Témoignage. Victime de soumission chimique, Céline témoigne : "Je ne saurai jamais ce qu'il s'est passé"

Publié le Écrit par Justine Roy et Maria Laforcade

En 2006, Céline, Bordelaise, se réveille amnésique des six dernières heures passées avec son patron de l'époque. Elle témoigne dans un documentaire diffusé ce 21 janvier, sur France 2.

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De cette journée de 2006, elle garde, intacts, les souvenirs d'avant : une invitation à passer la soirée chez son patron, un cocktail, les premiers vertiges. Et les bribes d'après : ce réveil, brutal, dans un lit, face à son employeur. Entre les deux : six heures de vide. "Quand je me suis réveillée, il m'a dit qu'il ne s'était rien passé, qu'on avait simplement trop bu."

L'agresseur de Céline lui a administré un somnifère dans un cocktail. © CAPA (Newen Studios) / Linda Bendali et Andrea Rawlins-Gaston

Le gouffre de l'amnésie

Céline a 28 ans, lorsqu'elle sort, tôt le matin, de l'appartement de cet homme, de 20 ans son aîné. En arrivant chez elle, elle découvre des bleus, des plaies sur son corps, "[s]a chance", selon ses mots. "J'ai eu des doutes, c'est grâce à ça que j'ai eu la force d'appeler la police, sur les conseils d'une amie." Reste une barrière : son amnésie.

Au téléphone, on lui répond d'abord de "reprendre ses esprits" et de "revenir quand [elle] y verra plus clair." Il lui faudra le courage de s'y rendre en personne, pour qu'une commissaire, attentive, prenne sa déposition : "Je crois qu'elle m'a crue et ç'a été fabuleux", explique Céline.

C'était un homme assez important à Bordeaux. Je dis toujours que ç'a été le procès de David contre Goliath, six années de procédure terrible, très violente.

Céline

Victime de soumission chimique

Plus tard, les analyses confirment qu'elle a bien ingéré un somnifère en grande quantité. Le début d'une longue procédure judiciaire. En 2012, son agresseur est finalement condamné à trois ans de prison ferme, pour agression sexuelle. "On avait l'ensemble des preuves, mais la justice n'a pas reconnu le viol." Ni la soumission chimique, la justice estimant qu'il n'est pas prouvé que son agresseur détenait des somnifères et qu'il lui ait administrés. Il n'a jamais avoué : "Ces six heures de black out lui appartiennent, regrette Céline. Je ne saurai jamais ce qu'il s'est passé et ça, c'est très long à digérer."

Libération de la parole

Aujourd'hui, Céline témoigne dans un documentaire Soumission chimique : pour que la honte change de camp, diffusé ce mardi 21 janvier sur France 2. Une évidence, "pour libérer la parole, mettre en lumière ce fléau, et casser les idées reçues sur la soumission chimique."

On a tous en tête que ça arrive dans les milieux festifs. Mais très souvent, c'est dans un cercle proche, familial, amical ou professionnel, comme dans mon cas.

Céline

Victime de soumission chimique

Cette libération de la parole est également favorisée par la médiatisation récente du procès des viols de Mazan, ouvert au public. Une volonté de Gisèle Pelicot, violée à de multiples reprises après avoir été droguée par son mari. Céline espère que les victimes pourront désormais agir plus rapidement : "elles doivent savoir que par l'analyse d'urine ou de sang, on peut trouver des preuves. Et si 48 heures sont passées, des médecins spécialisés peuvent faire une analyse séquentielle des cheveux pour retrouver ces drogues."

Elle, comme beaucoup d'autres victimes, en appelle désormais à une meilleure prise en charge médicale, une meilleure formation. "Pendant 10 ans, Gisèle Pelicot a consulté des médecins, qui lui ont tous dit qu'elle était simplement surmenée."

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Extrait témoignage de Céline - Soumission chimique : pour que la honte change de camp ©CAPA (Newen Studios) / Linda Bendali et Andrea Rawlins-Gaston

"J'ai réalisé mon rêve et ça m'a sauvée"

Une nécessité aussi, pour mieux se réparer. Céline, elle, a trouvé sa résurrection, dans la danse, son rêve d'enfant. "Je suis devenue danseuse de cabaret. Sentir ce corps revivre, ça m'a sauvée", souffle-t-elle, dans un sourire.

En 2014, elle crée même son école de danse à Bordeaux, l'Académie Burlescô Cabaret (dit l'ABC). Elle compte désormais 250 élèves, toutes des femmes, de 7 à 77 ans. "L'idée, c'est de permettre à ces femmes de se réapproprier leur féminité, de réapprendre à s'aimer, et parfois de soigner des blessures cachées."

Une étape dans son chemin de réparation. "Je réussis petit à petit à transformer cette histoire, ça fait partie de ma guérison."

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