Deux techniciens professionnels ont été grièvement brûlés en marchant dans les eaux d'une carrière désaffectée qu'ils étaient chargés de cartographier en Gironde. Trois semaines après les faits, la nature de la pollution reste inconnue et l'inquiétude monte dans le village où a eu lieu l'accident.
Les deux techniciens avaient pourtant l'habitude de pénétrer dans des carrières géologiques. Ce 21 novembre, lorsqu'ils se rendent à celle de La Grangeotte, sur la commune d'Espiet à une trentaine de kilomètres de Bordeaux, le malaise survient au bout d'une petite heure. "Ils ont malencontreusement mis les pieds dans de l'eau, qui est rentrée dans leurs bottes. En 30 minutes, ils ont senti des picotements légers, puis des brûlures insupportables", raconte le géologue Thomas Hauquin.
Le directeur du Syndicat intercommunal d'études et prévention des risques carrières et falaises (EPRCF 33) a été témoin de la scène. "Ils se sont rincé les jambes, mais cela n'a pas suffi. Ils ont été en contact d'un produit basique, qui a la particularité de continuer à brûler la peau même après avoir été éliminé de la peau", explique Thomas Hauquin pour qui la nature du produit reste un mystère.
L'origine de la pollution encore inconnue
Pris en charge par les pompiers, les deux collègues ont été hospitalisés en urgence et ont pu rentrer chez eux après plusieurs jours de surveillance médicale. Trois semaines après les faits, "leur état s'améliore, mais il n'est pas encore possible de savoir à quel point ils auront des séquelles", continue le spécialiste.
Dans la commune d'Espiet, l'incompréhension plane. Sur ses 7 km² de superficie, les falaises et carrières représentent 45 hectares, certaines attirent même les touristes. "Une bonne partie d'entre elles sont référencées, on surveille tout. Je me pose beaucoup de questions : que s'est-il passé ? Quels produits sont dans le sol ? Est-ce que cela peut engendrer un effritement des piliers ? Ce produit peut-il avoir une émanation en surface ou d'autres conséquences ?", s'inquiète Didier Cazenave, le maire d'Espiet.
Quand les deux techniciens sont sortis de la carrière et que j'ai vu leurs jambes brûlées, j'ai eu très peur pour eux.
Didier CazenaveMaire d'Espiet
Cette ancienne carrière d'extraction de pierres, aujourd'hui désaffectée, avait déjà été visitée par des techniciens chargés d'assurer un suivi régulier de ces ouvrages. "On n'avait jamais envisagé que ça puisse arriver. C'était difficilement prévisible. Les fois précédentes, au contact de l'eau, on n'a jamais eu de problème. Visiblement, c'est une pollution très ponctuelle. Il va falloir déterminer l'origine, le produit en cause et pourquoi il était là", insiste Thomas Hauquin.
Plainte pour atteinte à l'environnement
La mairie et l'EPRCF 33 ont déposé plainte contre X pour atteinte à l'environnement. Didier Cazenave attend lui aussi des réponses : "Qu'il y ait de l'eau dans une carrière, c'est possible. Mais un produit qui brûle à ce point, c'est très surprenant. Je veux savoir ce qui est arrivé." Les habitants de la commune sont particulièrement inquiets. Une trentaine de maisons seraient situées à proximité du site ou sur des carrières.
Historiquement, la carrière souterraine de La Grangeotte était exploitée pour l'extraction de pierres qui ont servi à construire des villages en Gironde. Plus tard, une carrière à ciel ouvert, juste à côté, a accueilli une cimenterie.
Thomas HauquinDirecteur de l'EPRCF 33
Jacques, dont la famille est installée à Espiet depuis quatre générations, possède un puits dans la carrière. Il a arrêté de s'en servir par précaution, en attendant que des analyses soient lancées. "On n'a aucune idée de ce dont il s'agit", souffle-t-il. Depuis le 22 novembre, toutes les carrières d'Espiet ont été interdites d'accès jusqu'à nouvel ordre.