Réunis samedi 7 décembre à Limoges pour parler d'éducation, les sympathisants socialistes ont naturellement évoqué la situation politique nationale. Leur parti, le PS, doit-il, va-t-il rejoindre un gouvernement sous Emmanuel Macron ? Nous avons pris la température auprès des militants.
C'est une réunion prévue de longue date. Une conférence-débat à Limoges sur la mixité scolaire. Mais dans la tête des militants, les préoccupations nationales ne sont pas bien loin.
Au milieu du chaos politique après la chute du gouvernement Barnier par le vote de la censure, les cartes sont rebattues et la gauche voudrait faire entendre sa voix. Prendre sa part.
Être ou ne pas être un parti de gouvernement (d’urgence)
La position du parti, emmené par Oliver Faure, est claire : le PS se dit prêt à participer à un gouvernement, mais à certaines conditions. L'un de ses proches, Yannick Trigance, présent à Limoges avec sa casquette de secrétaire national à l’éducation du parti, a défendu la ligne de son chef de file.
Les socialistes demandent un Premier ministre de gauche. Nous disons aussi que nous ne participerons pas à un gouvernement avec un Premier ministre de droite. Et nous considérons que le pays ne peut pas rester dans une telle situation.
Yannick Trigance, secrétaire national à l’éducation du PS
Il plaide pour un gouvernement avec des sensibilités différentes "comme les Françaises et les Français l’attendent" pour que le pays "se remette à fonctionner". La Première secrétaire fédérale du PS en Haute-Vienne, Gulsen Yildirim, défend l’idée d’un gouvernement de gauche avec une orientation de gauche, mais pas de participation en cas "de continuation du macronisme".
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Les militants, eux, sont divisés sur cette stratégie : "Nous sommes trop différents avec la droite", tranche une sympathisante. Un autre quinquagénaire apprécie le sens des responsabilités et la "bonne volonté d’ouverture" des dirigeants du PS, mais reconnaît qu’il faudra "faire des concessions". Pas le choix de se mettre autour de la table avec la droite, selon lui, sinon c’est la "rechute immédiate".
Les militants ont clairement identifié les risques. Participer à un gouvernement avec la droite ferait dire à La France insoumise (LFI) qu’il est le seul vrai parti de gauche. Et de l’autre côté de l’échiquier politique, la présence du PS donnerait du poids au discours du Rassemblement national (RN). Lequel pourrait se targuer d’incarner la "vraie droite" si Les Républicains (LR) travaillent avec des socialistes.
Une alliance en péril
Les partis de gauche réunis sous la même bannière, celle du Nouveau Front Populaire (NFP), ont-ils encore un avenir en commun ? Dans l’urgence de former un gouvernement, sur la base des résultats des élections législatives convoquées par la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier, LFI se distingue.
Après avoir reçu une délégation du Parti socialiste, Emmanuel Macron s’entretiendra lundi avec les responsables du Parti communiste, mais pas avec ceux de la France insoumise. Le parti de Manuel Bompard a refusé la rencontre. Les Insoumis exigent que le Premier ministre soit issu de ses rangs.
Une simple divergence selon Gulsen Yildirim : "C’est le choix de Jean-Luc Mélenchon. Face à la gravité du moment, nous considérons que l’on ne peut pas se permettre de rester dans des postures politiques ou de viser une élection dans quelques mois ou années."
Nous sommes trop souvent passés sous les fourches caudines (NDRL, subir une épreuve humiliante) de Jean-Luc Mélenchon. Il nous faut poser nos exigences face à lui. Ses militants doivent bouger et s’opposer. Il faut parfois savoir perdre trente députés pour ne pas perdre son âme.
Un militant socialisteLimoges, ce 7 décembre 2024
La crise de confiance est totale et ne cesse de se creuser. La dernière enquête d’Ipsos, Fractures françaises, réalisée avec 3 000 personnes, a été publiée lundi 2 décembre. Elle indique que seuls 14 % des Français ont confiance dans les partis politiques.
L'actualité marquée par le double choc de la dissolution et de la censure touche même les plus mordus de politique. Fatigués et lassés, ils ont tendance à se désengager. "C’est vrai qu’on ressent [ce climat] sur la mobilisation. Elle est difficile, car les militants s’interrogent sur l’avenir", avance la cheffe de file du PS en Haute-Vienne.
Récit avec Philippe Mallet