En Limousin, le petit gibier décline. Comme partout en France, les faisans, perdreaux et autres lapins de garenne sont confrontés à une dégradation de leur milieu de vie. L'écosystème de nos campagnes se transforme. Les instances cynégétiques tentent de remédier à ce problème en réintroduisant certaines espèces.
Au cœur de la campagne haut-viennoise, Raymond, quatre-vingt-deux ans, arpente les mêmes chemins depuis l'enfance. Il garde un souvenir ému de ses premières parties de chasse en culotte courte. Le dimanche, c'était l'aventure ! "J'accompagnais mon "pater", se remémore-t-il. Je me régalais. Il y avait des perdreaux, des faisans... Des lapins de garenne, aussi, en quantité." Si le retraité parle au passé, ce n'est pas seulement parce qu'il fouille dans sa mémoire, mais parce que le décor de ses balades en forêt a considérablement changé. "Le paysage était totalement différent, assure-t-il. Il y avait beaucoup de petits gibiers. Je regrette, parce que c'était convivial. C'était sympathique, on passait du bon temps."
On est passé des petites cultures avec beaucoup de haies et de bocages à une monoculture herbagère
Natasha Poirier, directrice adjointe de la Fédération départementale des chasseurs de la Haute-Vienne
Si Raymond ne chasse plus, ne sortant son fusil que pour le passage des palombes en novembre, c'est à cause de la disparition progressive des petits mammifères herbivores. Ce constat est partagé par l'ensemble des instances cynégétiques. Victimes des maladies, ces espèces pâtissent surtout de la destruction des bois et des ronciers, rongés par l’urbanisation et une agriculture plus moderne et productive. "On a eu une modification des paysages agricoles. On est passé des petites cultures avec beaucoup de haies et de bocages à une monoculture herbagère", raconte Natasha Poirier, la directrice adjointe de la Fédération départementale des chasseurs de la Haute-Vienne.
De moins en moins de licenciés pour la chasse au petit gibier
Cet appauvrissement de la biodiversité entraîne un changement dans les habitudes de chasse. "On va avoir des chasseurs de petit gibier qui vont également être des chasseurs de grand gibier, explique Natasha Poirier. Le vrai chasseur de petit gibier, pur, on le retrouve de moins en moins dans le département." Le nombre de licenciés baisse régulièrement. Pourtant, cette activité se révèle plutôt adaptée aux rythmes actuels : "Finalement, aller chasser le petit gibier, c'est un moyen, aussi, de faire du sport. C'est une chasse qui peut attirer les jeunes, et qui se prête davantage au mode de vie moderne. C'est-à-dire que l'on peut aller chasser une heure, deux heures, puis on rentre parce qu'on en a marre ou parce qu'on a un repas de famille."
La survie du petit gibier passe par une gestion durable des espèces. Dans le nord de la Haute-Vienne, à Azat-le-Ris, le Groupement d’intérêt cynégétique de la Basse Marche entreprend, par exemple, la réintroduction de faisans sur dix mille hectares. Depuis cinq ans, mille volatiles de souche sauvage sont lâchés à chaque mois de juillet. "On les lâche dans les cultures de maïs, de tournesol, de colza, détaille Jean-Paul Lavaud, le président de l'association. Les oiseaux ont douze semaines. Là, ils vont trouver un vivier d'insectes très important pour pouvoir s'émanciper et devenir sauvages."
Au printemps dernier, cinq cents faisanes et coqs ont été recensés dans le département. "On a prouvé que ces animaux sauvages pouvaient se reproduire et survivre, se réjouit Jean-Paul Lavaud. Pour le chasseur, c'est un animal difficile à chasser. Et pour le promeneur, c'est une espèce qui est jolie. Tous ceux qui sont en campagne, les jardiniers, ils entendent les faisans chanter au printemps !" La raréfaction du petit gibier ne représente pas une fatalité. Le rôle des chasseurs pour une réintroduction réussie repose sur un respect des quotas de tirs.