"Il y a eu une enquête pour valider le CV" : lutte contre l'espionnage, des labos sous haute surveillance à Limoges

On compte deux laboratoires sensibles à Limoges : XLIM et l'IRCER, l'institut de recherche sur la céramique. La sécurité s'y est considérablement renforcée ces dernières années en raison de la concurrence économique et des risques géopolitiques accrus.

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Dans ce laboratoire futuriste, fleuron de l’université de Limoges, derrière les microscopes, les cuves et les écrans, les chercheurs en blouse blanche et gants bleus œuvrent dans un ballet silencieux. Ici, 300 scientifiques travaillent dans les laboratoires d'XLIM et de l’Institut de recherche sur les céramiques sur des technologies confidentielles, des secrets d'État. Pourtant, la moitié d’entre eux sont d’origine étrangère. Des espions se cachent-ils parmi eux ?

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On compte deux laboratoires sensibles à Limoges, dans lesquels la sécurité s'est considérablement renforcée ces dernières années, en raison de la concurrence économique et de risques géopolitiques accrus : XLIM et l'Ircer, l'institut de recherche sur la céramique. Comment la sécurité fonctionne-t-elle dans ces laboratoires ? ©Franck Petit - Mathilde Baralle - Mary Bernhard - France Télévisions

Melchor Potesta est Chercheur Philippin à l'IRCER. "Je ne suis pas un espion, soyons clair, dit-il en riant. Il y a eu un process de sécurité pour que je puisse travailler ici. Dans un premier temps, j’ai dû présenter mon CV et j’ai soumis une proposition de recherche aussi. Il y a eu aussi une enquête pour valider le CV et aussi les informations personnelles transmises."

Ces règles existent aussi dans mon pays. Nous devons respecter la propriété intellectuelle des autres chercheurs. Nous travaillons en groupe, il n’y a pas que mes idées. Nous mettons nos idées en commun pour créer le produit de la recherche.

Melchor Potesta

Chercheur Philippin à l'IRCER

Dans sa main, sa carte d’accès lui ouvre bien des portes... mais pas toutes. "Il y a des zones restreintes dans l’IRCER. Je ne peux pas aller partout. Seulement, dans certaines aires, parce qu’il y a des recherches ici qui sont assez sensibles, par exemple avec la défense. Moi, je travaille uniquement dans ma spécialité."

Melchor Potesta, chercheur Philippin à l'IRCER © Mathilde Baralle

Plusieurs pays sont particulièrement surveillés. Parmi eux, la Russie, l’Inde, l’Iran ou la Chine.
En décembre 2024, la société Ommic, qui a travaillé dans le passé avec XLim, a été rattrapée par la Justice.

Christophe Peyrel, Chef du service de défense et de sécurité du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche © Mathilde Baralle

"Il y a des pays qui privilégient dans leurs recherches leur prospérité et la primauté de leur recherche. La Chine fait partie de ces pays. Cela figure dans des documents chinois officiels ", confirme Christophe Peyrel, le chef du service de défense et de sécurité du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
 

Nous ne bloquons aucun pays à priori. Cela dépend beaucoup de la nature des recherches. Ceux auxquels on ne fait pas confiance, ne rentrent pas dans ces zones

Christophe Peyrel

Chef du service de défense et de sécurité du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche

XLIM et l’IRCER sont classés très sensibles, à ce titre, ils font partie d’un nombre restreint de laboratoires français. Des zones à régime restrictif (ZRR), à accès contrôlé, y sont définies par des experts. Même les salles de vie en commun, comme les cafétérias, sont concernées. Pour y pénétrer : deux conditions sine qua non.
-    Obtenir un avis favorable du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
-    Disposer d'une convention conclue avec une organisation étrangère (par exemple, une université) approuvée par avis ministériel.
Les chercheurs font donc l’objet d’une enquête qui leur permet de franchir cette porte. Ensuite, ils ne peuvent pas accéder, à tous les laboratoires.

Une connaissance partielle d'un projet, pour plus de sécurité

Sur ces sites, les recherches portent sur des applications militaires, spatiales ou liées aux télécommunications. Kariny Numesmaia est doctorante d’origine Brésilienne. À XLIM, elle travaille sur des micro-circuits imprimés. Comment vont-ils être utilisés ? Elle n’en a qu’une très vague idée.

Kariny Numesmaia, chercheuse Brésilienne à XLIM © Mathilde Baralle

"Moi, je participe à deux groupes de recherches. L’un dédié à la fabrication de composants innovants et un autre lié à l’application de composants, par exemple dans des composants électroniques comme les amplificateurs de puissances."

Quand on commence la recherche, il y a le sujet global. Moi, je suis focalisée uniquement sur une seule partie et mes collègues sur d’autres parties. Ainsi, on ne peut pas avoir une connaissance complète, totale du projet.

Kariny Numesmaia

Chercheuse Brésilienne à XLIM

Bruno Barelaud est professeur à XLIM, mais aussi fonctionnaire de sécurité. "Ma mission, c’est la protection du patrimoine scientifique et technologique de la Nation."
Il interdit aux chercheurs de se rendre dans des zones sensibles quand ils participent à des conférences aux quatre coins du monde.

On vérifie, pour les déplacements de nos utilisateurs, de nos usagers et de nos permanents, que l’on soit capable d’assurer leur sûreté quel que soit l’endroit où ils sont.

Bruno Barelaud

Fonctionnaire de défense et de sécurité à Limoges

"Dans cette politique, on commence à admettre que les étudiants potentiellement à risque se situent au niveau de Bac + 4. Master 1ʳᵉ année ou 2ᵉ année d’école d’ingénieur. On considère qu’ils ont suffisamment de connaissances et qu’ils peuvent être aptes à transmettre, même involontairement, des informations qui peuvent être problématiques", admet Bruno Barelaud,

Un équilibre entre la lutte contre l'espionnage et une recherche partagée

Attention, il ne s’agit pas pour autant de se couper des collaborations internationales. Pour avancer, la science doit rester ouverte. Des échanges doivent exister entre les chercheurs du monde entier. Et la lutte contre l’espionnage doit faire avec.

Un chercheur, bien sûr, quand il est en dehors de son laboratoire, il peut parler, il peut échanger. Mais le fait qu’on l’ait contrôlé avant est une garantie qu’au vu de ses connaissances, au vu de ce qu’il va voir dans le laboratoire, grâce à ce qu’il ne va pas voir, la captation sera limitée, voire sera nulle.

Christophe Peyrel

Chef du service de défense et de sécurité du ministère de l'Enseignement supérieur et de la recherche


Christophe Peyrel se veut rassurant : "Le contrôle, il est adapté à une conception que l'on se fait de la recherche, à la nécessité de mener une recherche ouverte. Ne pas fermer complètement la France à la recherche étrangère. Si on allait vers une fermeture complète, nous serions perdants, car nous avons besoin aussi de chercheurs étrangers pour nous alimenter, même ceux de pays comme la Chine. Ils font progresser aussi la recherche française."

Les travaux de l'IRCER ont pour objet l’étude des transformations de la matière intervenant dans la mise en œuvre de procédés céramiques et de procédés de traitements de surface. © Mathilde Baralle

Depuis deux ans en France, quatre"Nous avons obtenu des garanties importantes" : la préfecture de la Creuse se mobilise pour les salariés d'Amis affaires d’espionnage ont été mises au jour par les fonctionnaires de sécurité.

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