En pleine période de traitements des vignes, deux associations ont fait analyser des cheveux d'habitants du Médoc. Tous positifs aux pesticides. Après les résultats, colère et interrogations.
Femmes enceintes, enfants et travailleurs des vignes du Médoc contaminés.
Le Collectif Info Médoc Pesticides et l’association Eva Pour La Vie ont fait analyser les cheveux de femmes enceintes et enfants riverains de vignes sur le Médoc et de travailleurs des vignes.
Les personnes testées ne manipulent pas les produits et ne font pas les traitements employés dans les vignes du Médoc. Et les résultats sont implacables, précise le collectif sur son site.
Cette démarche regroupe des participants répartis sur 11 communes du Médoc : Saint-Seurin de Cadourne, Lesparre, Saint-Germain d’Esteuil, Saint-Sauveur, Saint-Laurent, Pauillac, Cussac, Lamarque, Moulis, Margaux, Listrac.
Ces Résultats sont à mettre en parallèle avec l’augmentation des problèmes de fertilité et de l’augmentation des fausses-couches et bébés morts nés, chez les femmes enceintes. L’augmentation des cancers pédiatriques, des pubertés précoces chez les enfants. L’augmentation des cancers et maladies neurodégénératives chez les travailleurs des vignes, selon le collectif Info Médoc Pesticides.
81 % des résidus sur les cheveux sont classés cancérigènes, mutagènes, et reprotoxiques
C'est un laboratoire européen indépendant qui a réalisé les analyses de cheveux . "Ce laboratoire préfère rester anonyme car il subit de fortes pressions de la part de lobbies", selon le collectif.
Sur l’ensemble des résidus détectés : 37.5% sont cancérigènes possibles, 69% sont reprotoxiques possibles, 37.5% sont perturbateurs endocriniens suspectés, 81% sont classés Cancérigènes, Mutagènes, Reprotoxiques (CMR), les produits les plus dangereux pour la santé.
Chez les femmes enceintes (entre 5 et 8 mois et demi de grossesse), habitant entre 2 et 50 m des vignes : 30% des résidus détectés sont cancérigènes possibles, 50% sont perturbateurs endocriniens suspectés, 70% sont reprotoxiques possibles.
Chez les enfants, âgés entre 3 et 15 ans, habitant entre 1 et 50 m des vignes : 43% sont cancérogènes possibles, 57% sont perturbateurs endocriniens,
86% sont reprotoxiques.
Chez les travailleurs des vignes : 29% sont cancérigènes possibles, 36% sont perturbateurs endocriniens, 71% sont reprotoxiques.
"Les pesticides dans les vignes, c'est un sujet qui nous préoccupent tous ici les travailleurs", raconte ce travailleur portugais qui souhaite garder l'anonymat et qui va participer à la campagne de prélèvement d'urines contre le glyphosate.
Moi, je fais les traitements mais je me protège avec une combinaison, un masque et des lunettes, et je reste dans la cabine du tracteur. Mais, ma femme qui travaille aussi dans les vignes depuis 4 ans, elle a des picotements sur la peau au niveau des bras, et elle va vite se doucher le soir après le travail, témoigne un travailleur des vignes.
Des résultats jugés très inquiétants par le collectif qui alerte à nouveau les pouvoirs publics et le comité interprofessionnel du vin de Bordeaux.
"On s'y attendait car nous habitions entre deux parcelles de vignes"
Cette mère de famille a fait analyser les cheveux de son fils. A l'époque de l'enquête, elle habitait une maison à Margaux située entre deux parcelles de vignes. Les résultats ne l'ont pas surprise. Malheureusement.
Je suis en colère face à notre impuissance. Psychologiquement c'est devenu trop dur surtout depuis la naissance de mon fils. Nous avons préféré quitter notre maison et déménager sur le sud bassin.
Cette mère de famille a eu des problèmes de conception durant sa grossesse. Aujourd'hui, son fils âgée de 5 ans présente des malformations physiques.
On ne peut pas relier directement ces malformations à l'épandage de pesticides dans les vignes mais cela pose question et inquiète.
Les pesticides un sujet toujours tabou dans le vignoble bordelais ?
Selon Marie-Lys Bibeyran du collectif Info Médoc Pesticides, le sujet est toujours tabou en Gironde.
Pas grand chose ne change à Bordeaux. Beaucoup de discours mais sur le terrain rien ne change ! déplore-t-elle.
Lanceuse d'alerte sur les dangers des pesticides, et notamment du glyphosate, dans la viticulture, elle dénonce le manque de motivation du CIVB dans la création d'un observatoire de l'impact des expositions des populations riveraines des vignes du Bordelais.
"A la demande des associations, le CIVB, le Conseil Interprofessionnel a organisé une première réunion en décembre 2018 en présence des maires, habitants et associations, et devait en organiser une autre avant le début de la saison, on attend toujours..."
Interrogé sur le sujet, le CIVB annonce "une réunion avant juillet".
Vers une réduction des pesticides en Gironde ?
En 2017, 60% du vignoble de Bordeaux est certifié par une démarche environnementale (ndlr en 2014 c'était 35 %). Notre objectif, c'est 100 %", selon le CIVB
En retard par rapport à d’autres régions viticoles, le Bordelais (qui compte 5800 viticulteurs) se convertit petit à petit au bio pour se mettre en phase avec marché porteur et une forte pression associative et sociétale.
Même de grands châteaux s'y mettent. Le dernier en date, c'est le Château d'Yquem. Le 13 mai dernier, Bernard Arnault son propriétaire a annoncé lors d’un dîner de gala la conversion en bio de sa propriété : "ce grand cru du Sauternes a franchi des étapes décisives pour parvenir à une viticulture aujourd’hui intégralement biologique", a déclaré Bernard Arnault devant 400 invités( patrons, élus, journalistes).
En avril 2016, la filière a annoncé avoir pour objectif la diminution forte voire même la sortie de l’usage de pesticides. Une direction unique et historique.Nos avancées sont réelles, concrètes, visibles et mesurables. Allan Sichel, Président du CIVB
Le CIVB dit "engager un tiers de son budget soit 400 000 euros dans la recherche dédiée à la réduction des pesticides".
"Aujourd'hui, 7 % des surfaces sont certifiées en bio et 30 % des produits utilisés pour les traitements sont biologiques", assure le comité interprofessionnel.Par exemple, nous travaillons avec la LPO pour installer des nichoirs à chauve-souris dans le vignoble. Car la chauve-souris mange les papillons responsables de la maladie du ver de la grappe, très destructrice pour la vigne, explique Sara Priot-Lesage du CIVB.
Pour les associations qui militent pour l'interdiction totale des CMR, le CIVB "pourraient mieux accompagner les petits vignerons."
De son côté, le CIVB se défend : "c'est difficile, car Bordeaux est montré du doigt et c'est compliqué d'expliquer aux riverains que les produits chimiques sont dangereux mais ils sont autorisés sur le marché français".
Nous CIVB nous avons pour mission d'inciter les viticulteurs à se convertir. Nous avons mis en place un système de management environnemental, un outil pour aider les professionnels et engager la filière dans une économie meilleure.