions de promotions des produits de l’agriculture biologique, cette agence aide aussi les acteurs financièrement via le Fonds avenir bio. Sa suppression engendrerait “des conséquences désastreuses”. “Une précarisation accrue des agriculteurs bio, déjà fragilisés par la baisse de consommation et les retards de paiement des aides PAC et une perte de débouchés commerciaux, explique la fédération. Cela provoquerait aussi une rupture de confiance, alors que la filière peine à surmonter une crise de consommation de trois ans.”

Acteur central, elle coordonne aussi les différents organismes sur le territoire pour permettre une meilleure visibilité, donne ses orientations et permet une véritable analyse des données de la filière biologique. "Elle est composée de professionnels à tous les niveaux de gouvernance. Ce ne sont pas que des administratifs et c’est ce qui permet de connaître les réalités du terrain et d’en faire remonter les problématiques”, martèle Inès Carrasco. En cas de suppression, les missions de l’Agence bio seront transféré à FranceAgriMer ou au ministère de l’Agriculture.

En France, 215 000 personnes travaillent au sein de cette filière, soit un agriculteur sur six. Elles représentent environ 61 000 fermes. “En 2024, les installations en biologiques représentent 25% des installations d’agriculteurs sur tout le territoire”, indique la Fédération nationale de l’agriculture biologique en Nouvelle-Aquitaine.

"Incohérence majeure"

Dans la région, la filière compte 9 000 exploitations et 2 000 opérateurs économiques. Tous, dénoncent une “incohérence politique majeure”. Tandis que les objectifs du gouvernement visent le chiffre de 20 % de bio dans la restauration collective et celui de 25 % pour le nombre de surfaces agricoles utiles d’ici à 2030, l’annonce interroge. “Ce paradoxe illustre un manque de vision et de cohérence, laissant l’ensemble des acteurs de la bio démunis face à des ambitions affichées, mais dépourvues des moyens nécessaires pour les atteindre”, regrette la Fédération nationale de l’agriculture biologique. 

Le paradoxe serait d’autant plus renforcé pour la filière qu’il ne s’appuie pas, malgré les arguments du gouvernement de faire des économies, sur le rapport de la cour des comptes. “La cour des comptes a mis en évidence le fait qu’il faudrait supprimer 200 agences en France. Tous les secteurs sont touchés et on le comprend, explique Inès Carrasco, la présidente d’Agrobio 47, l’antenne lot-et-garonnaise de la fédération. Sauf que dans les 200 agences listées, il n’y a pas l’agence bio. Alors pourquoi on ne se fie pas à ce rapport ?”

Les derniers espoirs de la filière sont désormais suspendus à la décision de la commission mixte paritaire. Composée de douze personnes, la suppression de l’agence bio pourrait être entérinée entre les 28 et 29 janvier prochain. En attendant, la Confédération paysanne veut garder espoir : elle a envoyé à “chaque député et sénateur, membre de cette commission” un courrier pour demander de voter contre la suppression. 

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